Infolettre n°5 | Alexandre del Perugia |
|
|
Bonjour, joueuses et joueurs Je vous recommande la lecture de cet ouvrage intéressant : Hélène Bézille-Lesquoy, L'autodidacte - Entre Pratiques Et Représentations Sociales. A mes yeux, l'autodidaxie, c'est choisir son chemin |
|
|
Choisir son chemin Quand nous prenons une autoroute, nous la prenons pour arriver plus vite au but. Si l'on prend la nationale ou une départementale : la durée sera plus longue. Ce que nous vivons sur le chemin est différent. Sur l’autoroute, je pense à l’arrivée tandis que sur les petits chemins, je vis sensoriellement. Quand quelqu’un prend une formation, il aimerait aller plus vite au but. Mais dans quel but ? Avoir le diplôme ? avoir le mouvement ? avoir….avoir…. Si je choisis un chemin, je vivrai mon temps sur le chemin, je vivrai le temps du chemin : être et non pas avoir. |
|
|
Chez les artisans Compagnons du Tour de France, il y a 6 à 9 ans de travail intensif en alternance. Je choisis mon chemin en fonction de mes besoins (ce qui est différent des envies). L’autoroute formate davantage. Ma tentative lorsque j'ai codirigé le CNAC avait été de créer une école d’autodidacte afin que chaque élève, petit à petit, choisisse son chemin. L’objectif était de supprimer les promotions et que chacun aille à son rythme : l'expérience a montré que c’est possible. Il peut y avoir une école sans professeur, mais pas d’école sans élèves. |
|
Enfin, le besoin de trouver un résultat immédiat, mène à gaver l’individu, au lieu de lui "mettre le feu". Sur une autoroute de formation, je deviens personne (comme dans le mythe) au lieu d’être quelqu’un. Si je suis mon chemin, je le vivrai dans la sensation : je trouverai l'unicité. Si je suis sur une autoroute, je diviserai la durée du parcours en acquisition compartimentée. Le temps sera de la durée, le territoire sera de l'espace, l’Homme sera diffracté au lieu d’être unifié.Le monde de la réalité, de la matière, de la sensation se perd au profit d'un monde de rationalité. Pourquoi pas, après tout ? Peut-être faut-il accepter cette évolution ? Ou bien la refuser? Ou encore trouver un chemin où l’un et l’autre seront imbriqués ? |
|
|
J'ai travaillé en 1984 avec Antoine Vitez : je le considère comme un de mes maîtres. VITEZ a été un grand homme de théâtre, mais aussi un formidable pédagogue de la présence et du jeu. Il considérait qu’il ne faut pas vouloir transformer les élèves, mais les prendre comme ils sont et les amener à jouer avec l’idée qu'ils se font d’eux-mêmes, car peut-être ne sont-ils pas ce qu'ils croient être. Pour lui, le travail du maître est - plutôt que d’imposer des choses - d'accoucher les gens d’eux-mêmes. Une de ses élèves se souvient de lui comme d’un pédagogue qui était au service de la puissance que chacun porte en lui et qui l'aidait à s'en emparer, un pédagogue qui oeuvrait pour que chacun advienne à soi-même. Il citait souvent Stanislavsky : "Ne cherchez pas par la volonté rationnelle, cherchez dans la manière d'agir sur l'autre", phrase qu'il ne faut pas entendre dans un sens manipulateur, mais dans un contexte de lutte du pédagogue contre l'ego limitant de chacun. « Il fut, au sens fort du mot, un maître, mais étranger aux prérogatives habituelles de la fonction, et dispensait de véritables leçons d’énergie plus que leçons de choses » (Catherine Dolto). Vitez en appelait en effet à une « pédagogie (qui) n'inculque pas des techniques : elle invente des démarches conscientes ». |
|
|
Vitez osait dire souvent qu'il ne savait pas, qu'il n'avait pas de réponse à la question qu'on lui posait. Cela donnait à l'autre le droit de savoir autant que lui. Vitez était un homme qui donnait d'emblée sa confiance, qui avait une confiance immense dans les possibilités de l'autre, dans la capacité mutuelle de fraternité et d'amélioration. Pour autant, Antoine Vitez ne sous-estimait pas les difficultés de la relation pédagogique et soulignait la différence entre laisser faire et laisser-aller, précisant qu’il appartient aux pédagogues de « faire respecter l'exactitude, créer le climat de l'assiduité, faire cesser les bavardages, les entrées et sorties intempestives ».Il accordait une grande importance à la recherche. Avant toute chose, Vitez faisait de la recherche avec ses comédiens sur les états de jeu et de présence. |
|
Puis, les résultats de cette recherche produisaient un spectacle et une rencontre avec le public. Il écrivait qu’ « il y a beaucoup de gens pour dire que le théâtre ne s'apprend pas. Les uns, qui méprisent tout apprentissage, rejoignent ici les autres qui ne croient qu'au génie. Culte de la spontanéité, culte de l'ineffable... Finalement c'est la même chose. Ce que cette même chose nie, implicitement ou non, c'est le travail, précisément le travail du jeu. Et qui pourrait dire qu'un jeu ne s'apprend pas ? ».Son élève Catherine Dolto a appris avec lui que le travail artistique doit libérer le conscient et le non-conscient : « on voit très bien cela dans son enseignement. Il s'agit de se laisser imprégner par une ambiance, une lumière et en même temps comprendre au plus profond ce qui se passe là, ce qui est en jeu derrière ce qui se dit et se montre. Toujours débusquer le réel de la situation derrière la réalité offerte aux sens. Ressentir et penser en même temps dans un aller-retour incessant » Texte extrait du centre de ressources sur les maîtres de présence. |
|
|
Nota Bene : en raison de la crise sanitaire, la recevabilité des ayant-droit AFDAS s'apprécie sur les TROIS dernières années (et non sur les 2 dernières années). | | |
|
|
... Bien avec vous, Alexandre | Pontempeyrat, le 27 avril 2022 |
|
|
|
|