Choisir un livre
Salutations mes très chers lecteurs ,
La lecture, au même titre que l’écriture, occupe la majorité de mes journées, et/ou de mes nuits !
Du plus loin qu’il m’en souvienne, j’ai toujours aimé lire, d’abord enfant, puis adolescente, de la fiction, des romans, nouvelles, mangas, etc.
Un peu plus tard, je découvrais la philosophie, et prenais plaisir à la lire, tout comme quelques grands classiques de la littérature française (Flaubert entre autres).
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est en classes préparatoires aux grandes écoles littéraires et licence de lettres, que j’ai le moins lu, ou tout du moins, eu le moins de jouissance littéraire.
La lecture était alors synonyme d’obligation académique, et, bien que Nietzsche et Freud étaient à mon chevet, ils n’étaient pas vraiment au programme de mes professeurs, et toute lecture loisir devenait culpabilisante.
Cependant, j’appris à aiguiser mon œil critique, l’analyse de style, et pléthore connaissances méta ou paralittéraire.
C’est d’ailleurs par ces compétences nouvellement acquises, que je me découvrais une passion, encore présente, pour la linguistique, le langage, la sémantique, et la philologie en général.
Barthes est entré dans ma vie, avec Deleuze, Foucault, et d’autres, sont entrés dans ma vie par cette porte là ; je reviendrai à RB (Roland Barthes) plus loin dans cette lettre.
Une fois ma licence obtenue à la Sorbonne, la lecture, et le cinéma, pour les mêmes raisons, m’ont accompagnée, dans le Ve arrondissement de Paris. Habitant juste en dessous du Collège de France (où quelque quarantaine d' années auparavant, j’aurais pu y rencontrer ces fameux Barthes et Foucault - entre autres), j’avais la chance exquise de pouvoir passer mon temps libre tant au Champo', que chez Gibert Joseph, pour me gaver de films en noir et blanc, et de livres.
Très vite, je prends un abonnement à l’UGC (Danton et Odéon se faisant face sur le boulevard Saint Germain),et mes infidélités cinématographiques me conduisaient parfois au MK2 juste à l'arrière de la librairie Gibert Joseph, entre la faculté de médecine et le Starbucks.
Quant à la librairie, j’y allais souvent, et en sortais, rarement les bras libres.
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Je n’ai jamais été très douée pour choisir des livres.
Malgré tout, entrer dans un lieu envahi de littérature, de tout genre et en toute langue, m’apportait un plaisir des plus savoureux.
En effet, face à l’angoisse, la compagnie des livres m’apaise, et lorsque assaillie d’une crise aiguë, il m’arrive d’acheter, tous les livres qui me font du bien.
Non pas que la lecture de ces livres me fît l'effet anxiolytique escompté, je ne pouvais le savoir avant de les lire, mais parce que cette bibliothérapie, tout comme une crise d’hyperphagie, m’apaisait le cœur.
Mais cet apaisement ne dure qu’un temps.
Aller acheter des livres sans prendre le temps, sans s’organiser, en s’arrêtant aux articles mis en avant par les libraires, revient (selon moi) à aller faire ses courses alimentaires, en ayant faim, et sans avoir fait de liste.
On achète ce qui attire l'œil et le ventre, on n’a aucun raisonnement logique, si ce n’est la satisfaction immédiate de combler un vide.
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La seule chose que je retiens de cette époque, c’est que je voulais absolument lire les livres en version originale (c’est encore le cas aujourd’hui). Sur le Boul’Mich, au croisement d’avec la rue des Ecoles, ce Gibert Joseph s’édifie sur plusieurs étages, et l’un d’eux, dédiés aux romans, avait une bonne collection de livres d’auteurs anglophones.
Et, même si en théorie (et on a raison de le faire), on ne juge pas un livre à sa couverture, ce sont les couvertures des éditions américaines, fort attirantes, qui m’ont fait découvrir un auteur, qui me plaît toujours (même si je l’ai renié durant quelques années) : Douglas Kennedy.
Sa manière de raconter une histoire, ce côté page turner, la qualité cinématographique de son écriture me ravit, au point que j’ai plusieurs de ses livres, en anglais, mais aussi en français, lorsque, happée d’un besoin d’acheter des livres, mais dans une librairie sans romans en langue originale, il m’arrivait d’acheter la traduction d’un de ses romans, que j’avais déjà aimé, ayant ainsi la garantie de me satisfaire de ma lecture.
La maturité venant avec l’âge et les expériences vécues, j’ai donc appris à ne plus me jeter sur le premier livre venu (il m’arrive encore de le faire).
