Fleurines              #9

Lettre d’information du site de Philippe Berthaut le Pays Jonglé

Bonjour à vous

 

J’ai le grand plaisir de vous annoncer que le Motager de poèmes a enfin trouvé son éditeur en la personne de Jacques Brémond.

J’en suis honoré et ravi. Cette Fleurine #9 sera donc consacrée à la présentation de ce recueil de poèmes destinés aux enfants.

 

Il y a une vingtaine d’années, je me suis luxé l’épaule gauche et donc un peu immobilisé pendant un mois au cours duquel m’est venue l’envie d’écrire des poèmes pour les enfants. Ce que je n’avais jamais fait jusqu’alors.

 

Et puis je ne sais comment m’est venue l’idée de proposer un atelier d’écriture poétique en résonance à quelques poèmes choisis parmi les nombreux poèmes écrits. Ce que je vivais au départ comme un atelier un peu expérimental s’est vite avéré une aventure étonnante qui dégageait une énergie incroyable.

 

Dans le merveilleux petit écrin de la Cave-Poésie René Gouzenne à Toulouse j’ai pu ainsi animer plusieurs dizaines de Motagers en direction de classes de CM1, CM2 parfois CE2 et même de 6ème.

Ayant quitté Toulouse j’ai demandé à Marcel Grange, comédien et aussi animateur d’atelier d’écriture, de reprendre le flambeau. Ainsi donc le Motager continue de vivre à la Cave-Poésie.

 

Je serais heureux s’il pouvait vivre ailleurs et l’édition va lui donner un nouveau souffle. Car il va permettre à qui veut bien en faire l’expérience (enseignant(e)s, bibliothécaires, animateurs et animatrices d’atelier d’écriture…) de la vivre.

 

Je souhaiterais aussi que chaque enfant puisse repartir avec le recueil dans lequel figurera le poème qu’il aura écrit dans l’atelier.

 

Préface

au Motager de poèmes  

 

 

"Quand je joue, je sais tout"

 

Qu’est-ce qu’un poème aujourd'hui ? Comment le définir avec exactitude ? De telle sorte qu’on puisse l'écrire ? Impossible d'y répondre. Dans la production poétique contemporaine les poèmes sont tout autant de réponses qui se combinent, se masquent, se rejettent, forment une pelote de fils aux couleurs différentes bien difficiles à démêler. Peut-être avant tout retenir qu'il est une énergie qui résulte de la rencontre entre le corps et le langage. Une fulgurance inattendue et inouïe.

Il y a une sorte de sauvagerie, de non apprivoisement dans la soudaine apparition du poème. Il faut préserver cet état « sauvage » c’est-à-dire ne pas faire appel directement à la raison raisonnante. Un poème n’est pas un devoir dans lequel on doit appliquer des règles (métrique, rythme, thématique) mais une rencontre à chaque fois renouvelée avec cette matière vivante et pétrissable que sont les mots. Mariage du souffle, de la chair et des mots. Explosion. C’est ce que j’ai voulu vivre et donner à vivre en mettant en place ce « motager de poèmes ».

 

J'ai toujours pensé que la seule lecture d’un poème ne suffisait pas à entrer en lui. Être le seul à proférer mon poème face aux autres ne suffit pas, ne suffit plus pour que vive la poésie. Lire un poème peut aussi être une prise de pouvoir et (en grossissant mon propos mais pas tant que ça) une façon de maintenir les autres sous le joug de "ma" voix, de "mes" mots, les excluant.

