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Commerce : les relocalisations sont une fausse bonne idée, selon l'OMC

Malgré la déstabilisation des chaînes internationales d'approvisionnement avec la pandémie, l'OMC s'oppose à un retour aux productions nationales qui seraient plus préjudiciables à l'économie mondiale qu'un système commercial ouvert.

Plutôt que de mettre fin à la mondialisation en relocalisant la production, l'OMC prône plus de coopération et le maintien des chaînes de valeurs.
Plutôt que de mettre fin à la mondialisation en relocalisant la production, l'OMC prône plus de coopération et le maintien des chaînes de valeurs. (Zhang Jingang/Costfoto/Sipa US)

Par Richard Hiault

Publié le 16 nov. 2021 à 17:11Mis à jour le 17 nov. 2021 à 08:54

La pandémie du Covid-19 a révélé la trop grande dépendance des économies occidentales aux fournisseurs étrangers, et poussé certains pays - les Etats-Unis et plusieurs pays européens dont la France - à relocaliser une partie de leur production pour des raisons de sécurité et de souveraineté économique. C'est une mauvaise idée, dénonce l'Organisation mondiale du commerce dans son rapport annuel sur le commerce international : « Les mesures visant à restreindre le commerce, à accumuler les fournitures nationales et à renforcer l'autosuffisance nationale, loin de réduire l'insécurité économique, ont servi à l'accroître, en perturbant les chaînes d'approvisionnement, en ralentissant la production. » A ceux qui appellent à la fin de la mondialisation, le gendarme du commerce prône l'inverse.

Pour trois raisons essentielles. D'abord, il serait difficile pour les pays à faible revenu de mettre en place des capacités de production nationale. Ils seraient en outre privés de technologies et de savoir-faire étrangers. Ce qui serait nuisible à leur développement.

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Ensuite, des politiques publiques visant à garantir la production nationale de produits qualifiés d'essentiels nécessiteraient de combiner subventions et protection des importations. Pour l'OMC, ce choix serait coûteux sur le plan budgétaire et aboutirait à des prix à la consommation plus élevés.

L'élimination de la dépendance à l'égard de produits étrangers implique de facto une dépendance accrue à la production nationale. Or, celle-ci n'est, elle-même, pas à l'abri d'un choc comme l'a montré l'impact de la crise pandémique récente sur les différents pays. La fabrication et la distribution de vaccins en sont l'illustration flagrante.

Perte de bien-être

Pour l'OMC, une économie localisée se révèle plus - et non pas moins - sensible aux chocs. Les possibilités d'ajustement à des chocs, externes ou internes, sont limitées. Ce manque « entraîne une instabilité accrue du commerce, des revenus, des prix et, en définitive, des revenus et des dépenses des ménages ». Pour l'Organisation, relocalisation rimerait donc avec « importantes pertes de bien-être ».

L'OMC attribue les difficultés d'approvisionnement à la réduction, début 2020, des investissements des entreprises, qui anticipaient alors un ralentissement économique prolongé. Un rebond inattendu de la demande, accéléré par l'accumulation des stocks des entreprises et une hausse des dépenses en biens de consommation (smartphone et ordinateurs notamment), a conduit à l'apparition de goulots d'étranglement.

De plus en plus d'événements déstabilisants

Des événements météorologiques extrêmes, des accidents comme le blocage d'un porte-conteneurs dans le canal de Suez ainsi que des fermetures de ports en raison du Covid-19 ont accru un peu plus les difficultés. Tous ces facteurs ont augmenté les coûts de transport et déclenché des retards de livraison qui sont transitoires, estime l'OMC.

Néanmoins, le monde doit se préparer à connaître plus fréquemment des événements semblables. Une étude du McKinsey Global Institute (MGI) parue l'an dernier révélait qu'une entreprise manufacturière moyenne pouvait subir une perturbation de sa production pendant deux semaines tous les deux ans, et pendant un à deux mois tous les 3,7 ans. Sur dix ans, cette entreprise peut s'attendre à perdre près de la moitié de ses bénéfices annuels du fait de ces perturbations de ses chaînes d'approvisionnement.

La mondialisation n'est pas morte

Si personne ne peut prédire le prochain événement, il existe de nombreuses façons de rendre les chaînes de valeur plus résistantes, notamment en détenant davantage de stocks de composants critiques, en diversifiant ses fournisseurs ou en régionalisant la production au plus près des lieux de vente. MGI estime ainsi que 15 à 25 % du commerce mondial de marchandises pourrait se déplacer vers d'autres pays au cours des cinq prochaines années si les chaînes de valeur se régionalisent.

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« Ce scénario ne signifie pas que la mondialisation est morte, ni même que les flux commerciaux mondiaux diminueraient. Il est possible qu'un ensemble plus large de pays participent aux chaînes de valeur mondiales dans les années à venir », prédit l'OMC.

Une coopération internationale ravivée, et non un repli vers l'isolationnisme, est la voie la plus prometteuse. 

Ngozi Okonjo-IwealaDirectrice générale de l'OMC

Cette dernière assure que l'économie et le système commercial mondial ont mieux résisté que prévu face à la pandémie du Covid-19. « Nous avons maintenant l'occasion de nous appuyer sur ce système, et non de l'abandonner », préconise-t-elle. « Une coopération internationale ravivée, et non un repli vers l'isolationnisme, est la voie la plus prometteuse […] », juge Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l'OMC.

Richard Hiault

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