La solution a finalement été de m’inscrire dans des bibliothèques / médiathèques. Qu'un livre me plaise ou non, je n’ai aucune obligation de le garder, voire l’obligation de le rendre !
Malheureusement toutes les bibliothèques ne se valent pas, ou n’ont pas nécessairement les livres dont j’ai envie / besoin.
Qu’à cela ne tienne, entre mes années dans le quartier latin, et aujourd’hui, il y a eu l’invention de BookTube, mais aussi et surtout de sites de critiques et référencement de livres, sans compter les trépidentes sections de commentaires et d'évaluations des clients.
Ainsi, avant de me dire si je souhaite lire un livre, je consulte sa quatrième de couverture en ligne, lis un extrait (merci Kobo, Kindle et autres liseuses numériques), mais je reste toujours méfiante quant aux recommandations des autres lecteurs.
Certains acteurs de BookTube ont une telle force de persuasion et une telle capacité de storytelling qu'ils sont capables de vous faire acheter un livre, à les entendre, passionnant, mais qui vous tombera des mains, à peine les premières pages commencées.
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Aujourd’hui, et dernièrement surtout, je me remets volontiers au binge reading, pour la simple et bonne raison que je peux emprunter les yeux fermés autant de livres que je le souhaite, et sans passer pour folle, puisque depuis peu, dans la médiathèque en bas de chez moi, la mairie a fait installer des automates d’emprunt et de retour. Plus besoin de s’adresser à un humain pour emprunter ou retourner un livre…
Pour autant, je dois régulièrement solliciter les employés, car nombre de livres que je recherche, absents des rayonnages, sont en réserve…
La petite coquetterie liée à ce nouveau système d’automatisation fait que dès que vous rendez vos livres, vous devez les poser sur des étagères situées face aux moniteurs.
La curiosité me pousse systématiquement, à passer en revue les livres qui ont été retournés le jour où je m’y rends (soit presque tous les jours, autant vous dire que les pires jours de la semaine pour moi, sont ceux où la médiathèque est fermée, et hélas, ils sont trop nombreux…).
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C’est ainsi, dans cette pile de livres, qu’un titre attire mon œil : La septième fonction du langage. Quelle ne fut pas ma surprise, de découvrir un épais recueil de linguistique tout droit inspiré de Roland Barthes.
Ma surprise ne s’arrêta pas là, puisque je n’avais vu que la tranche du livre. L’inclinant vers le bas, et penchant ma tête de biais, je commence à lire en diagonale le résumé en quatrième de couverture…
Le premier paragraphe, citant un extrait du texte, étant trop long, perd mes yeux, qui s’arrêtent sur le second :
“Le point de départ de ce roman est la mort de Roland Barthe, renversé par une camionnette le 25 février 1980. L’hypothèse est qu’il s’agit d’un assassinat. Dans les milieux intellectuels et politiques de l’époque, tout le monde est suspect.”
Vous n’imaginez pas l’effet que ce texte m’a fait, j’extrait donc totalement le livre de l’étagère des retours, je regarde la couverture, où gît le titre, La septième fonction du langage, le nom de l’auteur : Laurent Binet (j’apprendrai ensuite qu’il a été primé au Goncourt du premier roman, en 2010).
La construction de la couverture, à gauche de ces informations, me projette dans une perspective passionnante de lecture. En effet, sur une photographie de RB en noir et blanc (RB en NB !), une distorsion numérique efface son visage, dont on ne peut reconnaître que le front, l’implantation typique de ses cheveux, et son menton, qui ma foi, me fait plutôt penser à celui d’Albert Camus (lui aussi mort dans un accident de la route…)
C’était évident, j'emprunte de ce pas le livre, et n’avais qu’une hâte : le lire !
Non seulement parce que ça parle de Barthes, dont la médiathèque ne possède d'ailleurs aucun ouvrage, (je leur en avais fait la demande quelques jours auparavant), mais aussi, parce que, dans ma grande naïveté, inconsciente, puis de plus en plus consciente, je pensais trouver la réponse à cette question “ Qui a tué Roland Barthes ?” phrase, qui prend place justement sur la photographie en couverture, au centre du visage distordu et flou du sémiologue.
J’explique ce que j’entends pas naïveté ici. J’aime croire à ce que je lis, et là, pardonnez-moi, mais la présentation de l’œuvre donne vraiment l'impression qu'il s'agit réellement d'un meurtre, et je veux y croire…
Parce que honnêtement, j’ai des centaines de fois traversé la rue des Écoles à pied, sur et (le plus souvent) en dehors des passages piétons (c’est très français d’ailleurs comme comportement), jamais je n’ai pensé pouvoir y être renversée…
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