Getir placé en redressement judiciaire en France

Le tribunal de commerce de Paris a confirmé le 2 mai le placement en redressement judiciaire de Getir France, qui est en cessation de paiement. Deux administrateurs et deux mandataires judiciaires travailleront avec les dirigeants de la société sur un plan de réorganisation.

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Getir placé en redressement judiciaire en France
Getir a perdu 99 millions d'euros en France en 2022.

Mise à jour du 03/05/2023 : Actuellement en cessation de paiement, Getir France a été placé en redressement judiciaire. Le tribunal de commerce de Paris a pris sa décision le 2 mai 2023, six jours après le début des auditions. Il rendra sa décision finale le 26 juin, a confié à LSA une source proche du dossier. Le quick commerçant turc a respectivement mis la main en mars et en décembre 2022 sur ses concurrents Frichti et Gorillas, également concernés par cette mesure. Les trois entités réunies dans le giron de Getir devront suivre une période d’observation de trois mois. Deux administrateurs et deux mandataires judiciaires travailleront avec les équipes de la compagnie sur un plan de réorganisation. Son objectif : rationaliser le business pour qu’il soit un jour rentable. « Ce dispositif permet aux entreprises de se réorganiser sous la protection du tribunal de commerce et donnera aux trois entreprises de Getir en France le temps nécessaire pour trouver un modèle durable pour opérer dans le pays », indique un porte-parole de Getir dans un communiqué.

D’un pas discret, Nicolas Musikas remonte le Quai de Corse ce 27 avril. Sur son chemin, le patron en France de Getir, Gorillas et Frichti se tourne vers le trottoir d’en face, esquisse un sourire et un bref salut de la main, avant de s’enfoncer dans le Tribunal de Commerce de Paris. En face, une petite vingtaine de salariés des trois sociétés, des syndicalistes et des élus parisiens se sont rassemblés en soutien aux représentants qui vont témoigner lors d’une première audience dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire enclenchée par Getir. « Getir joue un jeu dangereux. Son modèle économique est plus que discutable, ce ne sont pas des licenciements et des fermetures de dark stores qui vont y changer quelque chose. Le tribunal pourrait très bien décider d’arrêter les frais et de liquider la société », met en garde sur place Rémy Frey, secrétaire de la section distribution de la CGT.

Gorillas et Getir France sont auditionnés par le tribunal de commerce de Paris dans une procédure de redressement judiciaire, enclenchée après la constatation d’une situation de cessation de paiement. Dans le cadre de cette procédure, les deux entreprises ont produit des documents confidentiels, que LSA s’est procurés, dans lesquels elles dépeignent un sombre tableau sur leur situation financière, leur activité en France et les actions envisagées pour redresser la barre. Premier constat, les finances sont exsangues à cause de résultats massivement déficitaires. Gorillas a perdu presque 38 millions d’euros en 2021 pour 9 millions d’euros de chiffre d’affaires, puis 57 millions en 2022, pour des revenus de 25 millions. Ces ratios sont pires encore chez Getir : 2,4 millions de chiffre d’affaires en 2021 et 22 millions d’euros perdus, puis 23 millions de CA en 2022, avec des pertes qui bondissent à 99 millions d’euros ! Au total, les deux entreprises ont ainsi perdu plus de 215 millions d’euros depuis leur arrivée en France en 2021.

Getir, qui « brûle » en moyenne plus de 6 millions d’euros par mois en France, s’est retrouvé en cessation de paiement en avril, avec plus de 3,1 millions d'euros manquant à sa trésorerie pour répondre à ses obligations. De son côté, Gorillas n’avait plus que 600 000 euros en banque en avril, alors que l’entreprise enregistre un déficit de près de 3 millions d’euros par mois. En l’absence de renflouement de la part de leurs actionnaires, les deux sociétés sœurs ne sont plus en mesure de payer certaines dépenses et dettes. Getir cumule d’ailleurs une dette de 17 millions ­d’euros, dont plus de 12 millions auprès de ses fournisseurs, ainsi que 5 millions de dettes fiscales et sociales, notamment auprès de l’Urssaf, à qui un échelonnement de paiement des cotisations a été demandé.

Trouver un modèle rentable à long terme

Ainsi, Getir et Gorillas « n’arrivent pas à atteindre le seuil de rentabilité permettant de passer d’un modèle déficitaire de start-up en phase de croissance à un modèle économiquement rentable sur le long terme », reconnaissent-elles. Pour y arriver, une réorganisation massive serait annoncée. Avec, d’abord, des réductions d’effectifs, notamment via une rationalisation du parc de dark stores de Frichti, Getir et ­Gorillas. Un assortiment unique entre tous les dark stores des trois services, le déménagement dans un seul siège social, puis une fusion des trois entités juridiques sont aussi prévus. 

Comment en est-on arrivé là ? Getir et Gorillas disent subir les effets de l’inflation des produits alimentaires depuis fin 2022. « La fréquence et le montant des commandes ainsi que le prix moyen des produits achetés ont fortement diminué. » Elles précisent aussi que la réduction des promotions et des dépenses publicitaires à partir de mi-2022 a entraîné une baisse des commandes.

Autre frein majeur, leur parc de dark stores surdimensionné. « Getir France est locataire de près de 70 magasins (le nom donné par Getir aux entrepôts, NDLR), dont la moitié ne sont pas utilisés, tandis que d’autres ne sont pas adaptés au niveau d’activité. » Chez Gorillas, on compte 30 dark stores, dont environ la moitié inactifs. Or ces loyers ont été contractés via des baux que l’entreprise ne peut pas résilier, et qu’elle doit encore payer pendant une certaine période. Getir précise que le montant de ces loyers est trop élevé en raison d’une « bulle spéculative » provoquée par l’arrivée d’une dizaine d’acteurs du quick commerce en 2021, qui aurait fait gonfler de 30 % les prix par rapport à leur niveau actuel. Le passage en redressement judiciaire devrait ainsi permettre de trouver des solutions auprès des bailleurs. « Se placer en redressement pourrait aussi leur permettre d’effacer une partie de leur dette, note un ex-cadre du quick commerce en France. Getir ne veut pas réinjecter d’argent en France, pour placer la société en cessation de paiement et en redressement, afin de faciliter sa restructuration et repartir sur des bases saines avec moins de salariés et d’entrepôts. »

Selon plusieurs médias, Getir vient de lever 500 millions de dollars (454 millions d’euros) auprès de ses investisseurs historiques et devra donc expliquer au tribunal pourquoi il ne peut pas soutenir sa filiale française. Dans le cadre de cette opération, l’entreprise ­aurait accepté de diviser par deux sa valorisation. On peut donc présumer qu’en France et à l'international, Getir ne compte pas abandonner, mais plutôt redescendre de son piédestal pour repartir sur des fondements plus réalistes afin de peut-être croître à nouveau. Clément Genelot, analyste chez Bryan, Garnier & Co, estime, lui aussi, que Getir ne quittera pas la France et que ce redressement lui permet d’assainir plus facilement son bilan. « Tant que le marché des levées de fonds restera clos, tous les quick commerçants seront dans une phase de rationalisation et attendront leur heure pour repasser en phase de conquête des marchés. » Mais même après avoir réalisé ce plan de restructuration, la question de la pérennité se posera toujours, relève notre ancien quick commerçant : « Il faudrait doubler les volumes pour être rentable mais, pour engranger plus de volumes, il faut réaliser plus de pertes en relançant du marketing et des promotions. » Pour mémoire, Getir est, pour l’heure, l’un des survivants avec Flink parmi tous les quick commerçants qui se sont rués en France il y a à peine deux ans.

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