Laurent Mucchielli
Sociologue, directeur de recherches au CNRS (Centre Méditerranéen de Sociologie, de Science Politique et d'Histoire). https://www.lames.cnrs.fr/spip.php?article10
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Billet de blog 15 juil. 2021

La crise sanitaire a révélé l’inquiétant déclin du journalisme

Absence d’enquête de terrain, «people-isation», perte de neutralité au profit d’un genre de militantisme, enquêtes à charge, dépendance totale envers la communication des agences gouvernementales et des industries, le journalisme tel que défini il y a 50 ans dans la Déclaration de Munich est en train de disparaître sous nos yeux, éclipsé par un «fact-checking» général aussi superficiel que biaisé.

Laurent Mucchielli
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Épisode 55

Communication partout, journalisme nulle part ? Telle pourrait être une des formules – volontairement un peu provocatrice – aidant à problématiser l’évolution du journalisme contemporain dans un pays comme la France. Le problème était déjà résumé en 2014 par Christine Leteinturier (Université Paris 2) : « Le champ du journalisme est, en France, l’espace où l’affrontement entre information et communication est sans doute le plus fort. (…) L’émergence d’un ‘journalisme de communication’ au tournant des années 1990, consolidé par l’expansion rapide du Web, fragilise cette position d’indépendance des journalistes dans un univers médiatique désormais très largement dominé par des enjeux commerciaux ». Ce disant, il ne s’agit pas de critiquer quiconque en particulier, ni de mettre tout le monde dans le même panier (il y a environ 35 000 journalistes en France, dont un quart de pigistes et CDD très courts, comme le rappelait récemment le sociologue Erik Neveu), mais de réfléchir à une évolution générale. Le constat est en effet incontournable : depuis le début de la crise sanitaire, le traitement de l’information par la grande majorité des médias français ne respecte pas la plupart des principes déontologiques de la profession. Loin de jouer un quelconque rôle de contre-pouvoir, ils constituent au contraire les relais globalement très dociles, parfois même complaisants, de la communication gouvernementale. Il n’en a pas toujours été ainsi.

Il y a 50 ans, la Déclaration de Munich                       

C’est à Munich, en 1971, que les syndicats de journalistes des six pays constituant alors le marché commun européen (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas) adoptèrent la « Déclaration des devoirs et des droits des journalistes » à l’initiative d’un journaliste français, Paul Parisot (1917-2007). Ce dernier était un homme de gauche et grand résistant, journaliste à Franc-Tireur puis à France Soir et au Matin, élu président du Syndicat des Journalistes Français en 1964, devenu l’un des principaux artisans de la création de l’Union Nationale des Syndicats de Journalistes en 1966 et enfin de la Déclaration de Munich cinq ans plus tard. Relire ce texte fondateur 50 ans plus tard s’avère une lecture nécessaire quoique peu réjouissante tant ce temps paraît lointain.

Dans son préambule, la Déclaration de Munich commence par affirmer que « le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain », que ce « droit du public de connaître les faits et les opinions » détermine « l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes » et que tout ceci « prime toute autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics ». Comme l’ont montré les historiens du journalisme tels Jean-Marie Charon (La presse en France de 1945 à nos jours, Seuil, 1991) ou Fabrice d’Almeida et Christian Delporte, Histoire des médias en France de la Grande Guerre à nos jours, Flammarion, 2003), au sortir de la guerre et de la Collaboration, Parisot et nombre de ses collègues sont particulièrement sensibles à l’emprise d’une part de la propagande des gouvernements, d’autre part de l’emprise des « puissances d’argent ». On sait que Parisot lui-même mena notamment un combat contre l’emprise croissante de l’homme politique et patron de presse Robert Hersant (1920-1996), dont le passé collaborationniste était alors dans toutes les mémoires, et dont les entreprises de presse sont aujourd’hui largement détenues par le groupe Dassault.

Cette Déclaration de Munich énonce les 10 devoirs que doit respecter « tout journaliste digne de ce nom », parmi lesquels ceux de :

  • « défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique »
  • « ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations »
  • « s’obliger à respecter la vie privée des personnes »
  • « rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte »
  • « s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information »
  • « ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs »
  • « n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction ».

Le moins que l’on puisse dire est que nombre de ces vertueux principes ont été régulièrement bafoués durant la « crise sanitaire » que nous vivons depuis un an et demi, et que les deux grandes préventions des fondateurs du journalisme moderne (la double mise à distance de la propagande des gouvernements et de l’influence des « puissances de l’argent ») ont quasiment disparues.

« People-isation » et journalisme de « derrière les écrans »

Longtemps, le journalisme a pu se définir par l’enquête et se juger par la qualité et l’originalité de l’information recueillie. Longtemps, les entreprises de presse pouvaient se classer sur une sorte d’échelle de sérieux allant de la presse People et ses paparazzi d’un côté aux journaux employant des journalistes d’investigation de l’autre. Longtemps, le correspondant de guerre a constitué une sorte de référence absolue, incarnant aussi bien l’indépendance que la capacité de faire enquête et de produire de véritables révélations sur les terrains les plus difficiles, avec des valeurs telles que la découverte de la vérité, l’impartialité et le courage. Ce n’est pas pour rien que le plus prestigieux des prix convoités par tout journaliste qui se respecte est le prix Albert Londres, du nom de celui qui, dans les années 1920, fut l’un des tout premiers à révéler aussi bien la réalité du régime bolchevique que celle de la vie dans le ghetto juif de Varsovie ou encore celle des bagnards français de Guyane et des malades mentaux des asiles métropolitains.

Las, même s’il ne s’agit pas d’idéaliser ce passé, force est de constater que ce temps est révolu. De nos jours, le journalisme de presse écrite se pratique presque exclusivement dans un bureau, avec un ordinateur, une connexion internet et un téléphone portable. Pire, comme le traitement médiatique de la crise sanitaire le montre, la presse réputée la plus sérieuse s’est laissée aller à ce l’on appellera une people-isation sans précédent, en particulier dans la couverture des controverses scientifiques, lors même que cette façon de faire était généralement jusqu’ici l’apanage de la télévision.

La grande polémique qui a entouré l’IHU de Marseille et son directeur Didier Raoult illustre jusqu’à la caricature cette people-isation au terme de laquelle la question posée est « Quelle est la personnalité de cet homme ? », alors que la bonne question était : « Qu’est-ce que cet homme dit qu’il faut faire pour gérer au mieux l’épidémie ? ». Le dernier avatar de cette tendance est l’essai biographique (Raoult. Une folie française, Gallimard, 2021) que lui ont consacré deux journalistes ayant le prestigieux statut de « grand reporter », dont la quatrième de couverture donne le La : « Le Professeur, le Marseillais, le druide, le Gaulois, le sauveur ou le gourou. Génial pour les uns, charlatan pour les autres, connu dans toute l’Afrique, célèbre jusqu’en Amérique… Avec sa chloroquine, Didier Raoult a déversé dans le chaudron de la crise sanitaire une potion explosive ». On est bien sur le registre People et non sur celui de l’analyse. Dès l’introduction, le propos est clair, il s’agit de « chercher à comprendre les ressorts de sa personnalité », et les premiers chapitres emmènent le lecteur dans le récit d’une saga familiale contée par le principal intéressé qui, comme chacun l’a compris depuis longtemps, adore parler de lui-même si on l’amène sur ce terrain (au lieu de s’intéresser à son travail). Le problème est que, non seulement les journalistes ne devraient pas confondre leur métier avec celui de psychanalyste (ou de romancier-biographe), mais de surcroît tout ceci ne présente en réalité aucun intérêt pour la santé publique des citoyens du monde. Pire, hormis les verbatims de quelques personnalités, on ne trouve pas dans le livre ce qui aurait été très intéressant, à savoir une véritable analyse de la « folie française » annoncée dans le titre, en analysant les controverses souvent passionnelles qui ont eu lieu à ce sujet et autour de la gestion de la crise sanitaire chez les élus, chez les scientifiques, chez les journalistes et chez les médecins. Ceci aurait, il est vrai, nécessité quelques centaines d’heures de travail supplémentaire.

Ce constat n’a toutefois rien d’exceptionnel. C’est à peu près toute la presse française qui s’est fourvoyée dans cette personnification des enjeux de santé publique, comme si elle était hypnotisée par le charisme et l’exubérance provocatrice du personnage.

Une autre caractéristique du traitement médiatique de l’IHU de Marseille est que la quasi-totalité des journalistes qui en ont parlé soit n’y ont jamais mis les pieds, soit n’en ont vu que le bureau du directeur. Et ceci n’a rien d’anodin, c’est au contraire essentiel. Car derrière Didier Raoult se cache une institution publique regroupant un hôpital et plusieurs centres de recherches et où travaillent et étudient des centaines de personnes. Ne rien en connaître ne peut évidemment que contribuer à tout ramener à la personnalité d’un homme, et alimenter les fantasmes les plus ridicules sur ce qui s’y passe du matin au soir. Ainsi en est-il de ce pseudo-récit du « druide » distribuant sa « potion magique », que tant de personnes (y compris des journalistes et même des universitaires) ont fantasmé à des degrés divers en commentant les files de personnes venues en réalité se faire tester (à une époque où seul l’IHU avait l’intelligence de l’organiser) puis éventuellement soigner (à une époque où la consigne mortifère officielle était de rester chez soi avec du Doliprane au risque que la situation dégénère et qu’il faille hospitaliser).

