Newsletter Mai 2018

Le lambeau

Comme la grande majorité des gens qui ont lu ce livre, j'ai été bouleversée par ce livre. Impossible d'écrire une critique à la hauteur de ce que j'ai pu ressentir, je vous livre donc celle que j'ai trouvée dans Télérama n° 3562 et qui sonne si juste.

Télérama 3562

"Revenu d’entre les morts après le massacre de Charlie Hebdo, le journaliste Philippe Lançon raconte sa douleur et sa métamorphose. Avec une admirable maîtrise.

L’excès de réel est peut-être une des formes de l’enfer — ou l’un des chemins qui y mène. Ce réel infernal, dans sa plus brutale, sa plus franche et incompréhensible manifestation, Philippe Lançon, journaliste littéraire à Libération et chroniqueur à Charlie Hebdo, s’y est trouvé confronté de plein fouet, immergé de plain-pied, au matin du 7 janvier 2015, lorsque deux hommes vêtus de noir et lourdement armés ont fait irruption dans les locaux parisiens de l’hebdomadaire satirique, tirant à vue sur les hommes et les femmes présents. L’attentat dura deux, trois minutes, douze personnes furent tuées. Gravement blessé aux bras et au visage, Philippe Lançon fut littéralement relevé d’entre les morts. S’efforçant, au début du Lambeau, de retracer ces instants, il écrit : « Etais-je, à cet instant, un survivant ? Un revenant ? Où étaient la mort, la vie ? Que restait-il de moi ? Je ne pensais pas ces questions de l’extérieur, comme des sujets de dissertation. Je les vivais. Elles étaient là, par terre, autour de moi et en moi, concrètes comme un éclat de bois ou un trou dans le parquet, vagues comme un mal non identifié, elles me saturaient et je ne savais qu’en faire. Je ne le sais toujours pas… »Si les victimes du 7 janvier sont présentes dans Le Lambeau (« je donnerais cher pour que les morts qui m’accompagnent puissent écrire ce qu’ils vivent ou ne vivent pas […] je voudrais connaître leur précis de décomposition, leurs rires pleins de terre… »), si elles hantent le livre jusqu’aux ultimes phrases, ce jour effarant n’est pourtant, pour le récit de Philippe Lançon, qu’un point de départ. Le Lambeau n’est pas un document sur la violence, encore moins sur le terrorisme, islamiste ou autre (« Je n’ai aucune colère contre les frères K, je sais qu’ils sont les produits de ce monde, mais je ne peux simplement pas les expliquer. Tout homme qui tue est résumé par son acte et par les morts qui restent étendus autour de moi. Mon expérience, sur ce point, déborde ma pensée…

 

 

Philippe Lançon

 

»). Il s’agit, au contraire, d’un livre empreint d’une grande, d’une admirable douceur, s’employant à sonder, sans culpabilité, « la solitude d’être vivant ». Un livre calme, déterminé, à l’image de son auteur et en dépit de l’omniprésence de la douleur physique et morale, de l’angoisse, à « ne pas faire à l’horreur vécue l’hommage d’une colère ou d’une mélancolie que j’avais si volontiers exprimées en des jours moins difficiles, désormais révolus ».

Alors que s’ouvre l’âpre et long parcours médical — des mois et des mois d’hospitalisation à la Pitié-Salpêtrière, puis à l’hôpital des Invalides, et en tout dix-sept interventions chirurgicales, dénombre-t-il à la mi-août 2017 — qui va mener à la cicatrisation de ses blessures, et surtout à la patiente reconstruction du tiers inférieur de son visage, pulvérisé par un projectile, Philippe Lançon s’engage aussi dans un cheminement mental. Un itinéraire solitaire qui tient de l’initiation, voire de la conversion — au sens non pas religieux, disons plutôt métaphysique ou/et spirituel du terme : se défaire de son « ancien moi », tenter de tracer les contours du nouveau, de l’habiter. « Les circonstances, écrit-il, étaient si nouvelles qu’elles exigeaient un homme, sinon nouveau, du moins métamorphosé, au moral comme il l’était physiquement […] Un mélange de stoïcisme et de bienveillance a défini mon attitude pour les mois suivants. »

Stoïque, donc, tout ensemble inébranlable dans sa volonté de guérir et avide de légèreté, un pied parmi les morts (« je parlais aux morts bien plus qu’aux vivants puisqu’en ces jours-là, je me sentais proche des premiers, et même un peu plus que proche : j’étais l’un d’eux »), l’autre parmi les vivants : ainsi se tient Philippe Lançon — penchant finalement du côté des vivants lorsqu’il décide que lui est désormais interdit le « moindre sirop de nostalgie ». Ainsi le suit-on en ces pages bouleversantes où les détails les plus prosaïques de son quotidien hospitalier se mêlent aux souvenirs d’enfance et de jeunesse qui peuplent le « nuage de rêveries sombres » auquel l’abandonne son état de grand blessé aux fonctions vitales relayées par toutes sortes de tuyaux et de drains. Tout cela est tissé de lectures (Shakes­peare, Proust, Thomas Mann, surtout Kafka), de musique (Bach), de peinture (Vélasquez) et des réflexions multiples que génère cette expérience qu’il fait du « temps non pas perdu, ni retrouvé, mais interrompu », de « l’enterrement de [ses] vies passées », de la solitude du survivant, de la souffrance comme source de connaissance : « Je ne pouvais pas éliminer la violence qui m’avait été faite […] Ce que je pouvais faire en revanche, c’était apprendre à vivre avec, l’apprivoiser, en recherchant, comme disait Kafka, ‘‘le plus de douceurs possibles’’. L’hôpital était devenu mon jardin… »