 

J'ai donc eu envie que le public (enfants) venu pour écouter des poèmes ait aussi l'occasion de vivre autrement ces poèmes, de les prolonger en en écrivant d'autres et en les lisant à son tour. Je n’avais jamais écrit de poèmes pour les enfants (des chansons à une époque mais assez peu et surtout en partage avec eux). Un incident de vie (luxation d’épaule) me donna le loisir d’écrire toute une série de poèmes à leur intention pour leur parler de la manière dont un poème et un poète vivent ensemble, de la matérialité des lettres de l'alphabet, de ce qu'un poème peut dire, de la façon dont il peut le dire. J’essayais d’obtenir un ton à la fois naïf et curieux, narratif et fragmenté pour donner à entendre une autre relation au monde grâce au poème. J’ai donc construit un atelier lecture/écriture qui se déroule de la façon suivante. Pendant vingt minutes, je lis ces poèmes écrits en panne d’épaule, ensuite pendant vingt minutes chaque enfant écrit ou plutôt fait le geste d’écrire un poème selon l’idée qu’il se fait de ce qu’est un poème, à la fois accablé de représentations et libre de toute entrave. Aucune consigne n’est donnée si ce n’est que lorsqu’un ou plusieurs enfants, tout tristes, appellent pour dire « qu’ils n’ont pas d’idées » « qu’ils ne savent pas quoi écrire » « qu’ils n’y arrivent pas » je les incite fortement à écrire ce qu’ils viennent de me dire, de commencer à écrire l’impossibilité d’écrire le poème, le rien, le « pas possible » à seule fin de ne pas être en panne devant la page blanche.

 

Une manière aussi de rapprocher le poème au plus prés d’eux, de ce qu’ils vivent à l’instant de l’écrire, plutôt que d’aller chercher très loin dans leur tête un exemple à reproduire. C’est un passage où je dois les accompagner.

Bien évidemment le temps de l’écriture, on ne regarde pas les fautes (on peut même parfois regarder la faute comme une invention). De la même manière la graphie doit être regardée comme une composante du poème et très souvent la façon dont l’écriture maladroite, chaotique, immense ou toute petite, crée dans le champ visuel ouvert sur la page une figure qui participe au poème. Regarder ce qui naît sous les yeux et qu’on appellera « poème » comme une épiphanie, une merveille, un chef-d’œuvre et non un vilain brouillon. Est-il si difficile de simplement inverser son regard quand il s’agit d’écrire un poème pour que toute l’énergie du corps et de l’esprit soit au service de cette rencontre avec la langue ?

 

Autre intervention : lorsque l’enfant ne trouve plus, lui signifier que le poème est fini et qu’il peut en commencer un autre. Et toujours être gratifiant, non pas par démagogie mais parce que je pense vraiment que dans ce geste d’écrire le poème (et vous voyez je suis prudent je ne dis pas que nous écrivons des poèmes) le moindre mot posé, accolé à d’autres, peut générer ce flux d'énergie, cette force incroyable qui soudain nous rend collectivement heureux. Ensuite chaque enfant lit son poème aux autres. Ainsi donc nous avons ensemble partagé une expérience neuve, une aventure en écriture où chacun a droit à exister même avec un poème de quelques mots comme par exemple cette merveille, jaillie après un long moment de silence sous la plume d'un enfant qui peinait à écrire de poèmes et n'aimait que le rugby: « Quand je joue je sais tout ».

 

Philippe Berthaut

  

 

 

 

Jeudi 15 janvier 2009

Pour la 5ème année consécutive,

ma classe va participer à un atelier écriture

avec...

 

Par Christine DAUMET, enseignante en CM2

Ecole Georges Lapierre, Tournefeuille

 

 

Jeudi 15 janvier 2009

 

Pour la 5ème année consécutive, ma classe va participer à un atelier écriture avec Philippe BERTHAUT.

Grande première cette année : nous ne recevons plus Philippe à l’école, pas plus que nous ne nous déplaçons à la boutique écriture de la Médiathèque de Tournefeuille…Non, cette année, grande première : nous nous rendons dans un lieu consacré entièrement à la poèsie…

10h…nous arrivons rue du Taur …devant la Cave Poésie René Gouzenne, rien

de moins. Ce projet de nous déplacer a été émis par l’animateur lui-même lors de notre dernière séance en 2008. En effet, l’atelier débutant par une lecture de poèmes (les siens, bien sûr), quoi de mieux que de les écouter dans une salle, lus sur une scène dans ce lieu créé par et pour les poètes ?

