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Penser pour panser les liens

lettre #janvier 2022 - le jeu des possibles <img height="22" src="https://static.wixstatic.com/media/5e9922_6047ac2b0fe24f88bcf6fa54fdde792e.png_256" width="22"> 

« Vivre, c'est transformer en présence familière ce qui semblait inaccessible,  en connaissance ce qui était non seulement inconnu mais insoupçonné, en compréhension ce qui était incompréhensible,                 en souvenir ce dont nous ne connaissions même pas l'existence."." Jean-Claude Ameisen

Photo © Eau Source de Vie de Sophie Prestigiacomo et Régis Poisson

 

Présence sonore

 

Autour de moi, depuis plus d'une année plusieurs bébés sont nés. Pensant à ce temps de l'enfance singulier, j'ai pu une nouvelle fois constater le réconfort qu'apporte une présence sonore au bébé avant de s'endormir. Spontanément, les berceuses viennent aux lèvres des  parents avec le mouvement d'apaisement et de bercement. C'est un temps d'échanges uniques. Lorsque ce langage est fredonné, chanté, il est protecteur car le plaisir peut ainsi se substituer à l’angoisse, ce qui permet aussi que l’excitation soit contenue. Mais il nécessite aussi cet accent de vérité de l'adulte qui engage son corps et ses émotions permettant tantôt un moment de plaisir partagé, tantôt la tempérance, , voire la consolation.

 

L’enfant aime entendre la voix de sa mère, de son père, de chaque personne qui lui assure cette continuité chère à Winnicott. De ce point de vue, dans ce temps d’échanges autour des berceuses, c’est toute la dimension de rencontre interpsychique avec un préconscient maternel et paternel qui, par sa sensibilité et sa compréhension empathique, s’offre à la fois dans sa fonction pare-excitante et de créativité.

Lors des tétées, en mâchouillant, en suçotant,le nouveau-né, incorpore les premières sonorités de la musique portée par ses figures d'attachement et s’engage ainsi dans un premier travail d’intériorisation.

 

La voix est une identité à elle seule. Elle distingue un sujet parmi les autres dans ce qu’il a de plus singulier et de plus intime du plus profond de l’être parlant qu’elle vient dire. 

Les travaux de Marie-France Castarède, psychanalyste passionnée par l'opéra qui a longtemps travaillé autour des premières expressions sonores, du premier cri du nouveau-né n'offrent pas de doute : la voix est une expression libidinale. La voix est psycho-sexuelle : « Le chanteur se sert de tout son corps comme instrument sonore, avec un pouvoir érotique évident. Le pouvoir du chanteur réside dans sa capacité à montrer, à exprimer et à adresser son désir à l’autre. » in La Voix et ses sortilèges, préface de Didier Anzieu, Paris, Les Belles Lettres, 2004 

 

« Tante dis-moi quelque chose, j’ai peur parce qu’il fait noir », et la tante de répondre : « À quoi cela te servira-t- il, tu ne peux me voir ? » « Ça ne fait rien, répond l’enfant, du moment que quelqu’un parle, il fait clair. »

Freud qui rapporte cette anecdote en a conclu que la personne interpellée en faisant « sentir sa présence » calme l’enfant, angoissé par l’absence d’une personne aimée. En fait, ce que nous indique Freud par cet exemple, c’est que seule la voix compte pour l’enfant, la voix qui figure en fait pour lui cette autre voix, celle qui lui manque et qu’il désire, voix de sa mère absente.

 

Peut-être alors sur le divan, où la parole couchée contraint le mouvement et interdit toute action si ce n’est de parole, au service de la pensée, lorsque parle l'analyste est-ce l'écho de l'attente de jadis qui attend cette autre voix, celle qui nous manque... encore. 

De fait, c'est la voix qui s'élève, se murmure, s'effondre ou s'élance dans tout ce qu'elle montre ou non de pulsionnalité.

 

Si on peut dévorer des yeux, depuis bien plus tôt « l’oreille mange encore plus que les yeux » disait André Green.

