Appétit sexuel hors-normes
Fétichisme, engagement dans des relations sexuelles sans aucune émotion, voyeurisme, exhibitionnisme, travestisme, sadomasochisme, Don Juanisme, masturbation compulsive, rapports sexuels non consentants, harcèlement sexuel, frotteurisme, rapports sexuels avec des mineurs, nymphomanie, comportements sexuels compulsifs et impulsifs, perte de contrôle sexuel, trouble de l’hyper-sexualité, masochisme sexuel... si Prévert était parmi nous, peut-être soulignerait-il à nouveau que " L’amour, c’est toujours mieux de le faire ! "Fesse, queue, doigt, advienne que pourra ! "
Et il ajoutait proche des surréalistes : " Alors, mon garçon ! À choisir, tu prendrais quoi ? dans ce menu qui qualifie l’addiction sexuelle et les troubles sexuels compulsifs.
Repartons dans l'étymologie pour tenter de saisir ce que le mot comporte en lui comme notions.
Dans le Dictionnaire étymologique de la langue latine d’A. Ernout et A. Meillet, le premier sens du radical latin est celui de "montrer".
Ad dicere signifie dico, dicere dans le sens de « montrer ou faire connaître par la parole, dire ou être dit à ».
Dans la Rome antique, un addictum (addicté) était un esclave pour dette, c'est-à-dire une personne n'ayant pas pu rembourser une avance ou une somme auprès d’« un débiteur dont l’attribution à son créancier a été juridiquement prononcée » et ce avec « la contrainte par corps »
Addiction, comme substantif, indique le penchant ou l’attachement d’une personne à quelque chose.
La seule (mais importante) différence entre la condition de l’addictus et celle du seruus « esclave » est que le premier pourra recouvrer sa liberté quand il aura payé sa dette.
Addicté comme adjectif se réfère à une personne encline à une pratique ou de conduites bien définies.
L’addicté apparaît comme celui qui volontairement et fatalement est destitué et ramené à une condition inférieure. Les circonstances lui retirent son identité ou lui en font prendre une, mal appropriée, parce que c’est l’unique moyen possible de payer sa dette. C'est dire la détresse et l'absolu de l'être confronté à de telles injonctions internes et externes.
Que nous comprenions l'addiction dans son sens étymologique (juridique) ou dans le sens employé aujourd'hui, nous retrouvons l'aliénation de l’individu et la destruction de la personnalité.
Les relations d'objet (Joyce mac Dougall,) la douleur de la séparation et la perte de l'objet, la dépendance (anaclitisme), les pathologies du lien, les manifestations dépressives et les mécanismes de défense (clivage, identifications, déni, …) sont à interroger dans l'addiction.
Dans l'addiction, il y a comme une réponse qui va devenir quasi automatique, et exclusive (la répétition) face aux difficultés rencontrées. Toute la psyché est occupée par "ça".
Dans l’addiction, le corps pulsionnel, le soma mais aussi le corps imaginaire sont convoqués, et si je peux dire, comme engagés. Nous retrouvons donc la " contrainte par corps " de celui qui doit payer sa dette.
L'extention vers une interprétation psycho-pathologique de la dépendance à un produit ou à une situation implique la perte de liberté, aléatoire, qui se dit dans l’addiction par les actes, la répétition, l'avidité de la jouissance, la destructivité. Gardons en tête également que sur le marché du sexe, les individus seraient produits et objectifiés comme des marchandises.
Sénèque déjà invoquait « des désirs et des passions de la chair » (in Lactance, Institutions divines 7, 20, 8.) en soulignant la dépendance sans rémission ni échappatoire de l’homme soumis à ses désirs amoureux et ses pulsions sexuelles.
Cette problématique singulière est souvent taboue malgré la souffrance, le dégoût, la honte et même le désespoir qui agitent les addicté.e.s. Cela peut renforcer le sentiment de l'isolement social (monstre sexuel). D'autant qu'une intensification (répétition) des besoins s'installe et que les phases s’intensifient, le comportement accapare progressivement tous les domaines importants de l’individu. Tel l'esclave, il n’est plus acteur de sa vie, sa liberté de choix est entravée.
L’exploration des facteurs de vulnérabilité s’inscrit dans le vécu du sujet en souffrance ; il est important d’évaluer leurs liens avec le trouble addictif.
L’addiction sexuelle se manifeste par une sexualité excessive, envahissante, incontrôlable dont la personne souffre et qui conduit souvent à des conséquences négatives importantes (difficultés conjugales, déprime, honte, infections sexuellement transmissibles, sentiments de culpabilité, de désespoir, de solitude, d’ennui, de faible estime de soi, de lutte contre des émotions négatives, de la rationalisation...)
Le fantasme de devenir objet du désir rend les hommes vulnérables. Ils se retrouvent prisonniers de leur propre désir et acceptent, de ce fait, d’aliéner leur souveraineté de sujet consommateur.
La psychanalyse est un complément indispensable à la sexologie par les liens qu’elle tisse entre la sexualité fonctionnelle et une sexualité avec une dimension psychoaffective, liée à l’histoire individuelle, à l’identité de la personne, dans une approche intégrative.
Revenons au rêve du poète : "La poésie, c’est ce qu’on rêve, ce qu’on imagine, ce qu’on désire et ce qui arrive souvent (…)" Prévert.