no. 4, mars 2024

 

 

Infolettre

L'éthique et la déontologie parlementaires dans la Francophonie

Actualité des membres

 

Derniers avis rendus par les membres·    

 

Rapport annuel 2022-2023 de la Commission fédérale de déontologie (Belgique)

 

Retour sur le colloque organisé par la Haute Autorité à l’occasion des dix ans des lois
« transparence » (France)

 

Évolution du Commissaire à l’éthique et à la déontologie (Québec, Canada)

 

Déclaration liminaire devant le comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la chambre des communes (Canada)

 
 

Revue de presse

 

Financement politique | La commissaire n’enquêtera pas sur les députés Yves Montigny et Gilles Bélanger – Caroline Plante, La Presse, 16 février 2024

 

La commission de déontologie et d'éthique enfin remise sur pied – Belga via Le Vif, 15 février 2024

 

Le Parlement durcit le code déontologique des députés - Mouhamet Ndiongue, Maroc Diplomatique,
5 février 2024

 

Après le « Qatargate », les règles anticorruption adoptées en urgence au Parlement européen restent insuffisantes – Anne Michel, Jean-Pierre Stroobants et Philippe Jacqué, Le Monde, 1 février 2024

 

Les conservateurs veulent un resserrement des règles sur les cadeaux offerts aux élus – Stephanie Taylor, La Presse Canadienne via le Quotidien, 31 janvier 2024

 

L’éthique publique européenne (1/4) : Où en est-on à cinq mois des élections européennes ? – Corentine Prince, Le Taurillon, 20 février 2024

Parole aux membres

L’éthique et la déontologie dans la lutte contre la Corruption au Gabon

Le Gabon depuis l’année 2002, avec l’adoption du décret n° 000501//MCEILPLC du 1er août 2002 portant attributions et organisation du Ministère du Contrôle d’État, des Inspections, de la Lutte contre la Pauvreté et de la Lutte contre la Corruption ainsi que la signature et la ratification des conventions de lutte contre la corruption, s’est engagé à faire de la lutte contre la corruption une des priorités. Il a ensuite adopté une politique publique instituant un régime de prévention et de répression de l’enrichissement illicite tout créant une commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite, devenue actuellement Commission Nationale de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. L’arsenal juridique a également connu des améliorations significatives, notamment l’organisation judiciaire marquée par la création des juridictions spéciales ainsi que par l’intégration des questions de bonne gouvernance et de lutte contre la criminalité économique et financière dans le droit pénal. En 2005, l’exécutif a légiféré sur les questions de déontologie dans l’administration en adoptant le code de déontologie de la fonction publique uniquement.

 

Mais, l’ensemble de toutes ces réformes n’a jamais abordé les questions d’éthique, de déontologie parlementaire et de conflit d’intérêts pour encadrer non seulement le comportement des responsables de la gestion des affaires publiques, des décideurs et des politiques, mais et surtout pour suivre, contrôler et sanctionner les manquements comportementaux dans l’exercice des prérogatives des mandants représentatifs.

Le Parlement gabonais, par exemple, ne dispose pas d’un organe de veille ou de contrôle du comportement des parlementaires. Il convient de rappeler que le Parlement du Gabon a été créé en 1961. Différentes réformes lui ont donné la composition bicamérale d’aujourd’hui pour espérer répondre aux défis de démocratie et de bonne gouvernance.

 

L’analyse du cadre juridique et institutionnel de lutte contre la corruption en vigueur au Gabon ne prévoit pas un régime spécifique d’éthique et de déontologie pour réprimer de manière systématique et optimale les comportements non éthiques que cela soit dans l’administration ou au sein du parlement. Il y a un réel besoin d’intégrer les questions d’éthique et de déontologie à tous les niveaux de responsabilité dans la gestion des affaires publiques au regard de l’importance, de l’ampleur et de la fréquence des scandales révélés au quotidien par les autorités de la transition à la suite du coup de libération du Peuple de l’emprise du régime imposé par le clan Bongo le 30 août 2023 et relayé par les médias. Car, la promotion de l’intégrité est la condition qui permet d’installer une lutte efficace contre la corruption pour tout État qui veut le développement durable.

 

 

Prosper Djimbi Makosso

Président de l’Organisation Nationale de Promotion de l'intégrité Morale du Gabon

 

Le « remaniement » gouvernemental en France 

 

Lundi 8 janvier 2024, la Première ministre française, Mme Élisabeth Borne, présentait sa démission au président de la République, M. Emmanuel Macron. Le lendemain, le chef de l’État procédait à la nomination de M. Attal comme nouveau Premier ministre. Deux décrets présidentiels des 11 janvier et 8 février sont venus fixer la composition du nouveau Gouvernement.

 

Dans cette séquence politique, le Parlement français n’a joué qu’un rôle très limité. D’abord, la démission de Mme Borne ne résulte pas d’un vote de défiance de la majorité parlementaire, mais de la volonté du chef de l’État. Sa lettre de démission révèle qu’elle a été remerciée par M. Macron qui souhaitait, en procédant à la nomination d’une équipe nouvelle et rajeunie, donner un « nouvel élan » à son quinquennat après une année 2023 marquée par l’adoption difficile de la réforme des retraites et de la loi « immigration ».

 

Ensuite, le Parlement n’est formellement intervenu à aucun des stades de l’entrée en fonctions du Gouvernement, qui procède en France du chef de l’État. Ainsi, lors de sa formation, un nouveau gouvernement n’a notamment pas besoin d’obtenir un vote de confiance parlementaire. Confronté à une majorité relative, M. Attal s’est d’ailleurs bien gardé, à l’issue de sa déclaration de politique générale du 30 janvier, d’engager la responsabilité de son gouvernement devant les députés.

