Dans une étude expérimentale à double insu, des personnes qui consommaient des antidépresseurs depuis plus de 2 ans et qui avaient un historique de deux épisodes de dépression majeure ont accepté de cesser leur traitement médicamenteux. En plus d’être en accord avec le sevrage de l’antidépresseur, les participants ne présentaient plus les signes de la dépression au début de l’étude. Les participants provenaient des cliniques médicales de 1re ligne et ils ont été répartis aléatoirement dans deux groupes :
- Groupe intervention : sevrage progressif du médicament
- Groupe contrôle : continuation de l’usage des antidépresseurs
Il est important de noter que les participants ne savaient pas dans quel groupe ils étaient. Pour garder cette information secrète, les participants des deux groupes ont toujours pris un comprimé durant le suivi de 52 semaines. Toutefois, dans le groupe intervention, à la fin de la période de sevrage, le comprimé était un placebo ne contenant aucun produit actif. Dans le groupe contrôle, les participants ont toujours continué à consommer leurs antidépresseurs, mais ils ne savaient pas s’ils étaient dans le groupe de sevrage (groupe intervention) ou non… L’apparence des comprimés était toujours la même… Qui plus est, leurs médecins ne savaient pas non plus dans quel groupe étaient leurs patients.
Les résultats de cette étude sont intéressants! Je rappelle que tous les participants ne présentaient plus de dépression et ils souhaitaient cesser la consommation de leur antidépresseur. Dans le groupe intervention (cessation du traitement), 56% des participants ont vu réapparaître les signes de leur dépression. Ceci signifie que 44% ont réussi leur sevrage sans vivre une détérioration de leur état mental. Dans le groupe contrôle, 39% des participants ont vu réapparaître leur dépression malgré la continuation du traitement. Plusieurs autres dimensions de l’état mental ont été évaluées à intervalles réguliers durant cette étude. Il est clair des résultats de cette étude que la surveillance clinique de l’état mental des personnes en sevrage est critique à 12 semaines, car les différences étaient les plus notables à ce moment.
Ces résultats démontrent l’importance de la surveillance clinique de l’état mental par le personnel infirmier. Il faut exiger la même rigueur dans ce type de suivi que lors de la surveillance clinique de la fonction respiratoire d’une personne souffrant d’emphysème ou de la fonction cardiaque d’une personne souffrant d’insuffisance cardiaque. Ces pathologies sont, par contre, différentes et nécessitent alors une approche de surveillance clinique distincte. L’utilisation des instruments de mesure comme le PHQ-9, l’échelle de dépression gériatrique ou encore l’échelle de dépression de Cornell adaptée pour les aînés atteints de troubles neurocognitifs majeurs en sont des exemples.
En s’appuyant sur les résultats de cette étude, on peut suggérer qu’avec une surveillance clinique de qualité par le personnel infirmier, on pourrait alors détecter que 39% des consommateurs d’antidépresseurs méritent un ajustement de leur traitement ou que 56% de ceux chez qui le traitement a été cessé ont besoin d’une réévaluation médicale de leur situation.