Les très rares journalistes parisiens qui ont pris la peine de venir voir de quoi il retournait réellement en ont du reste livré un récit bien différent (par exemple cet article pourtant succinct d’Anne-Laure Barret paru le 28 mars dans le JDD). Mais il est infiniment plus confortable de rester dans son bureau à Paris (ou ailleurs) à consulter des documents, regarder des vidéos sur YouTube et passer quelques coups de fils, plutôt que de prendre un train pour venir quelques jours à Marseille et y faire un vrai grand reportage sur la façon dont on y fait de la recherche et dont on y a soigné – et on y soigne encore – les gens. Albert Londres doit se retourner dans sa tombe.

Enquêtes à charge, attaques sur les personnes

Dès lors que le débat était sottement centré sur une seule personne, le contenu ne pouvait qu’en être biaisé par les émotions et l’issue de pouvait qu’en être manichéenne pour la plupart des intéressés. Comme si to like ou to not like Raoult était the question. Que cette discussion ait lieu au café du commerce et dans les repas de famille, on le comprend. Mais qu’elle s’étale dans les médias est atterrant. Et il y a pire : comme si un pli avait été pris, cette personnification des choses ne s’est pas limitée au directeur de l’IHU de Marseille. Elle s’est étendue à tout le débat public.

Sur Raoult d’abord, on peine à trouver un article de presse dont le ou les auteurs aient été capables de mesure ou d’équilibre. L’on trouve essentiellement des articles à charge, dénués d’objectivité du fait de leur incapacité à voire la complexité des choses et à se poser une autre question que celle de savoir s’ils doivent finalement être favorables ou défavorables à la personne dont ils parlent. Même le journal indépendant Mediapart (dont l’auteur de ces lignes est un abonné de la première heure) n’a pas su y résister. Sans doute influencée notamment par les syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche (que Raoult s’est évidemment mis à dos depuis l’époque où il était président d’université), la rédaction en chef du journal a fait le choix d’une ligne anti-raoultiste dure qui n’est très certainement pas passée inaperçue dans l’entre-soi que constitue le monde journalistique parisien. Ceci se comprend notamment à la lecture du compte Twitter de Fabrice Arfi, l’un des cadors de la rédaction de Mediapart, qui aura tiré à boulets rouges sur l’IHU du début à la fin (voir par exemple la façon dont il reprend à son compte et justifie l’hostilité de son journal à la suite de l’article pourtant frauduleux du Lancet fin mai 2020). Dans le journal, c’est Pascale Pascariello (qui pourtant connait bien la petite musique des industries pharmaceutiques et de l’OMS depuis l’affaire de la grippe de 2010 couverte à l’époque dans Là-bas si j’y suis) qui fut chargée de l’assaut, qui eut lieu au tout début du mois d’avril 2020. Tout en prétendant « ne pas prendre parti dans la polémique sur les traitements » (voir la vidéo liée à l’article), la journaliste a fait pourtant une enquête à charge visant à discréditer et la personne et le traitement. Le chapô de l’article est très clair et dit d’emblée que la neutralité affirmée est en réalité feinte : « Mediapart a voulu comprendre la défiance du monde médical et scientifique à l’égard de Didier Raoult, son principal promoteur. Nos recherches nous ont permis de découvrir des rapports et des témoins qui pointent des résultats scientifiques biaisés et des financements opaques ». En deux phrases, il est ainsi suggéré au lecteur, premièrement que Raoult est un marginal rejeté par les professionnels de la médecine et de la recherche (ce qui est faux, il a au contraire reçu tous les signes de reconnaissance professionnelle possibles au cours de sa carrière, mais il s’est en revanche fâché aussi avec une partie de ses collègues du fait de sa personnalité, ce qui est totalement différent), deuxièmement qu’il est un fraudeur (ce qui relève de la diffamation), le tout en convoquant notamment une série de témoignages anonymes. Et le journal ne déviera jamais de cette ligne, la santé y étant ensuite traitée par la journaliste Caroline Coq-Chodorge, qui n’hésitera pas à prendre fait et cause pour les médecins anti-raoultistes proches du pouvoir politique actuel, allant jusqu’à écrire que Didier Raoult salissait l’image de la recherche médicale française dans le monde entier. Parallèlement, force est de remarquer que Mediapart s’alignera sur la presse mainstream en adoptant une ligne militante sur la vaccination généralisée de la population.

Concernant l’affaire Raoult, la vérité nous semble avant tout politique. Ce que Mediapart ne peut probablement pas accepter, c’est qu’il faille donner raison à la stratégie proposée par un homme classé politiquement à droite. C’est bien ce que le partenaire marseillais de Mediapart, Marsactu, avait du reste rappelé à la fin du mois de mars, en montrant les soutiens politiques de droite sans lesquels Raoult n’aurait jamais pu réussir à financer totalement son projet d’IHU. Or, si ceci est parfaitement exact, c’est aussi parfaitement banal. A une échelle infiniment plus petite, l’auteur de ces lignes n’aurait jamais pu créer en 2011 un Observatoire Régional de la Délinquance et des Contextes Sociaux en région PACA sans des soutiens politiques de gauche, ce qui n’a pourtant jamais dérangé les journalistes commentant ses travaux.

Qu’un journal qui a, non sans raison, réussi à incarner une certaine survie du journalisme d’investigation en France se laisse aller à un tel parti-pris laisse deviner la suite, dans les autres médias, où l’on s’encombrera encore moins de précautions. Certains journalistes sont en effet devenus clairement des leaders de l’anti-raoultisme en France, transgressant allègrement les règles d’impartialité de leur métier, en faisant presque une sorte d’affaire personnelle, un genre de règlement de comptes. Outre les « fact-checkers » sur lesquels nous reviendrons, citons par exemple Cécile Thibert au Figaro, Victor Garcia à L’Express ou encore Géraldine Woessner au Point, et leurs pages personnelles sur les principaux réseaux sociaux (notamment Twitter). Ce sont des dizaines d’articles et de messages allant tous dans le même sens et au ton souvent même moqueur voire insultant.

Inquisition, cyberharcèlement et cancel culture dans les pratiques journalistiques

Le temps passant, et l’IHU ne lâchant rien de ses positions, ce journalisme de parti-pris deviendra de plus en plus agressif et même menaçant. Libération héberge le blogueur-influenceur Christian Lehmann, prêt à tout pour discréditer globalement l’IHU et son ennemi personnel Raoult, tenant régulièrement sur Twitter des propos insultants voire orduriers (« Ta gueule, va jouer avec ton épandeur à purin », adressé à la députée Martine Wonner). En mars 2021, il publiera un article accusant à tort l’IHU de s’enrichir sur le dos des malades, en faisant mine de ne pas savoir que le prix des soins médicaux n’est évidemment pas encaissé par l’hôpital où ces soins ont eu lieu mais par l’entité administrative régionale que constitue l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) qui regroupe 5 hôpitaux à Marseille et dans sa région. Cet article sera repris et commenté dans une dizaine d’autres de la presse nationale et régionale dans les 48 heures qui suivirent. Comment un tel personnage peut-il pourtant être pris au sérieux ?

Plus récemment, L’Express, par le biais de V. Garcia (devenu l’un des plus fanatiques des anti-raoultiens), allait encore plus loin dans un article prétendant faire des « révélations » sur des cas de Covid qui auraient été cachés par l’IHU au sein de son personnel. Il en recense « une petite dizaine », ce qui est grotesque dans la mesure où 1) l’on parle de plusieurs centaines de personnels qui ont soigné plusieurs dizaines de milliers malades, 2) le chiffre est en réalité beaucoup plus élevé et, loin de le cacher, l’IHU les a comptabilisés très précisément et en donnera même la répartition par catégories de personnels, 3) ceci est banal, cela s’appelle les maladies nosocomiales et c’est un vrai sujet que, hélas, aucun journaliste n’a jamais abordé (combien de personnes ont attrapé le Sars-Cov-2 à l’hôpital alors qu’elles y venaient pour d’autres raisons ?), 4) ceci est évidemment arrivé dans tous les hôpitaux ayant accueilli beaucoup de malades Covid mais le journaliste n’a pas cherché à faire une seule comparaison avec un autre hôpital. C’est qu’il ne s’agit plus d’informer les lecteurs d’un journal, il s’agit de faire tout ce que l’on peut pour discréditer une personne et l’institution qu’elle dirige. Quant à la suite de l’article de V. Garcia, qui prétend décrire « une ambiance délétère tant sur le plan humain que professionnel » dans un hôpital marseillais où l’auteur n’a jamais mis les pieds, elle vire à la farce. Ceci mérite-t-il encore le nom de journalisme ? Faudra-t-il un jour créer un Conseil de l’ordre des journalistes pour y convoquer ces femmes et ces hommes qui ont renié les principes de base de leur métier en se prenant pour des pseudo-justiciers chargés d’abattre l’ennemi qu’ils se sont désignés ?