Nous arrivons rue du Taur, donc, et sur le trottoir nous attend notre barde barbu et chevelu qui nous accueille comme de vieilles connaissances que nous sommes. En effet, les élèves ont pour la plupart participé à ses ateliers écriture avec l’école depuis le CE2.

Après les premiers moments de surprise passés, dû à la découverte de ce lieu magique, tout le monde s’installe dans la salle du bas, on distribue papier et stylos (ah…la magie du bic « à ressort »…clic clac clic clac…et « qu’est-ce qu’on va faire avec? »), on fait le silence, la lumière baisse et…la lecture commence…

 

« Ce matin en me levant

J’ai cherché un poème

(que j’avais écrit il y a bien longtemps

Mais que j’avais perdu… »

 

« L’autre jour je suis allé

Voir un poête s’entraîner…

Tout en beurrant ses tartines

Il cherchait des rimes avec le mot tartine

Ne trouva que mandarine… »

 

Le poème quant à lui s’entraînait avant de se faire écrire à réveiller les lettres qui étaient parties en goguette…Le Z au cirque Zavatta, le F chez le coiffeur, le J parti faire du Ju-Jitsu avec le S et le T…

 

Sourires, rires, émotions…20 minutes d’écoute, d’attention, qui filent à toute

vitesse.

La lumière se fait et le verdict tombe : « Maintenant c’est à vous…vous avez entendu des poèmes, maintenant à vous d’en écrire… » annonce le poète.

Je suis sereine, plus sereine que la plupart des élèves : en effet, après le premier moment de surprise passé (« Il est fou ! Comme ça? Leur dire d’écrire, sans consigne, sans trame ! ») j’ai déjà vu le miracle se produire, la formidable capacité de ces enfants de dix ans à jouer avec les mots, à produire de véritables petits chef-d’oeuvres. Eux, ils n’en sont pas encore là, ils doutent, ils se demandent s’ils en sont capables. Puis, très vite, la magie opère et les bics (« clic clac clic clac » disent-ils) se mettent à courir sur les feuilles, ne s’arrêtent plus, certains redemandent du papier…

D’autres mettent plus de temps à se débloquer, n’ont « rien à dire », écoutent les encouragements de Philippe, puis se lancent. On échange, on rit, on compare… Vingt minutes plus tard, arrive le moment de vérité : chacun monte sur scène et vient lire son ou…ses poèmes. Poèmes drôles, poèmes tristes, poèmes amoureux, poèmes enragés, tous sont là, prêts à être dits, prêts à être écoutés :

 

« C’est bizarre, je commence mon histoire par le stylo de Philippe, c’est une

histoire pleine de poésie… »

 

« …la pollution, trop d’essence gaspillée, ballade-toi, profite, la Terre va

éclater…

Les mots je les connais pas, c’est vous qui les connaissez… »

 

« Je suis embêtée, très très embêtée, mon poème s’est caché dans une boite

fermée… »

 

« Je sais pas écrire, je sais que jouer

Quand je joue, je sais tout… »

 

Écoute, bienveillance, rires et sourires complices, applaudissements, …on en redemande, le temps passe trop vite. Chacun a vu de quoi il était capable (écrire…monter sur une scène, même petite…dire son texte, écrit par soi).

Quoi de plus enrichissant pour donner confiance à ceux qui en manquent ?

Pour prouver que celui qui a des difficultés en classe ne les a plus face à sa feuille blanche et face à ses camarades ? Formidable expérience que certains me demandent de renouveler de retour en classe…Non, car la magie vient aussi et surtout de la présence, de l’écoute, de la complicité établie avec Philippe BERTHAUT . Nous, en classe, on partira sur d’autres choses, mais laissons ce moment poétique reposer dans la Cave Poésie.

