Alexandre Sandier (1843–1916), Projet pour la galerie du cabinet de l’amateur, 1895, graphite, plume et encre noire, aquarelle, rehauts de gouache de couleurs, or et blanches, inv. PR. 2011.7.198.
À l’occasion du salon Fine Arts Paris-La Biennale, le salon du Bois du musée des Arts décoratifs a ouvert ses portes, pour le plus grand bonheur des visiteurs. Fleuron de l’Art nouveau, cette galerie est adaptée du pavillon de l’Union centrale des arts décoratifs (UCAD) réalisé par Georges Hoentschel (1855-1915) pour l’Exposition Universelle. L'exposition du musée des Arts décoratifs permet de remonter le fil de cette réalisation jusqu'aux aquarelles préparatoires réalisées par plusieurs artistes.
En 1895, l’Union centrale des arts décoratifs ouvre un concours pour la réalisation d’un pavillon de l’Exposition universelle de 1900. Le musée des Arts décoratifs conserve les deux projets retenus : celui de Georges Rémon (1855-1931) et Eugène Morand (1853-1930), et celui d’Alexandre Sandier (1843-1916), architecte d’intérieur passé par les Beaux-Arts de Paris. Si le projet de Rémon et Morand a reçu le premier prix, il a été abandonné à cause de son coût. En 1898, l’UCAD se tourne donc vers Georges Hoentschel afin de réaliser le projet du pavillon, adapté par la suite pour en faire le Salon de Bois.
Le concours de 1895 avait pour projet la réalisation d’un cabinet d’amateur d’art moderne, et réunissait quatre pièces : un vestibule d’entrée, un salon de réception, une bibliothèque, et une salle d’exposition. L’UCAD souhaitait à travers cette commande créer un nouvel art, en rupture avec les références au passé. Le règlement était clair sur l’importance d’un style novateur, qui devait s’affranchir de toute copie. Une demande qui fait écho à cette quête du XIXe siècle, où depuis le courant romantique, les artistes recherchent de nouveaux modèles. Déjà en 1836, Alfred de Musset écrivait :
« Notre siècle n’a point de forme […] les appartements des riches sont des cabinets de curiosités : l’antique, le gothique, le goût de la Renaissance, celui de Louis XIII, tout est pêle-mêle. Enfin, nous avons de tous les siècles, hors du nôtre, chose qui n’a jamais été vue à une autre époque ; l’éclectisme est notre goût ; nous prenons tout ce que nous trouvons, ceci pour sa beauté, ceci pour sa commodité, telle autre chose pour son antiquité, telle autre pour sa laideur même ; en sorte que nous ne vivons que de débris, comme si la fin du monde était proche. »
Alfred de Musset, La Confession d’un enfant du siècle, [1836] éd. 2010, Flammarion, Paris, p. 94-95.
Le jury n’est pas convaincu par la modernité du projet de Sandier, qui ne reçoit même pas le deuxième prix mais une prime de 1 500 francs. Cependant, on retrouve dans ses aquarelles une plus grande personnalité qui attire l’œil moderne. Sandier crée pour son projet de la galerie une ingénieuse structure boisée, surplombée par des coupoles. Il reproduit les conditions d’utilisation de la pièce en remplissant les cabinets de nombreux objets décoratifs. Encastrées dans la structure, des scènes mettant en avant les arts décoratifs à travers le tissage et la céramique surplombent l’ensemble.
Nous retrouvons les principes théorisés dans les articles « La Maison moderne », qui paraissent entre 1885 et 1992 pour la Revue illustrée. Sandier y insiste sur l’importance d’accorder son intérieur à ses besoins, sans être victime de modes ni aller à contresens de l’utilité d’une pièce, et indiquait que « la maison et son aménagement sont la coque de l'animal humain. Ils doivent se mouler sur ses besoins et ses habitudes, et non lui imposer un caprice archéologique [Alexandre Sandier, « La Maison moderne », La Revue illustrée, 1ier décembre 1885, p. 283.] ». L'importance de la praticabilité est présente dans ses propositions, les seules agrémentées de personnages ; ici l’amateur nettoyant ses vitrines.
Les projets étaient anonymes et n’étaient pas inventoriés, ils étaient dispersés dans les différents fonds de la bibliothèque. Des sources contemporaines au concours indiquaient que les œuvres de Sandier étaient reconnaissables à la marguerite d’or qui était apposée sur les montages. Or, ces derniers avaient été séparés des dessins du fait de leur acidité. Cette exposition est donc l'aboutissement d'une longue enquête et a vu le jour grâce aux recherches d’Astrid Grange, à qui l’ont doit la réattribution des projets à leurs créateurs.
Pour aller plus loin:
Astrid Grange, Exposition universelle de 1900: des décors aquarellés retrouvés, Paris, 2022.
Astrid Grange, « "Le cabinet de l'amateur", un concours organisé par l'Union Centrale des Arts Décoratifs », L'Objet d'Art, n°579, p. 70-78.
Dossier en ligne autour de l’exposition : https://madparis.fr/Le-pavillon-de-l-Union-centrale-a-l-Exposition-universelle-de-1900-1938 [en ligne novembre 2022]