 

 
Christophe Ferveur Les bienfaits du chant
 

De l'identité fissurée

 

 

quand on plonge au fond de soi-même, ne risque-t-on pas d’y trouver quelqu’un d’autre ?

Saint Augustin avec sa philosophie de l'existence a questionné l'identité en posant sa célèbre assertion : « Questio mihi factus sum » c'est-à-dire « Je suis devenu question pour moi-même ».

C'est une sacrée dynamique que de se lever le matin avec cette phrase en tête! Essayez donc! 

Notre existence n'est ni un long fleuve tranquille ni une ligne d'autoroute fastidieuse.  Nous aurons plutôt au fil de cette existence à affronter des virages serrés en épingle, franchir des montagnes et sauter des gués, avec souplesse, rigidité ou les deux!

C'est ainsi que sous mon identité, je vais être amenée à expérimenter, comme les chats, plusieurs versions de moi-même voire plusieurs vies.

 

Madeleine Collins est un film que je viens d'aller voir. Une femme qui se fait appeler soit Judith, soit Margot selon de quel côté de la frontière elle se tient,  nie le poids de son passé en le séparant de son présent. Une opportunité lui fait se glisser dans une peau qu'elle pense être sienne... mais qui ne l'est pas.

Complicités et aveuglements conscients et inconscients de ses proches vont construire un piège redoutable dans lequel le Moi sera piégé par le reflet des absences et des déliaisons y compris maternelles et paternelles. Le délire exprimé peut donc se comprendre comme un porte-voix du processus familial, de leur conflit intrapsychique et intersubjectif.

Cela conforte la théorie  dynamique des trois D (le dépositaire, le déposant et ce qui est déposé) de Donald Meltzer.

 

Lors des très fortes tensions, de deuils, et des crises massives, chacun d'entre nous peut ressentir une bascule entre ce qui était une référence, comme une personne connue disparue ou un lieu de vie effacé et ce qui n'existe plus.

En grec, le mot "crise" signifie "décision"... décision d'être avec ses provocations, ses inhibitions ou ses excès.

Alors de notre histoire, nous pouvons nous sentir étranger et peut alors apparaître la fissure identitaire, c'est-à-dire une faille dans la relation du Moi au monde extérieur.  

 

Freud s’inscrit dans cette démarche du Moi perçu comme questionnement, mais en la radicalisant. Il va scruter unheimlich, des étrangetés inquiétantes voire parfois insupportables. Selon Freud, serait unheimlich « tout ce qui devait rester un secret, dans l’ombre, et qui en est sorti . » 

Freud va suivre cette ligne de ce qu’il a appelé le clivage du moi, c’est-à-dire la coexistence au sein du Moi de deux attitudes contradictoires et bien séparées envers la réalité extérieure : l’une qui la reconnaît, l’autre qui lui dénie toute existence au profit des exigences pulsionnelles. Pour ceux qui souffrent d’un sentiment de dépersonnalisation, c’est-à-dire d’un trouble de la conscience de soi, les impressions que donne le monde extérieur portent le caractère de l’étrangeté, comme si elles venaient de très loin. 

 

Depuis la naissance, l'altérité demeure au service de l'identité. De la puissance à l'acte, l'être tend à développer ses virtualités afin que le Sujet advienne. L'identité engendre des jeux qui dépendent des besoins physiologiques, des tendances psychologiques et psychiques, de la volonté, des désirs conscients, voire inconscients. Les jeux du Je renvoient chacun à ses propres expériences.

 

La personnalité dite « normale » est généralement conçue comme un état d’équilibre traduisant l’adaptation de l’individu tant dans sa propre conscience de soi que dans son milieu socio-culturel. 

 

Chez le sujet dit « normal », le Moi est l’image que perçoit le Sujet à l’endroit de son désir, comme le constituant, lui, comme sujet. Je désire donc je suis.

 

Pour le sujet en mal d'être de soi, l’image identifiante va se brouiller, voire disparaître, et c’est à ce moment-là qu’il se demande, ne se projetant plus dans un objet de désir, ce qu’il est vraiment en tant qu’être, autrement dit ce qu’il fait là.

 
Film Madeleine Collins
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