Cette petite entreprise de démolition n’a pas concerné que le directeur de l’IHU de Marseille, elle s’est étendue à tous les chercheurs qui ont osé le soutenir publiquement, ou bien qui ont tout simplement manifesté des opinions différentes de celles du ministre de la Santé et de son « Conseil scientifique Covid-19 ». L’épidémiologiste Laurent Toubiana, le physiologiste Jean-François Toussaint, comme l’auteur de ces lignes et bien d’autres encore (Christian Perronne, Louis Fouché…), en ont fait l’expérience. Le premier s’est vu non pas discuté pour ses idées mais mis en cause sur le plan personnel par des journalistes (Libération, L’Express, et quelques autres) allant jusqu’à mettre en cause son statut professionnel de chercheur à l’INSERM et sa compétence d’épidémiologiste. Là encore, il ne s’agit nullement d’analyser un débat scientifique en rendant compte de façon équilibrée des arguments des uns et des autres. Il s’agit de faire taire un point de vue en essayant de discréditer la personne qui le porte.

On pourrait y voir une illustration de la banalisation de la cancel culture qui a fait grand bruit ces dernières années aux États-Unis, et qui se répand partout en lien avec l’usage de plus en plus massif des réseaux sociaux. Elle était définie récemment par Yannick Chatelain (École de Management de Grenoble) comme « une logique d’attaque et d’adhésion contrainte » : « C’est bien cette logique, attaques personnelles et usages intempestifs des réseaux sociaux, qui est au cœur de la Cancel Culture. De manière paradoxale, sous couvert de ‘libérer la parole’ cette dernière s’éloigne de la liberté d’expression. Cette Culture ne tolère nul débat autre que l’adhésion tout en ouvrant la porte à la délation et à l’ostracisation. Ainsi, la pratique de la Cancel Culture va viser à faire adhérer des individus à une cause sous peine d’être soupçonnés de soutenir, voire d’être complice de ce qui est dénoncé ». Le problème est que, parfaitement compréhensible dans ses usages polémiques par les militants de telle ou telle « cause », une telle attitude est en contradiction avec les règles de base de la neutralité journalistique.

Pour notre part, à la suite de la publication dans Le Parisien d’une première tribune collective, en septembre 2020, signée par quelque 200 universitaires et professionnels de santé, nous avons reçu un seul appel d’un journaliste. Et il ne s’agissait pas de nous demander des précisions ou de nous soumettre les réactions d’éventuels contradicteurs sur le fond, mais de nous demander comment nous pouvions accepter (parmi les 200) la signature de trois médecins qualifiés par ce même journaliste de « complotistes ». Le même « journaliste » de L’Express téléphonera ensuite aux principaux signataires de la tribune pour leur demander de la même manière pourquoi ils avaient de si mauvaises fréquentations... La stratégie consiste à tenter de discréditer cette parole collective émergente s’est poursuivie sans discontinuer dans cet hebdomadaire qui, le 6 octobre 2020, inventera la catégorie de « rassuriste » et de « marchands d’espoir » pour désigner l’ensemble de ces savants qui n’ont pourtant rien à vendre ni à gagner financièrement dans cette affaire, contrairement à d’autres. L’auteur de ces lignes se verra même raillé comme un chercheur qui « d’ordinaire relativise les chiffres des… violences », ce qui constitue la critique d’extrême droite la plus couramment adressée au chercheur dans le débat public depuis plus de vingt ans. Quant au parallèle fait par le sociologue entre la dramatisation de l’épidémie et la dramatisation de « l’insécurité », il suggère à ces journalistes que les propos du chercheur « fleurent bon le complotisme », prônant ainsi une sorte d’abdication joyeuse de tout esprit critique.

Un autre de Libération (Florian Gouthière), lui aussi devenu un anti-raoult fanatique, écrira sur Twitter qu’il faudrait « montrer l’imposture de la clique Mucchielli », en réponse complice à son ex-confrère Vincent Glad (devenu tristement célèbre avec l’affaire de la « Ligue du LOL », qui s’est soudainement trouvé une passion à donner son avis sur la crise sanitaire via son compte Twitter très suivi).

Plus récemment, notre travail collectif sur les statistiques de mortalité, qui montre notamment que le Sars-Cov-2 n'a provoqué aucune surmortalité en dessous de 65 ans contrairement aux mensonges répétés du pouvoir exécutif, a bien entendu été attaqué immédiatement par les "fact-checker" du Monde et de Libération qui pourraient tout aussi bien exercer au sein du service de communication du gouvernement. Nous nous en sommes déjà expliqués.

Quant au professeur Toussaint, à la suite de son intervention au séminaire de recherche de l’IHU, en avril 2021, il recevra un message de l’un des journalistes cités plus haut, non pas pour lui demander des précisions quelconques sur sa conférence d’épidémiologie mais pour le menacer de dénonciation : « J’ai récemment consulté des vidéos de votre conférence à l’IHU. Pouvez-vous me confirmer le nombre de participants ? (…) Cette conférence n’était-elle pas en violation avec le confinement imposé sur tout le territoire à cette date ? Comment avez-vous pu vous rendre à Marseille ? Pourquoi ne portez-vous pas de masque ? Sur les images, les deux portes sont fermées. Cet amphithéâtre dispose-t-il de fenêtres ? La pièce était-elle aérée ? ».

Inquisition, flicage, menace ? Chacun jugera le « journalisme » dont il est ici question. Un journalisme qui ne discute nullement les idées mais s’attaque uniquement aux personnes en cherchant tout ce qui peut permettre de leur nuire. Un journalisme qui surveille en fin de compte la bonne application des discours et des mesures prises par le gouvernement. Une caricature de ce que Serge Halimi appelait « les nouveaux chiens de garde » il y a quelques années. Et qui se confirme dans le fait que ce traitement médiatique est totalement discriminatoire : il ne vise que les savants ne partageant pas la ligne officielle du ministère de la Santé. Et si Didier Raoult est évidemment la cible privilégiée de ces « chiens de garde », leur dénigrement s’applique en réalité à toute personne réclamant un débat scientifique contradictoire. C’est ainsi que Bruno Andreotti (Laboratoire de Physique de l’École normale supérieure), peu suspect de sympathie envers le directeur de l’IHU de Marseille mais auteur d’un passionnant article « Contre l’imposture et le pseudo-rationalisme. Renouer avec l’éthique de la disputatio et le savoir comme horizon commun », se verra d’autant plus attaqué qu’il mettait en évidence les apories intellectuelles des « No fake med », de journalistes comme Géraldine Woessner ou encore de l’essayiste Laurent Alexandre.

En revanche, un journal comme Le Monde n’a cessé de dresser des portraits très élogieux voire complaisants (voir notamment ceux de Yazdan Yazdanpanah, Karine Lacombe et Dominique Costagliola) des personnalités du monde médical ou de la recherche médicale les plus proches du pouvoir politique actuel. Un « deux poids, deux mesures » qui est général. En mars 2021, le même journal, qui fut jadis une référence en matière de journalisme, ira jusqu’à relayer la propagande de l’Élysée présentant le Président de la République comme un épidémiologiste de haut vol. Bientôt un roi thaumaturge ? On s’attendrait éventuellement à lire ce genre d’article dans la presse People, pas dans Le Monde. Comment un tel journal a-t-il pu tomber aussi bas ?

« Ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste »

En vérité, c’est un torrent de boue qui s’est déversé sur l’IHU de Marseille depuis un an et demi. Des centaines d’attaques, visant soit la personne du directeur, soit un des aspects du traitement proposé contre la Covid. Il faut donc dire à présent quelques mots du traitement médiatique de l’affaire de l’hydroxychloroquine et, derrière elle, du véritable sujet de fond qui est celui de l'existence de traitements précoces venant perturber la doxa du Covid (pour laquelle il n'y a globalement rien à faire à part attendre la vaccination générale).

Nous avons déjà consacré plusieurs épisodes de l’enquête sur la gestion politico-sanitaire de la crise du Covid qui se déploie depuis mars 2020 sur ce blog. On n’y reviendra donc pas en détail aujourd’hui. Il convient cependant de rappeler les faits suivants :

1- les journalistes dits « scientifiques », rapidement soumis à la pression des influenceurs type « NoFakeMed » et autres Youtubeurs s'auto-proclamant porte-paroles de la Science (« Osons causer » et autres du même genre), ont globalement adhéré assez rapidement à l’idée que le traitement proposé par l’IHU de Marseille était inefficace. Et dès lors qu’ils épousaient cette thèse, ils n’étaient plus capables d’examiner les choses de façon impartiale. Tout ce qui allait dans ce sens était mis en avant, tout ce qui le contredisait était passé sous silence.

2- les mêmes journalistes dits « scientifiques » ont relayé l’idée que l’hydroxychloroquine était un médicament dangereux voire mortel, ce qui constitue en réalité l’une des plus importantes fake news constatées durant cette crise (voir notre épisode du 11 mai 2020), qui n’a rien à envier aux théories complotistes que tant de journalistes prétendent traquer.

3- ces mêmes journalistes se sont précipités pour relayer l’article frauduleux du Lancet à la fin du mois de mai 2020 (voir notre épisode du 26 mai), non pas pour le discuter avec impartialité et un minimum d’esprit critique (il n’était pas difficile de voir la fraude), mais au contraire pour s’empresser de célébrer joyeusement la mort rêvée de l’ennemi qu’ils combattaient. Parmi d’innombrables exemples et pour ne pas répéter les mêmes noms à chaque fois, citons à présent Nicolas Martin, producteur de l’émission « La méthode scientifique » sur France Culture, qui annonçait sur Twitter la « fin de partie » pour l’hydroxychloroquine le 27 mai, la formule constituant évidemment une moquerie directe à l’endroit de l’IHU de Marseille.

