Jean-Philippe Astolfi - Photographies

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Un projet en cours

Que ce soit pour remonter une rivière, longer la ligne de partage des eaux, explorer un rivage, inventorier les paysages le long d’une autoroute ou esquisser les limites de Marseille, il est souvent question pour moi de suivre une ligne, de m’imposer un parcours.

Celui-ci est chargé d’une histoire qui n’a pas fini d’imprégner les mentalités européennes.

 

C’est à quatre mains que nous nous accrocherons à cette ligne de vie, Wendy Atkinson pour l’écriture et moi aux images.

  

Le bouton ci-dessous donne accès à la carte, elle permet de suivre en temps réel l’avancement de notre cheminement. 

Carte

Au pied du mur

(Concerne les points 1 à 6 de la carte ci-dessus)

 

C’est le premier jour ; nous devons aller sur les lieux de la frontière et prendre des photos.  Mais ce n’était pas la première étape prévue, on aurait dû commencer avec la ville de Hof, étant un lundi, nous inversons l’ordre pour visiter le musée des migrations demain, mardi.

Il fait frais le matin, nous mettons le chauffage à notre réveil, profitons des douches de l’aire de campement, partons vers les 10h.

 

Premier arrêt : Oberzech, côté ouest. On gare le van.

Jean-Philippe s’exclame. En arrivant à la frontière, la première chose qu’il voit c’est un tas de fils de fer, mais pas barbelés, tout de même. Sa première image.

Les panneaux indiquent le Dreiländereck, c’est la frontière triangulaire avec l’est, maintenant deux régions, Bavière et Saxe, et la République tchèque ; le chemin de Saint-Jacques : Jacobsweg Vogtland ; la tombe du soldat allemand inconnu, Soldatengrab ; les distances vers les villages au nord, au sud, l’emblème européen, les symboles de vélo pour la piste cyclable que nous croisons régulièrement, toute comme l’ancienne frontière.

 C’est un jeu de piste, de quel côté se trouve-t-on ? Tantôt à l’est, tantôt à l’ouest, ou maintenant, tantôt en Bavière, tantôt en Saxe, tantôt en République Tchèque !

Tantôt dans la zone d’interdiction des 500 mètres, en plein milieu d’une bande bien verte, bien entretenue, tantôt le long d’une ancienne route au sein de la bande d’interdiction, en béton armé, tantôt dans les anciens fossés, la vraie frontière, parsemés de bouleaux, tantôt dans la zone de contrôle à l’est des cinq kilomètres (comme à Sachsgrün dans l’ après-midi où nous avons cherché un mirador, longtemps disparu, où Jean-Philippe remarque l’absence de géraniums, il n’y a que des cactus ici, ou une aire de jeux sans enfants et sans intérêt). 

Nous commençons donc et marchons les 200 mètres pour rejoindre la frontière tchèque, de l’autre côté d’un petit pont en bois, un endroit marécageux, les grenouilles doivent s’y épanouir, où nos pieds s’enfoncent dans la terre spongieuse ; le bocage est d’un vert tendre.

Nous croisons un très vieux couple qui s’installe sur un banc à l’ombre de la forêt, près de la tombe du soldat inconnu, pour prendre leur pique-nique. Sont-ils venus en pèlerinage ? Oh que j’aurais aimé leur parler, guten tag et guten appetite doivent suffire. .

À part ce couple, nous croisons peu de gens dans la journée : une dame assez jeune, et assez mince, vêtue de noir, se promène le long du chemin à la frontière Bavière-Saxe, trois personnes sortent de leur maison à Sachsgrün et nous saluent sommairement. Pas de cafés non plus, un restaurant immense, qui semble abandonné à Sachsgrün, mais des arrêts de bus et leurs abris, à chaque hameau. Un réseau de transport public impressionnant. Où sont les voyageurs ?

 

Le Dreiländereck rassemble à une aire de jeux, des bornes et des panneaux partout, des tables de pique-nique, des poubelles, des toilettes à l’ancienne, des jeux et des quizz pour les enfants.

 

Je prends en photo la carte du premier panneau qui explique le circuit autour de Regnitzlosau, notre premier dépliant touristique, dans ce trou ! Incroyable, il n’y a personne. Qui vient remplir les présentoirs ? Le petit récipient côté tchèque est vide. Plus tard, à Hasenreuth, nous ramassons un dépliant sur les Wanderweg zu Schicksalsorten, les miradors, qui se trouvent entre Triebel et Wiedersberg. A Sachsgrün, je prends un dépliant sur les papillons et les chenilles. Le papillon d’or est une espèce protégée et toute cette bande dans le Vogtland, constituée de prairies mouillées et parsemées de petits panneaux indiquant l’eau potable, est un espace écologique, soutenu par des associations et le ministère de l’environnement.

