PILGRIMYSTIC POST n°15

Que ma joie demeure !

Salutations chers lecteurs,

 

Après quelques changements, ou plutôt une grosse déviation sur mon Chemin, me voici revenue à ce que je crois être véritablement, ou plutôt fondamentalement : une critique et une esthète.

 

Ces dernières semaines, à cause de l’influence de tous les romans lus, à cause de l’étude de toutes ces fictions, j’ai cru que j’étais, ou plutôt que je devais moi aussi, produire de la fiction.

 

Or, pour mes auditeurs du Logos Club, vous savez combien ma relation avec la fiction est problématique, parce qu’elle perturbe la philosophe (très) pascalienne en moi.

Je me méfie de tout ce qui peut me détourner du Moi, et donc par crainte de me mentir à moi-même, et donc de mentir à autrui, je fais régulièrement une ascèse catégorique de ce qui m’éloigne de moi, ou de ce que je crois être moi.

 

Or, ce fameux Moi, est-il circonscriptible, définissable, et borné ?

 

Non, d’où le fait de s’autoriser à emprunter des voies secondaires, de sortir de l’autoroute, suivre une déviation, même si elle semble aller en sens inverse de l’objectif à atteindre, ou qu’on s’est promis d’atteindre.

 

Ces derniers temps, donc, ayant plongé, comme une abstinente dans sa dépendance, je me suis gavée de fictions, en ai étudié très profondément les mécanismes, et en étais arrivée à croire qu’il était de mon devoir, envers mon Moi artistique, de devenir productrice de fiction à mon tour.

 

Reprenant donc mes brouillons de roman, je commence à échafauder un plan d’action pour enfin rédiger ce fameux roman…

Sauf que…

Bah…

En vérité, je me retrouve systématiquement face au même embranchement.

 

  • d’un côté : l’écriture devient une autofiction aux allures de purge narcissique, dont parfois je trouve noble d’envisager le partage, parfois ridicule, et finalement dommageable ;

  • de l’autre : l’écriture est trop artificielle, et on y sent un effort peu naturel pour raconter une histoire, qui ne serait pas la mienne, et dont, je me fiche pas mal, somme toute !

     

Ce que j’ai cependant constaté, c’est que depuis gamine, j’aime écrire, et j’écris tout le temps, rarement des “histoires”, (en tant que diariste au très long cours, j’écris au quotidien "mon histoire", au gré de son déroulement, et ces journaux intimes, je ne voudrais jamais qu’ils soient lus, parce que si je sais qu’ils peuvent l’être, alors je n’y écris pas de la même façon), souvent de la poésie, parce que c’est composer de la musique avec les mots (et que mes tentatives de compositions musicales ont toujours été catastrophiques, mais très très drôles, je raconterai peut-être une autre fois pourquoi), et parce que je ne pourrai jamais me défaire de ma trop grande sensibilité sensorielle.

 

J’ai également constaté que j’ai une plus grande facilité à produire de la fiction en langue étrangère…

Etrangère, pas tant que ça, en l’occurrence, écrire en anglais a longtemps été un générateur, surtout au lycée, d’expulsion cathartique, parce que je lisais beaucoup en anglais, mais aussi, parce que j’écoutais et étudiais très attentivement les paroles de mes groupes et chanteurs favoris en anglais, et que j’ai une relation toute familiale et particulière avec cette langue.

 

Plus récemment, c’est en arabe (littéral s’il vous plaît), que je me suis trouvée très inspirée et beaucoup moins freinée qu’en français, ou en anglais, pour écrire non seulement de la fiction, mais même, de la science-fiction.

Le récit fantastique me vient tout seul en arabe, le frein éventuel, par contre c’est la rigueur et le travail qu’exige pour moi cette langue littéraire et savante, difficile à totalement maîtriser, sans plus l'étudier.

 

Je ne saurais vous dire quelle est ma langue maternelle…

Puisque je crois que j’ai eu la chance de grandir dans un monde arabophone et francophone, subtil mélange dont seule l’Algérie est capable.

 

J’ai souvenir d’une photo de mon berceau, enfant, donc en Algérie, au-dessus duquel ma mère avait accroché une feuille, probablement en format A3, ou plusieurs A4, où elle avait écrit l’alphabet français et en-dessous les chiffres arabes de zéro à 10, il me semble (maman, papa, si vous retrouvez cette photo, ce serait génial !).

Cette image reflète à elle seule le paradoxe et la richesse de ma « double » (multiple) culture… (Bon elle reflète aussi les grands projets intellectuels que ma mère avait pour moi !!)

 

Écrire dans une langue plutôt qu’une autre, n’est jamais le fruit du hasard quand on est polyglotte.

Cependant, ce qui m’intrigue, et là, c’est la philologue - linguiste qui parle : y a t il un lien entre l’orchestration d’un texte et l’organisation structurelle d’une langue ?