4- au-delà du traitement proposé à l’IHU, c’est l’idée même de traitement précoce que la plupart des journalistes dits « scientifiques » n’auront finalement jamais comprise. Après le protocole de l’IHU de Marseille, ils feront ainsi subir le même traitement déloyal à l’ivermectine à partir du début de l’année 2021, lors même qu’il s’agit probablement du médicament le plus efficace de tous. Le docteur Gérard Maudrux l’a montré en examinant de près la façon dont ces journalistes (exemple avec Le Figaro et Le Monde) ont traité le cas de l’Inde. Mieux : c’est un simple blogueur de Mediapart qui a fait la leçon aux « Décodeurs » du Monde. Le 13 avril 2021, dans un article intitulé « S’agit-il d’un traitement éprouvé face à l’épidémie due au SARS-CoV-2 ou d’un faux espoir ? », ces journalistes prétendaient s’attaquer à une question très importante : « Une telle question, dont peut dépendre la vie de milliers de malades en France et de millions dans le monde, méritait un traitement rigoureux de la part des ‘Décodeurs’ ». Las, le « traitement rigoureux » annoncé vire en réalité à la farce. Sur 53 articles scientifiques disponibles à ce moment-là, les journalistes du Monde n’en citent que 4. Pire, leur argumentation devient rapidement dogmatique, passant sur le terrain politique (en résumé : l’ivermectine a été soutenue par des personnalités d’extrême droite, donc il faut forcément la rejeter) et se terminant évidemment sur la comparaison avec le traitement préconisé à l’IHU de Marseille, deuxième une sorte de « grand Satan » pour ces journalistes. Une honte intellectuelle, mais parfaitement alignée sur la position officielle du ministère de la Santé. Pour la petite histoire, ce même blogueur sera censuré par Mediapart quelques temps après (le 23 juin), lorsqu’il montrera qu’une journaliste du même journal en ligne ne connaît pas non plus les études scientifiques au nom desquelles elle prétend parler.

Fact-check : l’arroseur arrosé

Terminons ce triste florilège avec de nouveau les « Décodeurs » du Monde qui illustrent (hélas) parfaitement la disparition du journalisme dont il est ici question. Le 21 mai 2021, Gary Dagorn et Assma Maad publiaient un article intitulé « Didier Pittet et la transmission du Covid-19 par aérosols : une position à rebours du consensus scientifique ». De quoi s’agit-il ? Le 25 juin 2020, Emmanuel Macron avait voulu « une mission indépendante chargée d’évaluer la réponse française à la crise sanitaire engendrée par l’épidémie, dans une triple dimension sanitaire, économique et sociale et en comparaison internationale ». La direction en fut confiée à Didier Pittet, Médecin-chef du service de prévention et contrôle de l’infection à l’hôpital de Genève et professeur à la Faculté de médecine de Genève, entouré d’une économiste de l’OCDE, d’une directrice de recherche émérite au CNRS, d’un président de chambre de la Cour des Comptes et d’un médecin de santé publique du CHU de Bordeaux. Patatras, dans son rapport final, la mission indépendante a fait preuve… d’indépendance. Et, loin de s’en féliciter, les « Décodeurs » du Monde vont au contraire l’en réprimander ! A un moment, le rapport aborde la question de l’efficacité des mesures de type socio-politique (et non pharmaceutique) et écrit notamment cette phrase : « L’état des connaissances actuelles ne permet pas de prouver scientifiquement l’efficacité du port de masque au niveau populationnel pour contrôler l’épidémie ». En clair : il est inutile de porter un masque en extérieur. Ceci contredit directement la ligne du gouvernement français qui, après avoir expliqué au début de l’épidémie (printemps 2020) que les masques ne servaient à rien, en a fait au contraire par la suite un élément central de sa communication, réussissant à l’imposer comme un signe d’obéissance majeur et, pour les plus apeurés d’entre nous, une sorte de talisman magique. Sacrilège donc. En bons gardiens du Temple, nos jeunes journalistes se sont crus autorisés à faire la leçon à l’expérimenté professeur suisse. La suite est tragi-comique. Pour « prouver » que le masque est en réalité indispensable, ces deux journalistes invoquent d’abord sept exemples de lieux où « des contaminations aéroportées ont été démontrées », ce qui prouverait l’utilité du masque partout. Un double problème se pose pourtant lorsque l’on vérifie le travail des vérificateurs. D’abord, les liens hypertextes indiqués renvoient vers une seule et même source : le blog que tient un journaliste médico-scientifique du nom de Marc Gozlan, sur… le site Internet du Monde. Voilà une forme d’endogamie qui est bien pratique pour éviter d’être contredit. Ensuite, et c’est plus grave encore, certains des articles cités en « sources » disent, lorsque l’on prend la peine d’aller les lire, le contraire de ce pourquoi ils sont cités ! Il s’agit donc d’une véritable manipulation des lecteurs et, une fois encore, c’est un simple blogueur de Mediapart (néanmoins doctorant à l’université par ailleurs) qui l’a montré. Quant au prétendu « consensus scientifique », il est un argument purement rhétorique – très précisément, c’est ce que l’on appelle un argument d’autorité – utilisé quand cela arrange son utilisateur. De « consensus scientifique » sur le port du masque dans l’espace public, il n’en existe pas. L’affirmer ainsi constitue un acte militant et non du journalisme.

Six hypothèses pour expliquer la déroute du journalisme français

Comment interpréter tout ceci ? Le constat est une chose, l’explication une autre. Et elle n’est pas facile. Il ne s’agit pas de faire à quiconque un procès d’intention, et nous n’avons pas interviewé tous les journalistes cités pour connaître leurs motivations, leurs parcours professionnels passés et leurs façons de travailler. On se contentera donc de faire six hypothèses explicatives générales, qui ne sont pas exclusives les unes des autres :

1- La peur. La peur, mise en scène tous les soirs à travers de grandes « cérémonies télévisuelles » (cf. les travaux de Daniel Dayan), tel est le point de départ, l’émotion basique qui a concerné tout le monde, chacun réagissant en fonction de son histoire personnelle et de ses liens sociaux (on l’a en partie analysé dans un précédent épisode). Que l’on soit boulanger ou journaliste, l’émotion est la même et elle produit les mêmes effets de paralysie de la réflexion. En espérant que d’autres motivations n’entrent pas en jeu (comme la recherche du sensationnalisme), on peut supposer que c’est elle qui fait perdre tout sens des réalités et amène par exemple un rédacteur en chef à décider que le journal de 13 heures de France Inter, le 12 août 2020, peut s’ouvrir et tenir plusieurs minutes sur un sujet aussi bancal que celui-ci :

« C’est l’une des grandes inconnues de la pandémie de coronavirus : peut-on être recontaminé quand on a été malade une première fois. L’enjeu de l’immunité est déterminant pour l’avenir et aujourd’hui, une première tendance nous vient de Chine, du berceau même de l’épidémie, dans la province du Hubei, une femme aurait été infectée par le Covid-19, testée positive il y a 3 jours alors qu’elle avait contracté la maladie il y a 6 mois ». La présentatrice passe ensuite la parole à la journaliste « spécialiste santé » de la radio qui reconnaît que « on a finalement peu détails encore, on ne sait pas si cette femme a des symptômes évocateurs ou si elle a juste un test positif sans fébrilité apparente. Face à un cas pareil, on peut avancer en tous cas deux explications : la première (…) c’est qu’elle n’est pas malade en fait mais qu’il lui reste dans la gorge ou dans le nez des résidus de virus morts qui remontraient à sa première infection au mois de février, il s’agirait donc d’une fausse recontamination. (…) Deuxième explication : il s’agit bel et bien d’une recontamination. (…) Le phénomène serait a priori marginal puisqu’en 6 mois on n’a jamais rapporté de cas vraiment avéré de recontamination ».

En clair : 1) on ne sait à peu près rien d’une « information » provenant de Chine mais on fait quand même l’ouverture du journal sur le sujet, 2) on considère qu’un seul cas suffit à constituer un événement mondial, 3) il est probable que l’explication est triviale (on trouve des résidus de virus chez une personne anciennement infectée) mais on se fait peur en annonçant en somme qu’on n’en a jamais fini avec le virus (ce qui prépare le terrain à l’idée qu’il faudra se reconfiner et que seul le vaccin nous délivrera). Ceci n’a pas de sens. Avant mars 2020, dans n’importe quelle école de journalisme, l’enseignant aurait probablement renvoyé l’étudiant(e) proposant un tel sujet à ses chères études en lui demandant de trouver quelque chose de plus solide. Mais cela concerne le Covid, la peur nous paralyse, donc les règles ordinaires de pensée ne fonctionnent plus.

2- La politisation. C’est un autre point central. La politique tient une place centrale dans le journalisme contemporain. Beaucoup de rédacteurs en chef sont d’anciens journalistes politiques. Les chaînes d’information continue scrutent en permanence les micro-événements de la vie politique : petites phrases, tweets, communiqués de presse, etc. Le traitement de la crise sanitaire a de surcroît été parasité par la campagne électorale américaine et le positionnement anti-Trump de la quasi-totalité des journalistes français. Parmi les multiples conséquences de ce fait, il est clair que dès lors que le nom de Raoult a été associé à celui de Trump, pour beaucoup d’esprits simples (quel que soit leur niveau de diplôme) tout ce que pouvait dire Raoult était devenu suspect. Cette politisation est pourtant une véritable hypocrisie car la médecine n’est ni de droite ni de gauche (l’auteur de ses lignes s’époumone à essayer de le faire comprendre depuis le début). En l’espèce, une large partie de la gauche et de l’extrême gauche intellectuelles et politiques a fait preuve d’un sectarisme aux conséquences dramatiques (surtout pour les classes sociales défavorisées, plus touchées que les autres par l’épidémie). Ceci concerne de très nombreux journalistes, de même que de très nombreux universitaires.

