La flexibilité psychologique : pour trouver sa juste place et des réponses plus adaptées au monde complexe en mutation d’aujourd’hui?
Le « monde de demain » qui est train de naître, que certains espèrent et d’autres redoutent, à travers la pandémie du Covid19 qui a mis à pratiquement à l’arrêt la machine productiviste mondiale en quelques mois, plongeant les populations dans l’incertitude et un sentiment de précarité et de fragilité exacerbés.
Que faire ? Comment agir ou réagir ? Faut-il relancer la machine économique pour remettre le monde sur ses rails ou faut-il en profiter pour actualiser le logiciel en se posant des questions sur la finalité et le sens de nos engagements individuels et collectifs, au prix de tensions psychiques et physiques possiblement fortes pour trouver de nouvelles réponses ajustées.
Un nombre croissant de recherches scientifiques suggère qu’étant donné la complexité et l'instabilité de notre environnement actuel, il pourrait devenir risqué et inadapté pour les individus de se fier uniquement à leurs connaissances antérieures pour percevoir et agir efficacement. Il devient nécessaire de penser en dehors du cadre, de prendre du recul pour remettre en cause les paradigmes de nos connaissances antérieures dans un monde en mutation, où les recettes d’hier ne sont plus forcément les bonnes recettes pour le monde d’aujourd’hui et de demain.
Ainsi, bien que les recherches passées aient montré que la plupart des processus automatiques humains sont un moyen utile d'adaptation aux situations, des études plus récentes ont révélé que ce n'est pas toujours le cas et qu'une plus grande flexibilité cognitive peut contribuer à réduire l'interférence de l'expérience passée sur l'attention au moment présent. En effet, plusieurs études ont souligné qu'une dépendance trop importante à l’égard des catégories, des attentes et des schémas antérieurs peut être associée à une diminution de la flexibilité (qui peut se traduire par la montée des dogmatismes de tous ordres et des raisonnements simplificateurs et globalisants) et à des difficultés d’actualisation des connaissances.
Dans des contextes sociaux, la complexité et l'imprévisibilité des interactions peuvent conduire à des réponses automatiques inappropriées en raison des schémas existants. Il serait donc utile dans certaines circonstances de pouvoir réduire la tendance à s'appuyer principalement sur des prédictions (c'est-à-dire des processus mentaux descendants) et de pouvoir s'appuyer davantage sur des informations provenant des sens (c'est-à-dire des processus sensoriels ascendants) car cela conduirait à une plus grande flexibilité et à des réponses plus adaptées face à des situations complexes. Afin d'aider les individus à mieux faire face aux changements, à l'incertitude et aux nouvelles actions imposées par l'environnement, la flexibilité cognitive s’avère particulièrement utile. Elle est en partie liée aux processus attentionnels et peut être entraînée pour améliorer la capacité des participants à être ouverts aux nouvelles informations provenant de leurs sens.
L’entraînement utilisé dans l’étude FOVEA a été conçue pour accroître la flexibilité grâce à un programme d’entrainement à la pleine conscience intégrée au quotidien. Comme il vise à accroître l'attention et la conscience aux informations provenant des cinq sens et à développer une attitude ouverte, sans jugement critique et non réactive face aux stimuli, il était attendu que ce type d’entraînement réduise l'automaticité de l'influence descendante dans la perception des émotions
Les résultats de l’étude ont confirmé l'idée que l'entraînement à la pleine conscience augmente la flexibilité et l'efficacité attentionnelle lors du traitement des stimuli de l'environnement. Il existe de plus en plus de preuves que l'entraînement à la pleine conscience augmente la flexibilité cognitive, physiologique et psychologique, comme la capacité́ à maintenir ou modifier un comportement, lorsque cela sert à atteindre un objectif visé, plutôt que d'adopter des comportements automatiques.
Un avantage important de la pleine conscience est la désautomatisation des comportements inadaptés et l'augmentation des comportements adaptatifs. Par exemple, il a été démontré que la désautomatisation et la flexibilité se traduisent par une pro-socialité et une réduction de la discrimination, qui pourraient être la base de reconstruction d’un monde interdépendant, ouvert, bienveillant et collaboratif, ou chacun(e) pourrait trouver sa place et du sens à sa vie.
C’était déjà un des objectifs de la cure thérapeutique proposée par le docteur Vittoz en développant nos capacités attentionnelles dans l’instant présent et en renforçant notre souplesse émotionnelle. Cette approche se rattache à la psychologie existentielle selon laquelle l’expérience immédiate du sujet permet une meilleure approche de la réalité que la démarche rationnelle. Et plus précisément, le corps de la réceptivité sensorielle Vittoz est typiquement « le corps comme mode d’être-au-monde, au moment présent » de Merleau-Ponty. Le Vittoz s’inscrit donc foncièrement dans la perspective phénoménologique, pour laquelle c’est « ce qui arrive » qui importe, dans l’acuité de l’instant présent.
Un exercice emblématique est le signe de l’infini où nous apprenons à nous relier et nous harmoniser dans nos contradictions et oppositions intérieures, pour développer plus de complétude et d’ouverture pour accueillir une plus large palette émotionnelle, et assouplir certains conditionnements liés à nos images de nous-mêmes idéalisés qui peuvent se rigidifier si elles ne sont pas assouplies dans notre relation à nous-mêmes, aux autres et au monde. Symboliquement, c’est un des exercices Vittoz qui rejoint le plus un grand nombre de mes patients et des participants à mes groupes Fovea, qui se l’approprient pour gagner en degré de liberté et de flexibilité.
En plus d'être un précurseur dans le champ de la pleine conscience intégrée au quotidien, le docteur Vittoz l'était aussi dans l'utilisation de notre cerveau. En effet, il a écrit dans son unique livre "Le traitement des psychonévroses par la rééducation du contrôle cérébral (1911)", dans lequel il parle du cerveau et de l’importance d’apprendre à mieux le contrôler: « cette méthode a pour base que tout état psychasthénique est dû à un fonctionnement défectueux du cerveau, et que c’est là, que nous devons trouver le remède ». Or, nous savons depuis 20 ans, que notre cerveau est par nature flexible car neuroplastique, il se modifie en fonction de son utilisation en lien avec nos expériences de vie. La biologie nous dit donc que l'être humain peut évoluer et changer par nature.
Alors, oserez-vous l'expérience attentive ?
To be Flexible or not, that’s the question ?
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Patrick BOBICHON
Praticien de la psychothérapie Vittoz
Instructeur FOVEA
Coordinateur de l'étude nationale FOVEA pour l'IRDC
Pour Particuliers, Groupes et Organisations
En cabinet, sur site et par vidéo.
Qui suis-je ?
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