Peine maximale requise contre Deliveroo à son procès pour travail dissimulé

Le parquet a requis 375 000 euros d'amende contre Deliveroo, et un an d'emprisonnement avec sursis pour deux anciens dirigeants, estimant que le lien de subordination entre la plateforme et ses livreurs était établi.

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Peine maximale requise contre Deliveroo à son procès pour travail dissimulé

La peine maximale, 375 000 euros d'amende, a été requise le 16 mars contre Deliveroo, dans le cadre du procès de l'entreprise et de trois de ses anciens cadres devant le tribunal correctionnel de Paris pour travail dissimulé. L'affaire porte sur la période 2015-2017. Au bout de cinq jours d'audience, la procureure a estimé que la plateforme de livraison avait "instrumentalisé et détourné la régulation du travail" dans le but d'organiser une "dissimulation systémique" du statut des livreurs, qu'elle aurait dû salarier au lieu de les employer en tant qu'indépendants. Plus d'une centaine de livreurs se sont portés parties civiles.

Un an de sursis pour les anciens dirigeants
Elle a également requis l'affichage et la diffusion de la décision de justice sur la page d'accueil du site et de l'application, ainsi que devant les locaux de l'entreprise pendant deux mois. Enfin, elle a souhaité que soient confisqués les trois millions d'euros saisis par l'Urssaf pendant la procédure.

A l'encontre des deux dirigeants de l'époque en France (Adrien Falcon et Hugues Decosse), le parquet a requis un an d'emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d'amende, et quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende pour l'ancien directeur des opérations.

La réquisition a conclu que le lien de subordination entre Deliveroo et ses livreurs était établi par "un faisceau d'indices", ce qui concernait "des milliers de travailleurs" : directives, contrôles (délais de livraison, itinéraires, indicateurs de performance…), sanctions, mode et niveau de la rémunération, fixation des horaires, faisaient partie de l'arsenal de l'entreprise pour gérer sa flotte, allant bien au-delà de la simple mise en relation avec les restaurateurs et les clients.

Le vent tourne pour les plateformes
Ce procès est la première procédure pénale en France relative aux travailleurs des plateformes. Jusqu'à présent, seules des juridictions prud’homales s'étaient exprimées. L'enjeu est important car le modèle économique des plateformes repose sur le statut d'auto-entrepreneur de leurs livreurs, contesté depuis plusieurs années devant la justice dans plusieurs pays, dans la mesure où ces derniers ne sont pas entièrement libres d'organiser leur activité. Qui dit pas de salariat dit pas de cotisations patronales, pas d'accident du travail…

La loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019 avait tenté d'empêcher la justice de requalifier en contrat de travail la relation entre les travailleurs des plateformes et leurs donneurs d'ordre, mais cet article avait été censuré par le Conseil constitutionnel en décembre 2019. La position actuelle de la Commission européenne est au contraire la présomption de salariat.

Décision le 19 avril
L'avocat de Deliveroo  et ceux des anciens dirigeants ont plaidé la relaxe. L'entreprise a fait valoir que son modèle avait été "largement modifié" depuis la période concernée par le procès et "conteste catégoriquement l’ensemble des chefs d’accusation". La décision du tribunal coorectionnel est attendue le 19 avril.

Deliveroo, qui s'est introduit en bourse il y a un an à la City, a publié ses résultats 2021 le 17 mars. La plateforme a creusé ses pertes, affichant un excédent brut d'exploitation (Ebitda) de -131,4 millions de livres (-156 millions d'euros), contre -11,8 millions en 2020, malgré une progression de son volume d'affaires brut de 70% et de son chiffre d'affaires de 57%, en raison des investissements technologiques et marketing. Le groupe prévoit d'atteindre l'équilibre entre le deuxième semestre 2023 et le premier semestre 2024.

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