Au passage, on remarquera que cette politisation traverse le champ médiatique lui-même, comme en témoigne l’épouvantail que représente depuis quelques temps la chaîne d’information continue CNews (ancienne I-Télé, racheté par le groupe Canal+ contrôlé par Vincent Bolloré en 2017) aux yeux de la plupart des journalistes. La récente Une de Libération évoquant « Le spectre de la bande FN » en témoigne. Et pourtant, quelles que soient les idées politiques de chacun (et l’auteur de ces lignes a écrit un livre entier contre les idéologies d’extrême droite et leur incarnation médiatique actuelle Éric Zemmour), le pluralisme des opinions est un des fondements de la démocratie. Il n’y a, à l’inverse, que dans les dictatures que le pouvoir impose une vérité officielle et exerce une police de la pensée pour la protéger de toute critique.

3- La naïveté. On ne peut pas comprendre le fonctionnement du monde en ce début de 21ème siècle si l’on ignore la puissance financière et politique de certaines industries (et donc la puissance des trafics d’influence qu’elles développent), les principaux équilibres géopolitiques, les rouages de la propagande électorale dans les démocraties libérales et quelques autres choses majeures. Or la plupart de journalistes sont totalement passés à côté de ces enjeux pourtant tous bien présents dans la gestion de la crise sanitaire. Ils n’ont en particulier rien compris aux relations entre la médecine et les industries pharmaceutiques et à la notion de conflit d’intérêt qui en découle. Ceux-là même des journalistes dits « scientifiques » qui d’ordinaire traitent de ces sujets, lorsqu’il est question par exemple des industries du tabac ou des pesticides, se sont soudainement retrouvés aveugles et candides face aux enjeux financiers des traitements précoces puis de la vaccination. Ils ont embrassé la cause de la vaccination générale sans jamais se questionner sur les conséquences du fait qu’il s’agit probablement de la plus grande opération commerciale de tous les temps, générant des profits vertigineux, lors même que les industriels ont pris soin de s’exonérer de toute responsabilité sur les éventuelles conséquences futures d’une telle vaccination de masse et d’urgence. La députée européenne écologiste Michèle Rivasi s’épuise à essayer de l’expliquer depuis des mois, dans un consternant silence médiatique. Comme le rappelait récemment la sociologue Gaëlle Krikorian dans Alternatives Economiques, « les risques sont finalement minimes pour les firmes, alors qu’ils pèsent au contraire sur les individus (les effets secondaires à long terme), les États et les systèmes de santé ». Comment un journaliste digne de ce nom peut-il passer à côté de tels enjeux ? Pire, comme certains d’entre eux peuvent-ils assimiler la recherche de conflits d’intérêts à une vision complotiste ? Pire encore, comment ceux-là même qui venaient d’écrire un livre dans lequel ils montrent que « les industriels du tabac, des pesticides, du plastique ou du pétrole fabriquent le doute sur les sujets scientifiques qui les affectent sur le plan commercial » (Stéphane Foucart, Stéphane Horel, Sylvain Laurens, Les gardiens de la raison. Enquête sur la désinformation scientifique, La Découverte, 2020, p. 11), peuvent-ils ne pas réfléchir symétriquement au rôle de l’industrie pharmaceutique dans toute la gestion de cette « crise sanitaire » ? C’est confondant, pour ne pas dire honteux.

4- La pression de conformité. C’est là une des notions les plus classiques et importantes de la psychologie sociale, qui vaut en toutes circonstances. De fait, il ne faut pas négliger le rôle des pressions psychologiques et morales que subissent toutes celles et ceux d’entre nous qui, depuis un an et demi, ont osé tenir publiquement des positions contredisant ou même relativisant la narration globale que nous appelons la doxa du Covid qui tient en quatre propositions centrales : 1) nous sommes tous en grave danger, 2) il n’y a pas de traitement médical, 3) nous ne pouvons pas faire autre chose que confiner, 4) la délivrance viendra uniquement du vaccin. L’auteur de ces lignes peut en témoigner à titre personnel, et la plupart des autres universitaires ayant contribué à cette enquête également. Par courriel et sur les réseaux sociaux en particulier, nous avons subi d’innombrables signes de réprobation et de rejet allant de la moquerie à la menace, en passant par l’insulte. Ceci peut exercer une pression de conformité plus ou moins forte selon les personnes, qui peut aller du simple agacement à des troubles du sommeil et de la dépressivité. Nous avons également été témoins de la façon dont le Conseil de l’Ordre des médecins, agissant probablement sur ordre, a cherché à intimider – et continue à le faire – tous les médecins généralistes ou hospitaliers qui avaient le malheur de désobéir à la doxa, en particulier tous ces généralistes qui ont utilisé massivement des antibiotiques de la famille des macrolides (azithromycine), avec au demeurant d’excellents résultats (témoignages et rapide analyse ici). Dès lors, il n’y aucune raison de penser que l’univers professionnel des journalistes a échappé à cette règle. Il est même au contraire plus que probable qu’ils ont été d’autant plus surveillés que leur audience est grande. Il est donc plus que probable que celles et ceux qui avaient des doutes, des réserves, et ont eu des occasions de le manifester dans une conférence de rédaction ou une discussion informelle, ont subi une forte pression de conformité pour ne plus les exprimer et rentrer dans le rang. Les médecins de l’IHU de Marseille comme ceux du collectif « Laissons les médecins prescrire » ont du reste déjà évoqué publiquement le fait que de nombreux journalistes parisiens les ont sollicités à titre personnel pour être soignés tout en disant qu’ils ne pourraient pas l’avouer publiquement sous peine d’être injuriés par leurs collègues voire menacés dans leur emploi. Rares sont ceux qui ont le courage de le dire (en télévision, citons par exemple Jean-Marc Morandini, Olivier Mazerolle et Laurent Ruquier).

5- La force de la propagande, l’emprise de la Com’ et le rôle des influenceurs

Les journalistes sont aussi, pour la plupart d’entre eux, des personnes sous influence de forces sinon qui les dépassent, du moins face auxquelles ils ont opté pour une confiance globale qui évite à la fois du travail (la vérification systématique) et des désagréments (si l’on met en évidence des erreurs ou des manipulations).

Confiance d’abord dans le discours des membres du gouvernement, du Conseil scientifique Covid-19, des directeurs d’hôpitaux (à commencer par le directeur de l’AP-HP, Martin Hirsch), des directeurs des Agences Régionales de Santé (ARS) et des agences publiques placées directement sous son autorité comme Santé Publique France (SPF). Et bien entendu confiance dans les chiffres, dont l’étalage médiatique quotidien a été mis en scène ad nauseam. Nous y reviendrons pour montrer qu’une autre voie est possible et a été pratiquée à la marge par quelques très rares journalistes restés en prise avec le terrain. Pour l’heure constatons la façon dont la grande majorité des journalistes a été massivement influencée non pas par une réalité de la vie quotidienne avec laquelle ils ne sont plus connectés, mais avec une réalité virtuelle qui est celle d’Internet et des réseaux sociaux. La tendance était ancienne et le confinement l’a bien entendu exacerbée. Cloîtrés chez eux comme les autres, ayant sans doute trop peur de se rendre dans un hôpital pour décrire ce qui s’y passait ou même d’aller rencontrer un médecin généraliste pour l’interviewer lui et sa patientèle, la plupart des journalistes ont pratiqué plus que jamais un journalisme en chambre qui les rend totalement dépendants de ce qu’ils peuvent apercevoir du monde réel par le prisme de leur écran. Et loin d’en demeurer conscients et critiques, certains s’y sont abandonnés, allant jusqu’à croire que des vidéos pouvaient remplacer l’expérience vécue ou que la « vérité scientifique » pouvait se trouver sur les réseaux sociaux à condition de faire la police entre les « bonnes » et les « mauvaises » sources. Le résultat est que ces journalistes ont dès lors été aisément manipulés par les communicants et propagandistes en tout genre. Ceci vaut notamment pour les agenciers de l’AFP qui, en retour, influencent toute la presse, et dont la fragilité face aux nouvelles stratégies de communication et d’influence des organisations est connue de longue date : « les agenciers se retrouvent souvent démunis pour interpréter les évènements, au risque de recourir aux grilles de lecture toutes prêtes qui leur sont fournies par l'air du temps, par leurs collègues et bien souvent en fin de compte, sous des formes plus ou moins détournées, par les institutions couvertes elles-mêmes » (écrivait Éric Lagneau dans Hermès dès 2003).

