La flexibilité psychologique, base de la résilience
Le « monde de demain » est-il vraiment en train de naître? Certains l'espèrent, d’autres le redoutent. Suite à la pandémie du Covid19 qui a mis à l’arrêt la machine productiviste mondiale pendant plusieurs mois, a plongé les populations dans l’incertitude et un sentiment de précarité et de fragilité exacerbés.
Aujourd'hui, je constate dans mon cabinet que la sortie de la période "Covid" semble paradoxalement la plus difficile sur le plan psychologique pour mes patients. Ils sentent confusément que le monde leur demande de reprendre la marche en avant, leur activités passées. Mais une partie d'eux semble refuser ou ne plus trouver l'énergie pour réinvestir le monde comme avant ce temps de pause, comme un ressort cassé, qu'il convient d'accueillir, de questionner et d'écouter pour retrouver sa place, mais peut-être pas la même place. Que faire ? Comment agir ou réagir ? Faut-il relancer la machine économique pour remettre le monde sur ses rails ou faut-il en profiter pour actualiser le logiciel en se posant des questions sur la finalité et le sens de nos engagements individuels et collectifs, au prix de tensions psychiques et physiques possiblement fortes pour trouver de nouvelles réponses ajustées.
Un nombre croissant de recherches scientifiques suggère qu’étant donné la complexité et l'instabilité de notre environnement actuel, il pourrait devenir risqué et inadapté pour les individus de se fier uniquement à leurs connaissances antérieures pour percevoir et agir efficacement. Il devient nécessaire de penser en dehors du cadre, de prendre du recul pour remettre en cause les paradigmes de nos connaissances antérieures dans un monde en mutation, où les recettes d’hier ne sont plus forcément les bonnes recettes pour le monde d’aujourd’hui et de demain.
J'ai joint une conférence de Jean-Marc Jancovici, spécialiste de la transition énergétique, personnage public qui va forcément émerger dans les années qui viennent, qui montre bien comment l'économie mondiale s'est construite depuis 2 siècles sur un paradigme "hors sol", à savoir sur un postulat que les ressources de Mère Nature étaient infinies et donc gratuites. Il révèle que la grande crises boursière des subprimes de 2008 correspond symboliquement au pic d'extraction du pétrole dans l'histoire humaine, dans notre économie carbonée. Il invite chacun à penser hors cadre pour trouver des solutions innovantes, globales et intelligentes, au service du collectif car nous sommes tous sur le même bateau Terre, tous reliés et interdépendants.
Bien que les recherches passées aient montré que la plupart des processus automatiques humains sont un moyen utile d'adaptation aux situations, des études plus récentes ont révélé que ce n'est pas toujours le cas et qu'une plus grande flexibilité cognitive peut contribuer à réduire l'interférence de l'expérience passée sur l'attention au moment présent. En effet, plusieurs études ont souligné qu'une dépendance trop importante à l’égard des catégories, des attentes et des schémas antérieurs peut être associée à une diminution de la flexibilité (qui peut se traduire par la montée des dogmatismes de tous ordres et des raisonnements simplificateurs et globalisants) et à des difficultés d’actualisation des connaissances.
Dans ce contexte de mutation énergétique et écologique, la complexité et l'imprévisibilité des interactions peuvent conduire à des réponses automatiques inappropriées en raison des schémas existants. Il va devenir donc utile dans certaines circonstances de pouvoir réduire la tendance à s'appuyer uniquement sur des prédictions (c'est-à-dire des processus mentaux descendants) et de pouvoir s'appuyer davantage sur des informations provenant des sens (c'est-à-dire des processus sensoriels ascendants) à partir des expériences vécues, car cela conduirait à une plus grande flexibilité et à des réponses plus adaptées face à des situations complexes. Afin d'aider les individus à mieux faire face aux changements, à l'incertitude et aux nouvelles actions imposées par le changement climatique, la flexibilité cognitive s’avère particulièrement utile. Elle est en partie liée aux processus attentionnels et peut être entraînée pour améliorer la capacité des participants à être ouverts aux nouvelles informations provenant de leurs sens.
L’entraînement attentionnel proposé dans les groupes FOVEA a été conçu pour accroître la flexibilité grâce à un programme d’entrainement à la pleine conscience intégrée au quotidien. Comme il vise à accroître l'attention et la conscience aux informations provenant des cinq sens et à développer une attitude ouverte, sans jugement critique et non réactive face aux stimuli, il était attendu que ce type d’entraînement réduise l'automaticité de l'influence descendante dans la perception des émotions Les résultats de l’étude ont confirmé l'idée que l'entraînement à la pleine conscience augmente la flexibilité et l'efficacité attentionnelle lors du traitement des stimuli de l'environnement. Il existe de plus en plus de preuves que l'entraînement à la pleine conscience augmente la flexibilité cognitive, physiologique et psychologique, comme la capacité́ à maintenir ou modifier un comportement, lorsque cela sert à atteindre un objectif visé, plutôt que d'adopter des comportements automatiques. Un avantage important de la pleine conscience est la désautomatisation des comportements inadaptés et l'augmentation des comportements adaptatifs.
Il a été démontré que la désautomatisation et la flexibilité se traduisent par une pro-socialité et une réduction de la discrimination, qui pourraient être la base de reconstruction d’un monde interdépendant, ouvert, bienveillant et collaboratif, ou chacun(e) pourrait trouver sa place et du sens à sa vie. C’est aussi un des objectifs de la cure thérapeutique individuelle proposée par le docteur Vittoz en développant nos capacités attentionnelles dans l’instant présent et en renforçant notre souplesse émotionnelle. Cette approche se rattache à la psychologie existentielle selon laquelle l’expérience immédiate du sujet permet une meilleure approche de la réalité que la démarche rationnelle. Et plus précisément, le corps de la réceptivité sensorielle Vittoz est typiquement « le corps comme mode d’être-au-monde, au moment présent » de Merleau-Ponty. Le Vittoz s’inscrit donc foncièrement dans la perspective phénoménologique, pour laquelle c’est « ce qui arrive » qui importe, dans l’acuité de l’instant présent.
En plus d'être un précurseur dans le champ de la pleine conscience intégrée au quotidien, le docteur Vittoz l'était aussi dans l'utilisation de notre cerveau. En effet, il a écrit dans son unique livre "Le traitement des psychonévroses par la rééducation du contrôle cérébral (1911)", dans lequel il parle du cerveau et de l’importance d’apprendre à mieux le contrôler: « cette méthode a pour base que tout état psychasthénique est dû à un fonctionnement défectueux du cerveau, et que c’est là, que nous devons trouver le remède ». Or, nous savons depuis 20 ans, que notre cerveau est par nature flexible car neuroplastique, il se modifie en fonction de son utilisation en lien avec nos expériences de vie. La biologie nous dit donc que l'être humain peut évoluer et changer par nature, s'il accepte de se laisse transformer par la Vie.
Il est sans doute venu le temps d'écouter Mère Nature et de se mettre à son service, pour se laisser inspirer pour trouver de nouvelles formes de résilience, plus souples et paradoxalement plus fortes, au service du Vivant sous toutes ses formes.
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Patrick BOBICHON
Praticien de la psychothérapie Vittoz
Instructeur FOVEA
Coordinateur de l'étude scientifique FOVEA (IRDC)
Directeur de la formation d'Instructeurs FOVEA
Pour Particuliers, Groupes et Organisations
En cabinet, sur site et par vidéo.
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