 

13h30, retour à l’école.

« Tu sais quoi, Maîtresse ?

- Non…

- Eh ben , on s’est rendu compte qu’on était des poètes, alors qu’on le

savait pas… »

Rien que pour entendre cela, le Motager de Poèmes, ça valait le

déplacement, non ?"

 

 

Christine DAUMET, enseignante en CM2

École Georges Lapierre, Tournefeuille

De quelques poèmes écrits

au cours d'un atelier avec une classe de l'école primaire Georges Lapierre (Tournefeuille).

 

Cliquez ICI ou sur l'image ci-dessous

pour découvrir les poèmes des enfants.

Et quelques autres poèmes écrits à la Cave Poésie

par des élèves de 6ème du collège Michelet, (Toulouse), le 9 mars 2010

 

La Cave

 Je suis dans une cave rouge faite de briques.

Entre ces briques nichent des poèmes.

Ils renferment les pensées des poètes.

Cette cave est une gigantesque poésie reconstituée.

 

Baptiste

 

 

 

Je n’y arrive plus

Arriver ce n’est pas un mot pour moi,

Arriver à ceci et cela, faire énerver les

Gens pour arriver, arriver , arriver, arriver,

Arriver : Oui mais je n’y arrive pas

 

Rose

 

 

 

 Comment écrire un poème ?

Pour écrire un poème, il faut connaître le langage.

Ah ! Mon bon ami, qu’est le langage ?

Cela fait deux jours que je ne l’ai pas vu.

C’est trop.

Ah ! Mais voici que je vois quelque chose qui arrive.

Non, c’est … une feuille. Et avec quoi ? Un stylo.

D’après moi, ce n’est pas nécessaire, mais bon, c’est demandé

si  gentiment que je ne peux pas refuser.

Mais, je me rends compte tout à coup que je n’ai pas d’idée.

Problème.

Mais voici que le stylo commence à se manifester :

« Oh là ! Cher propriétaire. Pour écrire, il faut que je sois

une extension de ton bras, et moi une extension de la feuille.

Voici le secret de l’écriture, écriture, écriture, écriture … »

Et maintenant, on dirait qu’il beugue et je crois que c’est

contagieux. Attention à tous …, à tous …, à tous …

 

Sébastien

  

 

 

Ennui

 Je m’ennuie, c’est l’ennui qui m’ennuie

Donc ça m’ennuie et ça l’ennui, lui, Louis

  

Devoir

Je dois devoir faire mes devoirs, c’est mon devoir

Tu dois devoir faire tes devoirs, c’est ton devoir

Nous devons devoir faire nos devoirs, c’est notre devoir

Voilà

 

Je suis une machine à poèmes

 Je suis un pouête et je fais poète

Dans mon atelier de pouête ça fait poète

Quand on lit mes pouêmes, on dit poème

Chouette

         

Je lis

 Dans mon lit, quand je lis

Je suis transporté en transportant

La lecture que je lis quand je lis

Dans mon lit et que je suis transporté

  

J’ai un poème dans la bouche

 J’ai un poème dans la bouche

Il fait aïe, il fait ouille

Je le mastique pour l’épurer

Pour en faire un poème fini

  

Un firme

J’ai rencontré un firme

Je l’affirme

J’ai couru après un firme

Et paf !

Je suis devenu un firme

                                   

La même chose

Je fais la même chose que la même chose

Et la même chose fait la même chose que la même chose

Puis la même chose fait la même chose que … que

Que qui, mais qui est qui ? Qui est qui. Voilà

 

Dix

Dix, comme un disque

Disque, comme discuter

Discuter, comme parler

Donc parler égale dix

 

J’ose

J’ose oser onze

J’onze onzer ose

Mais moi j’ai plus

 

Ulric

Lettre de remerciements

Merci pour votre fidélité,
Cordialement. 
Philippe Berthaut

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