Illustrons à nouveau ce phénomène général par un exemple. Journaliste à L’Express, Victor Garcia (souvent associé à Stéphanie Benz) est, on l’a déjà dit, devenu un des anti-raoultistes les plus fanatiques. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. L’analyse, fastidieuse mais intéressante, du fil de son compte twitter éclaire sur son évolution. Au départ, en mars 2020, il s’interroge honnêtement sur les traitements précoces et essaye de s’approprier la littérature scientifique sur le sujet. Il ne ferme aucune porte, note même les bons résultats obtenus à l’IHU de Marseille et fait le lien avec une « bonne prise en charge suivie par une équipe dédiée » (29 mars 2020). Mais très vite, on voit qu’il est interpelé par des anti-raoultistes de la première heure comme l’urgentiste Mathias Wargon (dont l’épouse n’est autre que la ministre déléguée au logement) et l’anesthésiste-réanimateur Damien Barraud (l’un des plus acharnés de tous, plusieurs fois bannis de Twitter pour cause de harcèlement, dont Libération fera pourtant le portrait flatteur en avril), qui eux-mêmes se citent et se retwittent l’un l’autre. Puis on le voit se mettre à discuter avec des influenceurs anonymes de réseaux sociaux comme « Philoxime » ou « Jim Profit #VaccinesWork » (le nom devrait suffire à mettre en garde), ou encore avec des « communicants » comme Vincent Olivier. On l’observe ensuite au mois d’avril relayer l’entreprise de politisation des questions médicales consistant à assimiler Raoult à Trump, suivant en cela nombre de ses propres collègues. Le 25 avril, c’est un de ses confrères de L’Express, Thomas Malher, qui interviewait le médecin américain David Gorski, apôtre de l’Evidence Based Medicine, ennemi de Raoult de longue date et en profitant pour régler ses comptes, sous ce chapô éloquent : « Conspirationnistes, Didier Raoult, Luc Montagnier ... L'oncologue américain David Gorski s'en prend aux charlatans et aux médecins avides de gloire qui gravitent autour du Covid-19 ». Quelques jours plus tard (1er mai), il encensait Patrick Cohen, de l’émission « C’est à vous » de France 5, lui aussi un anti-raoultiste enragé (voire son réquisitoire à sens unique du 3 juin 2021), réglant probablement ses comptes suite à une passe d’armes sur les vaccins remontant à 2018, émission durant laquelle le journaliste prétendant dire la science avait été un peu humilié par plus savant que lui. Fin mai, la mue étant achevée depuis longtemps, Victor Garcia célèbrera à son tour l’article pourtant frauduleux de The Lancet en faisant à son tour la plaisanterie convenue : « Fin de partie » (pour Raoult). En réponse à son propre article, le journaliste ajoute, menaçant : « Il faudra bien un jour se pencher sur la responsabilité de ceux qui ont crié victoire et ont promu ce traitement inefficace et dangereux... Le tout sans preuve et avec des méthodologies douteuses, pour rester poli ». On y voit aussi intervenir d’autres anti-raoultistes primaires à commencer par des représentants du collectif « No Fake Med ». Et la rétractation de l’article frauduleux du Lancet ne sera évidemment pas signalée dans ce fil twitter. Vous avez dit neutralité ?

6- Une dernière hypothèse pour comprendre ce déclin du journalisme français est relative au poids croissant des services de « fact-checking » dans les rédactions des grands médias. La question est très importante, elle mérite à soi seule un large développement.

Le fact-checking, cache-misère de la crise contemporaine du journalisme

Le journalisme contemporain est en crise profonde et l’une des raisons est le bouleversement de son modèle économique traditionnel. L’arrivée d’Internet au tournant du 20ème et du 21ème siècles a bouleversé la donne et remis progressivement en question un modèle fondé sur les ventes (en kiosque et/ou sur abonnement) et sur des recettes publicitaires qui se sont écroulées à partir du début du 21ème siècle, en plus encore avec la crise de 2008 (surtout pour la presse quotidienne régionale). Ceci se lit aisément dans les statistiques officiels de vente que diffuse l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias (ACPM).

Ces mêmes données montrent ensuite la chute des ventes en kiosque ou par abonnement de la presse écrite. Un journal comme Libération, qui a failli disparaître à plusieurs reprises (en 1981, en 2006 et en 2014), a perdu 40% de son lectorat papier entre 2015 et 2019. Depuis sa dernière reprise en main par ses propriétaires, le journal est ainsi devenu avant tout un site Internet. Il ne survit cependant que grâce aux aides financières directes et indirectes (portage, distribution, « modernisation ») de l’Etat (4,2 millions d’euros en 2019, dernier chiffre publié). Enfin, la situation est pire encore pour les hebdomadaires qui, à l’image de L’Express ou de L’Obs, ont perdu environ 50% de leurs abonnés papier entre 2015 et 2019.

Cette situation, qui place les journalistes dans une relation de double dépendance envers les milliardaires qui possèdent les titres et l’Etat qui les aide à fonctionner, a été l’objet de nombreuses critiques soulignant la perte d’indépendance, voire la création de nouveaux liens de connivence. Toutefois, comme le souligne Nicolas Becquet (Observatoire Européen du Journalisme), « le paysage médiatique français s’alarme régulièrement du manque d’indépendance des médias face aux actionnaires-industriels-milliardaires. Pourtant, ces mêmes médias permettent l’instauration progressive d’une menace tout aussi toxique pour l’avenir des médias et de la démocratie, celle du soft power, de l’argent et de l’écosystème des GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) ». Le phénomène marquant des années 2015-2020 est en effet l’entrée massive des réseaux sociaux dans le formatage et la production de contenus au sein des rédactions de presse, par le biais notamment du fact-checking.

Au départ, l’affaire concernait les élections et la lutte contre les propagandes des uns et des autres, conduisant à la création de fausses rumeurs visant à discréditer les uns ou les autres. La tactique politique était vieille comme l’activité en question. Mais les réseaux sociaux lui donnaient une forme de diffusion nouvelle. Le fact-checking est né de cette volonté de vérifier quasiment en temps réel les affirmations des politiciens en campagne, la campagne électorale américaine pour l’élection présidentielle de 2016 (et le traumatisme qu’a représenté la victoire de Trump pour beaucoup) en constituant le point d’orgue (voir le livre de Valérie Jeanne-Perrier). Mais pour les géants d’Internet et des réseaux sociaux, il ne s’agissait que d’une étape pour accroître encore leur domination du monde numérique, la décision d’investir dans la presse étant antérieure.

Google a d’abord créé en 2013 un fonds « pour l’innovation numérique de la presse » doté initialement de 60 millions d’euros. Comme Laurent Mauduit le résumait en 2018 dans Mediapart : « Le coup d’envoi de ce fonds a été donné à l’Élysée à l’occasion d’une rencontre le 2 février 2013 entre le chef de l’État de l’époque, François Hollande, et le président du conseil d’administration de Google, Eric Schmidt. Les deux hommes ont signé à cette occasion un accord écrit dont les termes exacts n’ont jamais été rendus publics ». Et, au terme des trois années prévues, Google a décidé de prolonger l’expérience par le biais d’un nouveau fonds (« Digital News Initiative ») lancé en 2016 pour financer la presse numérique et y développer ses nouvelles techniques de marketing. La principale est la fameuse « personnalisation de l’offre », à savoir un système de recommandations et de « curation » de contenus qui s’adaptent en fonction des préférences de leurs lecteurs. De là cet étonnement quotidien (ou cet obscur sentiment de flicage) du citoyen constatant que son smartphone lui propose spontanément des contenus en lien avec ses recherches antérieures. Mais il s’agit aussi de développer le fact-checking pour traquer les fake news. En ce sens, Google financera notamment les « Décodeurs » du journal Le Monde, de même que « Infox tracker » de La Dépêche du Midi.

Facebook est également entré dans la danse en 2016, au moment où il atteignait le nombre de deux milliards d’utilisateurs actifs. Dans un article intitulé « Comment Facebook achète la presse française », Nicolas Becquet (Observatoire Européen du Journalisme) explique comment, « asphyxiés financièrement et désertés par leur lectorat historique, les médias traditionnels ont en effet trouvé dans l’audience apportée par Facebook un ballon d’oxygène inespéré. (…) Dans les rédactions, on travaille quotidiennement à la production de contenus conçus pour la plateforme de Mark Zuckerberg ». Le modèle se définit d’abord aux États-Unis : « à partir de juin 2016, plusieurs grands médias américains ont été rémunérés pour inonder les fils d'actualité de contenus originaux et servir de laboratoire technique et publicitaire à Facebook. (…) Le New York Times, CNN, le Huffington Post, Buzzfeed, Vox, Mashable ou encore Condé Nast, le fondateur de Facebook a rassemblé des représentants VIP dans sa ‘dream team’ ». Les quelques dizaines de millions de dollars distribués restent très marginaux dans le chiffre d’affaires de Facebook qui se compte, lui, en dizaines de milliards. Une stratégie payante : « Cette stratégie s’est avérée très efficace puisque la renommée des médias enrôlés, combinée à un puissant soutien des algorithmes, a contribué à imposer de nouveaux formats en moins d’un an et à l’échelle mondiale ». En France, « TF1, Le Figaro, Le Parisien ou les titres du groupe Le Monde font également partie des éditeurs qui touchent de l’argent pour produire des contenus vidéo pour Facebook », précise Nicolas Becquet.

