"Sthira Sukham Asanam" (YSP II-46) est certainement l'un des aphorismes les plus connus des Yoga Sutras du sage Patanjali.
"Sthira" signifie l'aisance, le confort, agréable, facile.
"Sukha" signifie la fermeté, la vigilance.
"Asanam" est la posture.
"Ferme et douce est la posture" est la traduction de ce sutra (non elle n'est pas de Maître Yoda ;) ).
"Fermeté et aisance, un couple de contraires fondamental qui implique aussi la force et la souplesse, la difficulté et la facilité, la rigueur et la tendresse." (L'esprit du Yoga - Ysé Tardan Masquelier)
Mais comment concilier Sthira qui exhorte à l'engagement physique, avec Sukham qui incite à la décontraction ? Comment concilier l'intensité avec le relâchement, l'effort avec la détente, la difficulté avec la facilité, le déséquilibre avec la stabilité ? Comment être à l'aise dans l'inconfort, trouver agréable ce qui est éprouvant ?
Le terme Sukha pourrait aussi se traduire comme le "bon (su) vide (kha)", un vide qui ouvre un espace, qui crée de la place.
Et bien que pouvant paraître a priori inconfortables, ces espaces vides ont des vertus apaisantes et se révèlent petit à petit porteurs de satisfaction.
Une asana difficile pour le débutant devient facile à réaliser pour celui qui a acquis de la pratique. L'appréhension fait place à l'enthousiasme, le plaisir remplace l'épuisement. L'effort se dissipe à mesure que s'acquiert l'habileté technique et ce qui paraissait insurmontable devient réalisable. Le champ du possible s'agrandit.
Toutefois, il s'agit là d'une substitution, Sthira s'effaçant au profit de Sukham.
Or, tout le défi est de trouver leur équilibre. L'alchimie entre la fermeté et la douceur consiste à atteindre un état dans lequel chaque composant conserve son principe actif sans se mélanger, où chacun s'équilibre et s'ajuste en permanence dans un constant rapport de forces.
Le problème est particulièrement prégnant chez les personnes souples. Elles entrent si facilement dans les postures que celles-ci leur paraissent insipides. Il ne s'y passe rien ! Elles ont beau rechercher l'étirement musculaire des ischio-jambiers, du psoas ou des autres muscles, rien n'arrive. Alors elles attendent que ça passe... Elles sont totalement dans Sukham et plus du tout dans Sthira (voire même très certainement dans leur hyperextension et nuire ainsi à leur corps avec une totale aisance).
Les personnes les plus raides ne sont pas, pour autant, mieux loties. Leur engagement musculaire devient vite intense tant leur limite d'étirement est rapidement atteinte. Maintenir Sthira exige un effort de volonté qui prend le pas sur l'aisance. Il leur faut sortir de leur zone de confort et entrer plus avant dans les asanas pour assouplir leur corps et donc s'éloigner de Sukha.
La prochaine fois que vous êtes sur votre tapis, essayez ceci : ralentissez votre pratique, entrez et sortez de chaque pose avec votre souffle. Laissez votre souffle vous stabiliser et gardez votre regard fixe. Profitez de la sensation de Sukha résultant de votre Sthira.