 

Nous prenons de nombreuses photos. La lumière filtre à travers les arbres, les feuilles qui tombent, une nature généreuse, dorée, en pleine décomposition et croissance au même temps, des cèpes, des champignons noirs, des chapeaux comme de la dentelle.

Plus loin, je traverse le bois, intriguée par un rouleau de foin qui s’est arrêté dans sa chute contre un bouleau. Je suis en République Tchèque, l’herbe est verte, l’espace ouvert, bordé d’arbres, de soleil.

 

Je reviens sur le chemin, retrouve Jean-Philippe et nous traversons notre premier fossé en béton, marchons le long de la route bétonnée, l’artère logistique de la zone d’interdiction, montons jusqu’à notre première tour de guet, récente ou de l’époque ? Le long de la route bétonnée, il y a trois tas de pierres, des restes de quelle fondation ou de structure ?

 

 Une nature tranquille, laissée presque à elle-même. Des violettes, des lupins sauvages poussent dans le sol spongieux, des trous creusés par des lapins ou des animaux plus grands, blaireaux, sangliers ?

 

Mais tout est entretenu, propre, pas de débris, pas de décharge sauvage, et toujours, toujours, des panneaux qui indiquent la piste cyclable. De chaque côté, des corps de fermes, un champ d’éoliennes à droite, des tracteurs à gauche, ou encore des vaches, des champs clôturés. 

Aux emplacements des tours de surveillance, une photo sur un panneau pour rappeler son existence. Celle que nous visitons à Kugelreuth est devenue une tour de télécommunications, abandonnée, investie de pommiers sauvages, une bouteille vide traîne dans le sous-bois avec des pommes pourries et des guêpes.

C’est ici que Jean-Philippe me parle de deux fermes détruites, les habitants dispersés ; ils avaient le malheur de se trouver dans la zone d’interdiction.

 

Comme il est étrange de marcher ainsi. De loin, ou de près, nous longeons des routes où des voitures et camions roulent dangereusement. Dans les champs autour, c’est le travail, la préparation du sol pour semer le blé d’hiver, à certains endroits le grain est déjà bien monté.

 

Tout est suffisamment ouvert pour ne pas être menaçant ; les sorcières des contes de Grimms se taisent, nous aurons l’occasion de les rencontrer dans d’autres forêts plus profondes, plus au nord. Ici, aujourd’hui, tout semble nous sourire : nous sommes seuls au milieu des « 500 mètres » de la zone d’interdiction, mais pas angoissés.

 

Toutefois, mon imagination vagabonde, pas difficile d’imaginer la désolation en hiver, la neige jusqu’aux genoux, des tours, des miradors, du barbelé et des patrouilles de soldats pour guetter chaque mouvement, chaque battement d’aile ou de cœur.

 

La forêt est belle par ici et nous voyons plusieurs essences : érables, sorbiers d’oiseaux, bouleaux, pins, ormes, chênes, hêtres, et bien sûr pommiers, aubépines montées en arbre, framboises sauvages, églantines, sureaux, maintenant en fruit, noisetiers, châtaigniers. Mais très peu de noyers ou pruniers.

 

Entre Posseck et Nentschau, la frontière Bavière (Bayern) et Saxe (Sachsen), nous voyons un grand panneau routier qui indique la date de la chute du mur dans ce village, le 21 décembre 1989. Près de Wiedersberg, un autre panneau indique le 21 novembre. Tout n’est pas tombé en un jour.

 

 Les panneaux officiels, gigantesques, le long des routes principales. Les associations, quant à elles, sont plus discrètes, elles investissent ces « 500 mètres », plantent les petits panneaux, remplissent des boitiers de dépliants, s’assurent que les balises pour les pistes cyclables et les randonnées sont en bon état, pointent dans les bonnes directions. Essentiel, car la route serpente, est croisée à plusieurs endroits par la piste cyclable, l’ancienne frontière qui, à Hasenreuth suit un angle droit, la route bétonnée roule comme une courbe, le fossé, lui, est cassé, les ombres s’allongent, ici la végétation change : la zone des 500 mètres est pleine de bruyères et des cailloux noirs, granitiques. C’est le passage des papillons. 

En fin de journée, Jean-Philippe se rend compte de la tâche devant nous, la longueur de l’ex-frontière, 1400 ou 1500 kilomètres selon la carte, ou le point de départ, mais découpée d’une multitude de points, aussi intéressants, intrigants, les uns des autres. Il va falloir choisir, sélectionner, prioriser.

 

D’autres avant nous ont fait le travail.

 

Nous passons la nuit sur un parking, à la limite de Hof et à côté du parc municipal Bürgerpark Theresienstein. Les batteries du van tombent en panne à 22 heures...

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