Là aussi, le partenariat entre le géant réseau social et les médias traditionnel s’est rapidement étendu au fact-checking. Comme l’explique Alexis Delcambre (rédaction web du Monde), en février 2017, « huit médias français, dont Le Monde, ont décidé de collaborer avec Facebook pour réduire la présence de fausses informations sur le réseau social. L’annonce en a été faite, lundi 6 février, par l’entreprise américaine, soumise à d’importantes pressions ces dernières semaines pour lutter davantage contre la prolifération de fake news, considérée par beaucoup comme un élément marquant de la dernière campagne électorale aux Etats-Unis ». En France, outre Le Monde, les médias concernés sont l’Agence France-Presse (AFP), BFM-TV, France Télévisions, France Médias Monde, L’Express, Libération et 20 Minutes. La présence de l’AFP est tout sauf anecdotique, compte tenu du fait que l’agence constitue la principale source d’informations pour l’ensemble des médias français. Grâce à l’argent de Facebook, l’AFP a développé un service baptisé « AFP Factuel », qui représente effet plus de 30 journalistes à l'échelle mondiale, avec plus de 200 articles publiés par mois », rappelait Laure Croiset dans Challenges en février 2019. A l’époque, la chose inquiéta le Syndicat National des Journalistes (SNJ) qui espérait que ce partenariat ne serait que « expérimental » et ne deviendrait pas « un modèle économique durable » qui rendrait les médias dépendants de ce nouvel acteur privé. Las, il l’est devenu.

L’alliance des médias traditionnels avec les GAFA

Enfin, cette alliance des médias traditionnels et des GAFA est fortement encouragée par les gouvernements nationaux (et par l’Union européenne, on y reviendra prochainement), qui aident par ailleurs eux aussi les médias. On assiste en effet ces dernières années à une forte convergence d’intérêts entre d’une part des propriétaires des réseaux sociaux cherchant à accroître leur influence, leur audience et les recettes publicitaires qui en découlent, d’autre part les gouvernements occidentaux confrontés notamment à l’intense propagande mise en place par l’État islamique en Irak et au Levant pour recruter des candidats en vue des attentats-suicides à mener sur le territoire de ses ennemis occidentaux. Cette dimension sécuritaire est venue renforcer encore la lutte contre lesdites fake news, amenant les géants du numérique à développer fortement leurs systèmes de modération de contenus, allant ainsi jusqu’à l’invention de nouvelles formes de censure.

Dès la fin de l’année 2018, le système était en place. Le Monde a raconté ainsi comment, à Barcelone, dans les bureaux du Competence Call Center (« un sous-traitant de Facebook, à qui l’entreprise délègue, comme à d’autres, la modération des contenus publiés par les internautes »), « 800 personnes décident chaque jour du sort de contenus problématiques publiés sur le réseau social ». Un recours à de la main d’œuvre bon marché et corvéable à merci en provenance de pays d’Asie du Sud comme les Philippines a également été exposé par le documentaire allemand The Cleaners (2018). S’il concerne avant tout la modération de vidéos et d’images violentes (avec les conséquences psychologiques particulièrement éprouvantes de l’exercice), ces bataillons d’exploités ont-ils servi aussi dans la gestion des contenus relatifs à la crise sanitaire ? L’ampleur de la tâche (des milliards de contenus) permet aisément d’en faire l’hypothèse. Enfin, les utilisateurs eux-mêmes sont invités à signaler à Facebook les contenus leur paraissant suspects. Comme l’explique à nouveau Le Monde dans un autre article, « les liens signalés sont rassemblés au sein d’un portail, auquel les médias partenaires ont accès. Ceux-ci peuvent dès lors vérifier ces informations. Si deux médias partenaires établissent que le contenu signalé est faux et proposent un lien qui en atteste, alors ce contenu apparaîtra aux utilisateurs avec un drapeau mentionnant que deux “fact-checkers” remettent en cause la véracité de cette information ».

Laurent Mauduit concluait qu’« accepter que Google et Facebook jouent ainsi un rôle majeur dans les circuits de l’information ne sera naturellement pas sans conséquence dans l'avenir. Terrible situation de la presse française, sur laquelle une dizaine de milliardaires ont fait main basse et qui, comme si cela ne suffisait pas, se jette dans les bras des oligopoles américains ». L’avenir en question allait lui donner pleinement raison. Du sécuritaire au sanitaire… tous ces mécanismes mis en place ces dernières années ont en effet joué à plein dans la crise du Covid. Lorsque, à la mi-février 2020, l’OMS a sonné l’alarme sur « l’infodémie » (conceptualisée dès le départ par son responsable Andy Pattison), l’entente élaborée ces dernières années entre les médias traditionnels, les géants du numérique et les gouvernements occidentaux s’est mise à fonctionner à plein régime pour relayer une information que les journalistes ne sont plus en mesure de produire depuis longtemps, qu’ils ne peuvent que reprendre à partir d’autres sources comme celle de l’OMS, elle-même noyautée depuis plusieurs années par des intérêts privés, au premier rang desquels ceux de la Fondation Bill et Melinda Gates et de ses partenaires comme l’Alliance GAVI (Global Alliance for Vaccines and Immunization).

Et pourtant, un journalisme indépendant et neutre est toujours possible

En ce début d’été 2021, nous voyons se dessiner deux tendances dans le traitement médiatique de la crise sanitaire. La première est le suivisme, le conformisme. Résultat de tout ce qui a été analysé plus haut dans ce texte. Que ce soit en télévision, en radio ou en presse écrite et sur Internet, la grande majorité des sujets ne sont pas choisis par les journalistes au terme de leur agenda de travail. Ils leur sont au contraire fournis par ceux qui les informent. Les journalistes deviennent ainsi de plus en plus des commentateurs ou des illustrateurs, c’est-à-dire des communicants. La seconde est le militantisme, ou le journalisme d’opinion. Ici les journalistes font encore des enquêtes, mais uniquement à charge. Ils ne cherchent pas simplement à comprendre et expliquer quelque chose, ils veulent avant tout le dénoncer. Et, comme on vient de le voir, tous les moyens deviennent alors bons. Dans les deux cas, la déontologie du journalisme est gravement bafouée.

Et pourtant, il n’a jamais cessé d’être possible de faire du journalisme autrement, disons plutôt « de faire du journalisme » tout court, de façon à la fois indépendante et neutre, et du coup particulièrement informative. Donnons-en trois exemples qui montrent la voie et illustrent ce que le journalisme contemporain n’aurait jamais dû cesser d’être.

1) Mettre à jour les dimensions cachées dans une controverse, poser les questions qui fâchent

Dans les premiers mois de la crise, rarissimes sont les journalistes qui ont compris que leur rôle n’était pas de tenter de jouer eux-mêmes les scientifiques (qu’ils ne sont pas et ne seront jamais), mais d’essayer de comprendre et d’expliquer au public les ressorts de la production des connaissances tout comme des controverses entre savants comme entre médecins. Dans les médias dits « mainstream », un seul a essayé de le faire : Etienne Campion, journaliste à Marianne. Dans un premier article publié le 19 mars, il rendait compte du protocole de soins précoces préconisé par l’IHU de Marseille. Nul commentaire sur la personnalité de Raoult. Plutôt un résumé de son propos, expliquant simplement pourquoi le médecin marseillais proposait d’utiliser le plus rapidement possible l’association de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine pour soigner les malades après les avoir dépistés. L’ajout de l’avis réservé d’une infectiologue parisienne (La Pitié Salpêtrière) venait à la fin de l’article rappeler que d’autres médecins doutaient de l’efficacité de ce traitement, du moins à l’hôpital. Le lendemain (20 mars), un deuxième article rendait compte de la récupération politique de « la chloroquine » par l’équipe de Donald Trump, ainsi que du fait que Didier Raoult était en partie « blacklisté » en France. Plus intéressant encore, le 26 mars, un troisième article cherchait à comprendre les raisons du clivage provoqué manifestement par Raoult au sein du monde médical français. Il rappelait les violents conflits opposant depuis des années l’infectiologue marseillais à plusieurs grands pontes parisiens, à commencer par Yves Lévy, ancien patron de l’INSERM et mari de l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn. Il rappelait ainsi comment Y. Lévy avait tenté de torpiller les IHU en France (pas uniquement celui de Marseille), comme s’il ne supportait pas que de la recherche médicale de pointe échappe à son contrôle, ce dont son journal avait du reste déjà rendu compte en 2017. Le 9 avril, dans un quatrième article, il abordait cette fois-ci la question des liens et conflits d’intérêts entre certains hauts fonctionnaires du ministère de la santé et les industries pharmaceutiques (en l’occurrence ceux de Christian Chidiac, président du Haut Conseil de la Santé publique, avec le laboratoire pharmaceutique Gilead). Il est ainsi l’un des très rares journalistes français (avec Xavier Bazin) à avoir compris l’importance de l’emprise des industries pharmaceutiques sur la recherche médicale et avoir jeter un coup d’œil aux sites de transparence du monde médical (permettant de constater les sommes d’argent perçues par les médecins de la part des industries pharmaceutiques). Au passage, il analysait également les atermoiements et contradictions du ministre de la Santé vis-à-vis de l’hydroxychloroquine. Dans un débat public devenant de plus en plus hystérique, le journaliste terminait son article par un long encadré prévenant le lecteur que « Marianne ne présume en rien des vertus thérapeutiques et de l'efficacité de la chloroquine. Notre rôle n'est pas d'être "pour" ou "contre" un médicament pour lequel des essais sont en cours. Nous constatons plutôt qu'un débat a lieu dans la communauté scientifique ». Et il résumait alors les arguments des uns et des autres. Dans un cinquième article, publié le 18 mai 2020, il montrait que le Conseil scientifique Covid-19 était en réalité une sorte de copié-collé de l’équipe dirigeante du grand projet REACting de l’INSERM, et que son membre le plus influent (Yazdan Yazdanpanah) avait des liens avec le même laboratoire (Gilead) proposant un antiviral concurrent du protocole marseillais (le Remdesivir), à la différence que ce dernier utilisait des médicaments quasiment gratuits quand le premier faisait l’objet d’un brevet et d’une tarification exorbitante. Le 3 juin, dans un sixième article, il était quasiment le seul journaliste français à rendre compte du scandale du Lancet, au lendemain de la rétractation de l’article frauduleux, là où la quasi-totalité de ces collègues avaient célébré la « fin de partie » pour l’IHU de Marseille et gardé un silence assourdissant quand le pot-aux-roses fut révélé. Enfin, plusieurs mois après, en décembre 2020, il terminera sa série par un septième article consacré cette fois à l’achat massif de Remdesivir par la Commission européenne, au mépris des données scientifiques disponibles, soulignant par-là que la stratégie d’influence de l’industriel avait bien fonctionné au sein de cet organe majeur de la gouvernance européenne. Cette série d’articles posait des questions particulièrement dérangeantes (rivalités et haines individuelles, trafic d’influence et corruption, liens entre science, industrie et politique), mais particulièrement importantes. Et si un pool d’une vingtaine de journalistes avait creusé ces questions fondamentales plutôt que de se complaire dans le commentaire des dépêches de l’AFP ou des bulletins de Santé Publique France, que serait-il advenu ?