 

Par exemple : est-ce que le fait qu’écrire de la fiction, du fantastique, soit beaucoup plus facile / évident pour moi en arabe, en anglais, voire en allemand, alors qu’en français, seule la poésie en-dehors de toute la philosophie, étude et critiques artistiques, soit envisageable ?

 

Est-ce que certaines langues sont plus propices à une structure littéraire ?

Certains disent qu’effectivement, l’Allemand est parfait pour la philosophie, la mathématique, la logique, etc. Et ce, grâce à l’organisation même de la langue. Pour ma part, j’associe volontiers le turc et l’allemand.

Je pense que j’ai un meilleur niveau aujourd’hui en turc qu’en allemand, mais, ces deux langues ont beaucoup de points communs (en témoigne leur géopolitique !)

 

D’ailleurs, est-ce qu’écrire en Turc m’intéresserait ? Non… par contre parler et entendre le Turc, ça oui ! C’est une langue fondamentalement orale pour moi…

Le français chez moi est donc la langue parfaite pour penser et décrire mes pensées esthétiques, c'est la langue des sentiments.

 

La pensée en effet, elle a son rôle dans la langue choisie pour son expression.

En quelle langue pensez-vous ?

Personnellement, je ne pense jamais en allemand, en turc, en latin ou en grec (anciens, je précise).

Par contre je pense souvent en arabe (dialectal, je précise aussi), en français et en anglais. Mais chaque type de pensée a sa langue propre... Intéressant tout cela ! Parfois je crois que ma pensée n'a même pas de langue comme support, mais des sons, couleurs, odeurs, etc. paraît que c'est cela être synesthète, mais pas exactement, enfin, on en reparlera une autre fois, probablement dans un épisode de mon Podcast...

 

Et là encore, je remercie le Ciel de m’avoir fait comprendre que devenir romancier n’était vraiment pas fait pour moi, mais, que je m’accorde, peut-être à tort, une légitimité à commenter, d’écrire, expliciter tout l’Art dont je me nourris par l’outil de la langue française.

 

Longtemps je me disais que ceux qui écrivaient des critiques littéraires, musicales, picturales, gastronomiques, etc, étaient des personnes qui n’avaient pas le talent pour être producteur de l’art visé, et qu’ils se consolaient en faisant la pluie et le beau temps auprès de ceux qui ont le courage de produire et de créer, parce que c’est risqué d’être créateur, alors que critique… trop facile…

En fait, on peut être mélomane sans être compositeur, ni même interprète... Pour ma part, être interprète me plaît beaucoup, même si j'ai encore des velléités à vouloir composer (en travail chorégraphique, en mise en scène théâtrale, je vous rassure, je ne compose pas de musique, je laisse ça à d'autres !)

 

J’ai vraiment longtemps pensé comme ça, aussi, plutôt que de critiquer et juger les productions artistiques des autres, j’ai longtemps produit moi-même.

Cela a du bon, puisqu’avant acquis la pratique d’un art, je me trouve ensuite plus apte à en juger celle d’autrui.

Et je vais vous faire un aveu : ma plus grande admiration va toujours à celles et ceux qui créent, réalisent, des choses que je sais être incapable de produire à mon tour. Pourtant je peux vous dire que je ne suis pas du genre à me mettre de limite, que je considère que seule la volonté permet d’atteindre n’importe quel objectif.

Eh bien en matière d’art, de sport (puisque le sport est pour moi un art, au sens de teknè et d’un esthétisme qui dépasse le résultat athlétique), il y a des domaines, que je sais, je ne voudrai pas étudier, ou ne serai jamais capable d’acquérir. Ce sont dans ces domaines-là que mon entendement lâche prise et que seule l’admiration reste.

 

C’est là que les mots prennent le relais. Certes je ne pourrais être bonne critique d’un domaine que je ne maîtrise pas, mais écrire mon ressenti face aux sensations que génère mon lâcher-prise face à cette création est finalement génératrice d’art elle-même !

 

Je ne sais pas vraiment si vous avez pu me suivre le long de cette écriture automatique, mais je pense que je vais la conclure en reprenant un peu plus les rênes : l’écriture, l’expression verbale, orale ou écrite, quelque soit la langue employée, est fondamentalement artistique.

 

La critique esthétique / artistique a toute sa raison d’être, et je compte bien assumer être ce commentateur des choses vues, tout en laissant se forger un style dans mes dites critiques.

 

Non je ne suis pas une artiste au rabais, je suis simplement un philosophe qui questionne tout, et qui cherche des raisons de vivre dans tout ce qui l’environne, intérieurement et extérieurement.

En vous souhaitant à tous, un merveilleux Chemin !

Que la Paix soit sur vous !

 

Habiba Hafsaoui-Hellégouarch

Si vous pensez que cette lettre peut plaire à quelqu'un, n'hésitez pas à la lui transférer.

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