SOUVENIR DE L'EXPOSITION L'ART DE LA FÊTE À LA COUR DES VALOIS AU CHÂTEAU DE FONTAINEBLEAU
Francesco Primaticcio (1503-1570), Modèle pour un costume de femme-caryatide, 1540-1550, plume, encre et aquarelle, 325x163 mm, Stockholm, Nationalmuseum
Francesco Primaticcio (1503-1570) entre au service de François Ier en 1532, après s’être formé à la fresque et au stuc lors du chantier du palais du Té à Mantoue, aux côtés de Giulio Romano (vers 1499-1546). Son rôle auprès du roi est pluriel, agissant tant comme artiste, qu’agent de la cour.
L’exposition qui s’est achevée au château de Fontainebleau, « L’Art de la fête à la cour des Valois » témoigne du faste des fêtes dont le château a été un témoin privilégié. Ces réceptions donnaient lieu à des œuvres éphémères, et le dessin est un support important pour découvrir les costumes les plus excentriques dont se parait la cour des Valois.
L'artiste dessine ici une femme vêtue à l'antique, de face, soutenant un entablement sculpté: une cariatide. Leur origine est donnée par Vitruve dans De architectura. Les habitants de la ville de Carya, dans le Péloponnèse, se seraient alliés aux Perses lors des guerres médiques. Les Grecs ayant gagné, ils auraient alors tué tous les hommes et réduit les femmes en esclavage. Ces motifs architecturaux rappelleraient leur traîtrise, cette alliance aux Perses contre leur peuple, et leur condamnation à porter sur leurs têtes ce fardeau. L’iconographie est caractéristique de cette parenthèses sous la dynastie des Valois, où, malgré les guerres, la cour bénéficie d’une légèreté de ton qui se révèle par ses costumes, mêlant références antiques et littéraires. L’œuvre s’inscrit également dans l’iconographie plus générale du château de Fontainebleau, où la présence des femmes et des cariatides est récurrente, notamment dans la galerie de François Ier. Primatice était familier des références aux iconographies et œuvres antiques : il a été chargé de copier et mouler les antiques sur l’ordre de François Ier, ainsi que d’en acquérir à Rome lors de son voyage en 1540.
La réalisation de ces dessins demandaient l’intervention de nombreux corps de métiers, et ainsi les inscriptions à leur adresse sont fréquentes. Ici, bien que peu lisibles, Primaticcio indique certainement les matériaux à utiliser pour la réalisation du costume de cariatide. Les draperies qu’elle revêt sont dissociées par une utilisation délicate de l’aquarelle jaune et violette en rehauts. Cet emploi de l'aquarelle ne se retrouve que pour ses dessins de mascarades. C'est une grande particularité de l’artiste, qui le distingue de ses contemporains italiens s'adonnant à l'art du dessin de la mascarade, comme Rosso Fiorentino (1494-1540). En s'inspirant des aquarelles des costumes de la cour d'Este à Ferrare de Pisanello et des dessins monochromes de mascarades contemporains, Primaticcio réalise une production qui lui est propre. Mais les esquisses de costumes ne sont pas la spécificité des italiens contribuant aux chantiers de Fontainebleau. Vasari témoigne dans ses Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes de la participation, aux XVe et XVIe siècles, des peintres italiens aux fêtes, mascarades et autres réjouissances par la pratique du dessin.
Ce dessin fait partie d’un ensemble acheté par Pierre Crozat (1661-1740). Il rejoint ensuite la Suède grâce à Nicolas Tessin (1654-1728) qui achète les « Trente-six Dessins de Mascarades pour des Balets, & de figures pour un Tournoy; ils sont coloriés » lors de la vente de sa collection le 13 mai 1741. Ils étaient alors attribués à Nicolò dell’Abbate. Dans ses études sur Primaticcio parues en 1899 et 1900, Louis Dimier lui attribue vingt-cinq esquisses dans le lot, permettant ainsi de redécouvrir une nouvelle facette de son art.
L'ensemble des dessins est par la suite daté de la fin de la carrière de Primaticcio, sous le règne d’Henri II et François II. Loin d'être exécutées pour les fêtes données en l’honneur de Charles Quint, comme le pensait Tassin en les achetant, ces feuilles sont liées à plusieurs fêtes, sans qu’on puisse relier le dessin de la cariatide à une festivité en particulier. Si les travaux de Dominique Cordellier et Carmelo Occhipinti ont permis de rattacher certaines lettres et témoignages de costumes à des événements, le présent dessin conserve tout son mystère quant à la destination de son costume.
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Pour en savoir plus :
O. Beaufils et V. Droguet (dir.), L'art de la fête à la cour des Valois, Paris, 2020.
O. Beaufils, La Tenture des Valois, tisser les fêtes de Catherine de Médicis, Paris, 2022.
O. Beaufils et L. Capodieci (dir.), La Cour en fête dans l'Europ des Valois, Tours, 2022.
D. Cordelier et B. Py (dir.), Primatice, maître de Fontainebleau, Paris, 2004.