UN DESSIN SOUVENIR DE L'EXPOSITION LE BIJOUX DESSINÉ, À L'ÉCOLE DES ARTS JOAILLIERS DE PARIS
« Je ne connaissais pas actuellement de dessinateur en bijou, enfin, en voici un ! », s’exclame Alphonse Fouquet, célèbre joaillier contemporain, lors de la présentation de Lalique à l’Exposition nationale des Arts Industriels, au Louvre en 1884.
Rapporté par H. Vever, La bijouterie Française au XIXe siècle, III, 1908, p. 702.
La pratique du dessin fait partie intégrante de la formation de joaillier ; à tel point que la première épreuve pour accéder à ce statut était de présenter un croquis dessiné. C’est par ailleurs la dextérité de René Lalique (1860-1945) avec un crayon qui l’amène vers les arts décoratifs ; à douze ans, il est lauréat d’un concours de dessin organisé par le collège Turgot à Vincennes, où il étudie. Suite à quoi, sa mère le place en apprentissage auprès de l’orfèvre Louis Aucoc (1850-1932). Après avoir perfectionné son art à l’École des Arts Décoratifs, puis à Londres, il devient dessinateur en chambre de bijoux qu’il propose aux grandes maisons de joaillerie, comme Cartier ou Bouchardon. C’est seulement à partir de la seconde moitié de 1880 que Lalique conçoit ses bijoux, du dessin à la réalisation finale de l’objet.
Le dessin présenté ici, daté d’environ 1900, permet de comprendre l’inventivité et la délicatesse des œuvres de Lalique. On voit, par les annotations faite par l’artiste ainsi que par un membre de son atelier, qu’il s’agit d’un objet de travail, et non pas un gouaché réalisé à partir de l’œuvre achevée afin d’en garder une trace. La préparation du papier, caractéristique des dessins de joaillier, permet de mettre en valeur l’éclat des pierres. Les empâtement de gouache signifient la présence de diamants, entourés de feuilles qui s’épanouissent en courbes entre chaque bouquet de noisettes, qui seront, Lalique l’indique, entièrement en or. Il précise les matériaux utilisés : or, diamant, mais aussi corne et cristal. Son utilisation de matériaux semi-précieux le distingue de ses contemporains, la préciosité de la pièce provenant de sa fantaisie et son inventivité. Le répertoire naturel a été une grande inspiration pour Lalique, comme pour tous les artistes de l’Art Nouveau, refusant les références académiques pour chercher l’inspiration dans le hasard des formes de la flore, et la vigueur de la faune, mais aussi dans l’art japonais, qui arrive à Paris grâce aux marchands de l’époque comme Siegfried Bing (1838-1905), et les Expositions universelles.
Une autre feuille d’un diadème « branche de noisetier » est conservée au musée Calouste Gulbenkian, à Lisbonne (inv. 2476). Il représente une version plus dense, les feuilles n’étant plus ajourées, mais séparant avec ce qui sera des pierres de lune des rameaux de noisetiers tout en courbes descendantes. Le diadème réalisé à partir de cette version est également conservé au musée Calouste Gulbenkian, inv. 1196.
Au XIXe siècle, les grandes Expositions universelles créent une émulation qui mène à l’avènement du joaillier qui n’est plus seulement artisan, mais artiste. René Lalique s’inscrit pleinement dans cet élan, comme le prouve l'exposition.
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Pour en savoir plus :
Maria Teresa Gomes Ferreira (dir.), Lalique, bijoux, Lisbonne, 1999.