 

En France, le Gouvernement est donc une structure exogène au Parlement, qui n’exerce aucun contrôle, notamment déontologique, sur ses nouveaux membres. Ajoutons que l’article 23 de la Constitution interdit aux ministres d’exercer un mandat parlementaire. C’est pourquoi la dimension déontologique de ce « remaniement » doit-elle plutôt être recherchée du côté des organes de l’exécutif, plutôt que de celui du Parlement.

 

À cet égard et depuis l’affaire « Cahuzac » de 2013, les contrôles déontologiques pesant sur les membres du Gouvernement se sont considérablement renforcés. Ces contrôles peuvent se dérouler à deux moments : avant ou après la nomination.

 

En amont de la nomination, la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique permet au président de la République de solliciter auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui est une administration indépendante (HATVP), de l’administration fiscale et du ministère de la Justice des informations diverses afin de (tenter de) prévenir les « erreurs » grossières de « casting » : candidats en situation de conflit d’intérêts, irrégularités de la situation fiscale ou condamnations judiciaires pour crimes et délits. Ces contrôles sont facultatifs et, quel que soit leur résultat, le chef de l’État reste maître de la décision de nomination.

 

En aval de la nomination, les contrôles déontologiques sont systématiques. La loi (ordinaire) du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit que les membres du Gouvernement « exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts ». Elle instaure à cet effet une série d’obligations et de contrôles déontologiques, éventuellement sanctionnés par le droit pénal : d’abord, tous les ministres font dès leur nomination l’objet d’une vérification de leur situation fiscale. Ensuite, des déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts doivent être déposées dans les deux mois suivant la nomination à la HATVP, qui les publie sur son site Internet. En cas de suspicion d'infraction pénale (omission substantielle, sous-évaluation du patrimoine, etc.), la HATVP peut saisir le parquet. Dans les deux mois suivant la fin de leurs fonctions, les ministres transmettent une nouvelle déclaration de situation patrimoniale à la HATVP qui, en cas de variation inexpliquée du patrimoine, peut saisir le juge pénal.

 

On observera pour finir que malgré les progrès récents de la « moralisation » de la vie publique en France, les critères politiques (la compétence) l’emportent toujours sur les exigences déontologiques (la vertu) dès lors qu’il est question de la composition d’un gouvernement. Ainsi, la mise en examen (en 2021) de Mme Rachida Dati pour « corruption passive » dans l’affaire Renault-Nissan n’a pas empêché sa nomination dans le Gouvernement Attal comme ministre de la Culture.

 

Rédigé par : Elina Lemaire, Professeur de droit public à l’Université de Bourgogne, membre du CREDESPO, ancienne vice-présidente de l’Observatoire de l’éthique publique

Activités du RFEDP

 

Atelier de formation du RFEDP: Développer ses réflexes éthiques et déontologiques : en ligne (en tout temps, sur demande)

 

Colloque sur les développements récents en matière d’intégrité publique (Québec, Canada) : 14 mars, en ligne

 

Assemblée générale annuelle du Réseau : 1er et 2 octobre 2024, Belgique

 

Membre en vedette : Assemblée fédérale de Suisse

L’Assemblée fédérale suisse occupe une position singulière puisqu’elle ne possède pas d’organe dédié à la régulation déontologique ni d’autorité d’éthique parlementaire. Cela s’explique par le fait que les députés siégeant au Conseil national et au Conseil des États ne sont pas des politiciens professionnels. La plupart d’entre eux exercent des activités professionnelles en marge de leur mandat. Ainsi, ils disposent d’une expérience pratique et de compétences spécifiques enrichissant le travail législatif. Leur ancrage dans la société et la vie économique les amène inévitablement à incarner des intérêts catégoriels. Cette situation n’est pas jugée problématique du moment que tous les intérêts sont déclarés et connus du public.

 

L’annonce des liens d’intérêts (activités professionnelles et autres fonctions) relève de la responsabilité des parlementaires. Ces intérêts sont publiés dans un registre accessible sur le site web du Parlement. La loi ne prévoit aucun contrôle de l’exhaustivité et de l’exactitude des données. Il existe toutefois un catalogue exhaustif de fonctions incompatibles avec le mandat parlementaire, dont le respect est vérifié au moment de l’entrée en fonction d’un nouveau parlementaire. Pour aider les parlementaires à assumer leur responsabilité individuelle, les bureaux des conseils ont également édité un guide de conseil.

 

Ce dispositif réduit est volontaire et assumé. Il repose sur la présomption de probité et le principe de l’autorégulation. Il mise, d’une part, sur la responsabilité individuelle des députés pour fournir des indications complètes et fidèles sur leurs liens d’intérêts, d’autre part, sur la société civile – citoyens, médias et associations – pour exercer un rôle de vigie de l’intégrité des élus. Les parlementaires sont redevables devant les tribunaux ordinaires s’ils violent les règles incriminant la prise illégale d’intérêts ou la corruption.

 

En matière d’obligations de transparence et d'éthique, le système suisse passe par la responsabilisation des élus à laquelle aucun organe de régulation déontologique ne saurait se substituer. Au dernier baromètre de la confiance (2023), le Parlement suisse présente un indice d’opinion favorable de 6.9 sur 10, en progression depuis l’année dernière.

 

Rédigé par : Philippe Schwab, Secrétaire général de l’Assemblée fédérale Suisse

Références utiles

  • Lexique du RFEDP

  • Guide relatif aux dons, avantages et marque d’hospitalité (Québec, Canada)

  • Indicateurs pour des parlements démocratiques (Union interparlementaire)

     

info@rfedp.org
+1 418 643-1277

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