2) Rester connecté au terrain et tester localement la véracité du discours gouvernemental

Le journalisme c’est d’abord un métier et une fonction – informer les citoyens – qui doit s’exercer au plus près de la vie quotidienne. L’exemple nous en est fourni là où l’on ne l’attendait peut-être plus, dans la presse quotidienne régionale (si empêtrée elle aussi dans des difficultés économiques). Au journal Nice-Matin, la rubrique Santé est tenue par Nancy Cattan. Et son travail est exemplaire. Il ne prétend pas trancher dans des controverses médicales mondiales pour lesquelles les journalistes ne sont pas qualifiés. Il prétend en revanche rendre compte des réalités locales et, ce faisant, il offre autant de terrains de vérification de ce qui dit au quotidien par les agences gouvernementales. Ainsi, quel journaliste a cherché à vérifier précisément la façon dont les omniprésents indicateurs statistiques de l’épidémie étaient produits sur le terrain hospitalier, collectés par les ARS et finalement agrégés par Santé Publique France ? Qui a par exemple investigué la question de savoir si tous les décès étiquetés « Covid » étaient réellement dus au coronavirus ? Parce qu’elle est immergée au quotidien sur le terrain, dans le domaine qu’elle couvre, N. Cattan a pu faire état d’une étude menée par un doctorant en médecine dans un des hôpitaux niçois. Et le résultat est plus qu’intéressant. Il apparaît en effet d’abord que 15% des décès étiquetés Covid en raison de la présence d’un test positif dans leur dossier « étaient guéries depuis plusieurs semaines de leur infection, ou n’avaient jamais été symptomatiques, excluant la Covid comme cause de leur décès ». Ensuite, près de 10% des décès étiquetés « Covid » concernaient en réalité « des patients très peu symptomatiques, ou en voie de guérison, mais décédées d’une autre cause comme une insuffisance rénale terminale ». Enfin, un peu plus de 13% des décès correspondaient à « des personnes à l’espérance de vie très réduite, parmi lesquelles on retrouve par exemple des patients souffrant d’un cancer à un stade très évolué, [pour lesquelles] l’infection a probablement constitué un facteur "accélérateur" ». Au total, près de 40% des décès n’avaient donc pas le coronavirus comme cause déterminante. Ce résultat ne « colle » pas bien au message gouvernemental. Et, de fait, il ne remontera jamais jusqu’aux rédactions parisiennes où le discours du directeur général de la santé (Jérôme Salomon) est parole d’évangile et où les statistiques diffusées par Santé Publique France sont reprises sans aucune distance d’analyse. A l’inverse, lorsqu’un journaliste fait simplement son travail de base, sur le terrain, dans la vraie vie, l’histoire est différente. Car cet article n’est pas passé inaperçu à l’ARS, qui a bien entendu fait remonter l’information jusqu’à la Direction générale de la Santé, Jérôme Salomon s’empressant d’écrire une Note d’alerte envoyée à la totalité des hôpitaux français afin d’« améliorer encore les indicateurs de pilotage nécessaires à la gestion de cette crise ». Un petit article en apparence, un gros impact en réalité. Si ne serait-ce qu’un quart des journalistes avaient fait ainsi leur métier, l’histoire de la gestion politico-sanitaire de cette crise aurait probablement été très différente.

3) Investiguer sur une question sensible

Le troisième et dernier exemple illustre qu’il est toujours possible de faire de l’investigation, même avec peu de moyens. Brice Perrier n’est pas un « grand reporter » grassement payé dans un grand média, il n’est qu’un journaliste indépendant, qui fait régulièrement des piges pour Marianne, sur des sujets scientifiques. C’est donc sur sa seule initiative, et sans filet financier, qu’il a réalisé une première enquête sur les origines du Coronavirus, publiée récemment aux éditions Belin. Là où la quasi-totalité de ses confrères se sont complus dans les explications officielles de l’OMS et ont traité de charlatans et de complotistes toutes les voies discordantes (comme celles des généticiens Luc Montagnier et Alexandra Henrion-Caude), B. Perrier a simplement lu régulièrement le Journal du CNRS et, comme pour l’auteur de ces lignes, son attention a été attirée par l’interview du virologue marseillais Étienne Decroly, directeur de recherche au CNRS au sein du modeste laboratoire « Architecture et fonction des macromolécules biologiques ». Ce dernier y expliquait pourquoi il n’était pas possible scientifiquement de dire que le Sars-Cov-2 était une simple zoonose, une histoire de chauve-souris et de pangolin. Il montrait en retour que l’analyse génétique de ce coronavirus attestait de la présence d’une anomalie provenant probablement d’une intervention humaine, et qu’il n’était donc pas possible d’écarter l’hypothèse de manipulations génétiques de virus (à Wuhan, dans un des laboratoires virologiques dédiés précisément à cela) et d’un accident de laboratoire ayant permis à ce virus chimérique (trafiqué pour devenir plus facilement recombinant) de se répandre. A partir de là, le journaliste a simplement tiré les fils de cette pelote, montré les dissimulations d’informations en provenance de l’OMS comme de ces laboratoires chinois (en réalité cofinancés par les États-Unis et la France), montré le conflit d’intérêt majeur et les mensonges répétés du principal scientifique représentant l’OMS dans cette affaire (Peter Daszak), rappelé certains des enjeux géopolitiques cachées derrière cette affaire et expliqué dans un langage simple ce qui, selon lui, s’était probablement passé à Wuhan.

Pour conclure

Dans leur immense majorité, les journalistes contemporains se sont perdus. Étouffés par des contraintes budgétaires croissantes, ils ont soit abdiqué des ambitions démocratiques initiales et de la déontologie de leur métier en devenant de simples relais de la communication des puissants de ce monde, soit versé dans un journalisme d’opinion menaçant de verser dans le sectarisme. Or ni l’un ni l’autre ne semble satisfaire leurs concitoyens. Les sondages comme le « baromètre » annuel Kandar de La Croix ne cessent d’enregistrer la perte de confiance et de crédibilité de la presse dans l’opinion publique. A chaque publication de ces résultats, certains se posent des questions plus que pertinentes, à l’image ici en 2019 de Marc Baudriller dans Challenges : « Ce divorce manifeste doit interroger un décalage qui s’accuse entre une profession journalistique largement parisienne, très homogène au plan social et politique et, partant, de plus en plus coupée de son public. Les rédactions et leurs responsables n’échapperont pas à une remise en cause. L’univers médiatique préfère-t-il la course à l’audience à la responsabilité de l’avenir d’une société qui s’atomise ? Se réfugie-t-il dans une stigmatisation militante des extrêmes (qui représentent 40% de leur public selon les intentions de vote aux Européennes) au lieu de prendre en compte les maux qu’ils manifestent ? Choisit-il l’ivresse du maniement des statistiques à la description des réalités du terrain ? Enfin, les médias sont-ils le ferment ou le miroir de l’atomisation d’une société désormais incapable de se rejoindre même sur l’actualité ? ».

Dans cet article, nous avons voulu montrer que les raisons de ce « divorce manifeste » entre les citoyens et les journalistes tient avant tout au fonctionnement interne des entreprises de presse, aux liens de dépendance et d’intérêt qui se sont noués au fil du temps et qui font que, de nos jours, le terrain, l’enquête et l’investigation ont laissé la place à une sorte de fact checking généralisé qui n’est plus qu’un simulacre de journalisme revenant à « sermonner le public plutôt que critiquer le pouvoir », comme l’écrivait très justement Sophie Eustache dans Le Monde Diplomatique. C’est pourquoi il serait urgent que les journalistes quels qu’ils soient retournent sur le terrain, dans la vraie vie, se confronter à leurs concitoyens et rendre compte de leurs inquiétudes, plutôt que de leur faire la leçon du haut de leurs bureaux parisiens en appelant « complotisme », « populisme » ou « extrême droite » tout ce qui ne rentre pas dans les petites catégories manichéennes dans lesquelles nous enferment plus que jamais les puissances financières et politiques qui dominent notre monde, et toutes celles et ceux qui relayent leur communication de façon naïve ou intéressée.

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