D’où vient que ce chemin radical de Philippe Lançon, quoique se situant hors du champ de l’expérience humaine ordinaire, nous touche de si près ? Qu’à ce point il nous émeuve, nous enseigne, nous renverse ? Du geste littéraire lui-même, tout ensemble intimiste, profond et essoré de tout narcissisme : « Il m’avait fallu atterrir en cet endroit, dans cet état […] pour sentir ce que j’avais lu cent fois chez des auteurs sans tout à fait le comprendre : écrire est la meilleure manière de sortir de soi-même, quand bien même ne parlerait-on de rien d’autre » que de soi.

 

 

 

 

 

My absolute Darling

 

Turtle a 14 ans et vit seule dans une maison au fond des bois californiens avec un père exclusif, abusif et paranoïaque qui l'élève comme si la fin du monde était pour demain. Il lui apprend le maniement des armes et limite au maximum les contacts avec l'extérieur. La vie sociale de Turtle se restreint donc au collège et aux visites qu'elle rend à son grand-père vivant dans un mobile-home non loin de chez eux. Turtle grandit et elle est tiraillée entre respecter les règles imposées par son père et fuir cet univers hostile. Sa vie va  changer quand, lors d'une fugue, elle va rencontrer Jacob un jeune lycéen.

C'est un très beau premier roman qui n'est pas sans rappeler Dalva de Jim Harrison.

Malgré cet amour dévorant et nocif, on sent monter chez Turtle, comme chez Dalva, des envies d'indépendance. Elle oscille entre trahir son père et sauver sa peau. Cette métamorphose est décrite avec beaucoup de finesse et d'intelligence. Les critiques dans la presse sont dithyrambiques et c'est largement mérité.Un immense coup de coeur

 

les garçons   de l'été

 

Les garçons de l'été sont frères et s'appellent Thadée et Zachée. Issus d'une famille bourgeoise de Biarritz, ils pratiquent le surf depuis leur plus jeune âge. Ils sont beaux, intelligents et font le bonheur de leurs parents. La vie bascule le jour où Zachée téléphone pour annoncer que  Thadée a eu un très grave accident. Suite à ce drame, la cellule familiale va alors se fissurer et la réalité va surgir de derrière ce monde d'apparences.

C'est un formidable polar sociologique. Le suspense est à son comble jusqu'à la fin.

Par contre, après l'enthousiasme provoqué  par ce livre, ne faites pas l'erreur de vouloir lire le premier polar de Rebecca Lighieri (c'est en réalité un pseudo, il s'agit d'Emmanuelle Bayamack Tam) "Husbands" qui est vraiment   très décevant pour ne pas dire médiocre.

 

Bénis soient les enfants et les bêtes

 

Dans un camp de vacances pour enfants de riches qui apprennent à vivre comme des cow-boys au fin fond de l'arizona, six adolescents considérés comme les maillons faibles du groupe,  vont s'unir pour acccomplir une mission extraordinaire. En pleine nuit, ils s'échappent pour accomplir cet acte de bravoure.

Un joli récit publié chez Gallmeister, les éditions spécialisées dans la littérature américaine. Elles  participeront au festival Vo-Vf cette année

Glendon Swarthout (1918-1992) est surtout connu pour ses westerns tous adaptés par le cinéma, "Le tireur" sous le titre "Le dernier des géants" avec John Wayne et plus récemment le formidable "Homesman" porté à l'écran par Tommy Lee Jones en 2014. Bénis soient les enfants et les bêtes a fait l'objet d'un film en 1971.

Elle a neuf ans, elle a eu le droit de sortir seule quelques minutes un dimanche de mai. Quand elle revient, ses parents la retrouvent effondrée dans sa chambre, dans un état de sidération. Elle ne se souvient de presque rien si ce n'est de ce monsieur qui l'a suivie. Une plainte est déposée, sans suite. Pendant 20 ans, l'auteur va se débattre avec des démons dont elle ignore l'origine: amnésie traumatique. Ce livre va servir de référence pour toutes les jeunes victimes qui n'arrivent pas à mettre de mots sur leur mal être. L'auteur explique minutieusement,sans voyeurisme mais sans tabous les années d'errance et les terreurs qui apparaissent sans crier gare. Adélaïde Bon les appellent les méduses.

Des années de psychothérapie sans réponse,  une sexualité perturbée, une vie sans pouvoir mettre d'attache. Tel est le calvaire de ces enfants abusés sexuellement. 20 ans après un homme est arrêté et un procès a lieu, la mémoire revient et les images déferlent enfin permettant ainsi la guérison.

C'est un livre difficile mais indispensable. L'auteur espère que les victimes qui le liront gagneront du temps pour comprendre et verbaliser le choc.

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