Yakir Gola (Cofondateur de Gopuff) "Gopuff est disponible en Ile-de-France mais aussi à Marseille, Lille et Toulouse"

Pionnier du quick commerce aux Etats-Unis et géant aux 40 milliards de dollars de valorisation, Gopuff s'installe en France. Le JDN a rencontré son CEO et cofondateur qui dévoile sa stratégie dans l'Hexagone.

JDN. En quoi le modèle de Gopuff, créé en 2013 aux Etats-Unis, est-il différent de celui des autres acteurs de la livraison ?

Yakir Gola. Contrairement aux autres entreprises de la gig economy (l'économie des petits boulots, ndlr) qui se rémunèrent sur les livraisons, Gopuff gagne de l'argent sur la vente de produits. Nous avons réalisé que le seul moyen de créer une entreprise rentable dans ce secteur était de gagner de l'argent sur la vente des produits en ayant notre propre inventaire. C'est pourquoi nous avons fait le choix d'un modèle verticalement intégré nous permettant de contrôler l'intégralité de l'expérience client. Nous avons ainsi créé cette nouvelle catégorie du commerce rapide et avons réussi à développer aux Etats-Unis une entreprise rentable et aimée de ses clients. L'entreprise compte moins de 15 000 collaborateurs et nous approchons des 600 centres de stockage répartis entre les Etats-Unis et l'Europe. Ce chiffre est en constante augmentation. Pour vous donner une idée, nous en avons ouvert 10 rien que la semaine dernière.

Après la Grande-Bretagne, pourquoi avoir choisi la France pour poursuivre votre expansion européenne ?

Nous recevions beaucoup de messages de nos clients nous demandant de rendre accessible Gopuff en Europe. Certains avaient même téléchargé notre application alors que nous n'étions pas encore lancés. Nous répondons donc à une véritable demande des consommateurs. Les Etats-Unis représentent un marché gigantesque où Gopuff détient près de 75% de parts de marchés dans cette nouvelle catégorie du commerce rapide que nous avons créé. L'Europe était donc la suite logique dans notre expansion.  Nous sommes très enthousiastes de nous lancer en France. Gopuff est désormais disponible en Ile-de-France mais aussi à Marseille, Lille et Toulouse où nous proposons à tous nos clients la livraison de leurs produits du quotidien pour un prix forfaitaire de 1,79 euros. Ce lancement en France a été facilité par l'acquisition de la plateforme de livraison européenne Dija l'année dernière.

De quelle manière vous adaptez-vous au marché français et quelles sont vos ambitions en France ?

"Tous nos livreurs en France sont des employés de Gopuff et non des freelances"

D'abord en nous associant avec des marques régionales et avec des commerçants locaux, comme par exemple des boulangeries permettant à nos clients de commander leur baguette. Nous nous adaptons aussi en réalisant des partenariats avec des acteurs français comme Phenix ou Too Good to Go pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Plus de 4 000 produits sont déjà disponibles dans les magasins Gopuff français parmi lesquels des produits frais comme du fromage et autres produits laitiers mais aussi des fruits et légumes, des produits d'hygiène, des boissons, des produits pour animaux de compagnie, etc. Nous nous lançons aujourd'hui en France officiellement après avoir lancé GoPuff en Grande Bretagne il y a trois mois où l'application connaît déjà un grand succès. Une autre différence avec les Etats-Unis : tous nos livreurs en France sont des employés de Gopuff et non des freelances.

Pourquoi ce choix ?

A chaque fois que nous lançons Gopuff dans un nouveau marché, il nous paraît important de nous adapter aux attentes des consommateurs locaux. Cette capacité d'adaptation fait d'ailleurs partie intégrante de notre ADN. Par exemple, notre modèle n'est pas le même à New York, Phoenix ou Los Angeles. Même à l'échelle de la France, nous étudions de quelle manière nous pouvons avoir des approches plus locales en analysant les différentes attentes à Marseille, Toulouse ou Lille.

Comment mettez-vous en œuvre votre modèle et comment vous assurez-vous d'avoir en permanence autant de produits disponibles ?

Nous avons développé plusieurs couches technologiques, notamment pour la gestion logistique et le management de notre inventaire. Nous améliorons en permanence l'expérience côté utilisateur en développant des fonctionnalités de personnalisation mais aussi en permettant par exemple de souscrire à des abonnements ou de bénéficier de programmes de fidélité. Gopuff a également une plateforme dédiée aux chauffeurs. Il faut aussi gérer l'ouverture et la gestion des centres de distribution à gérer qui sont situés proches de nos consommateurs pour pouvoir les livrer en 15-20 minutes. Tout ceci n'est pas simple à mettre en œuvre. En créant ce nouveau modèle du quick commerce, nous n'avons pas pu nous appuyer sur des technologies existantes. Il nous a donc fallu tout développer nous-mêmes. Tous ces investissements technologiques réalisés ces années passées nous donnent un réel avantage aujourd'hui.

Vous avez racheté aux Etats-Unis deux chaînes de magasins spécialisées dans la vente d'alcool, BevMo en Californie et Liquor Barn dans le Kentucky. Prévoyez-vous des acquisitions similaires en Europe, ou même d'ouvrir vos propres magasins ?

"Nous avons réussi à créer une entreprise rentable avec un Ebitda positif"

Nous avons réalisé ces acquisitions pour des raisons stratégiques afin d'acquérir des licences de ventes de boissons alcoolisées qui sont limitées et parfois difficiles à obtenir dans certains États américain. Les lois sur la vente d'alcool varient en fonction des pays. Je ne peux pas faire de commentaire sur de potentielles futures acquisitions. Concernant votre seconde question, nous avons commencé à accepter les pick-up de commandes dans certains endroits mais c'est encore très récent. Pour autant, nous ne proposons pas à l'heure actuelle d'expérience en magasin. Mais tout évolue vite chez Gopuff et nous voulons continuer d'innover pour nos clients.

Gopuff a réalisé deux acquisitions en Grande-Bretagne avant de s'y lancer. Prévoyez-vous d'autres acquisitions dans ce secteur très concurrentiel de la livraison ?

Gopuff est actuellement en position de leader aux Etats-Unis et nous avons été attentifs à consolider cette position avant d'envisager notre expansion à l'international. Par exemple, nous sommes les premiers vendeurs de glaces et d'alcool aux Etats-Unis dans la catégorie e-commerce, autrement dit pas uniquement sur la livraison. Nous nous sommes lancés à New York il y a trois mois et nous avons déjà 40% de parts de marchés. Ces chiffres montrent bien à quel point nous sommes très portés sur l'exécution et prouvent qu'il y a une véritable demande pour l'offre de Gopuff. Bien sûr, lorsque vous avez du succès, certains essaient de vous copier. Pour autant, nous avons réussi à créer une entreprise rentable avec un Ebitda positif. Gopuff était d'ailleurs rentable pendant ses quatre premières années d'existence sans avoir levé d'argent. Cette position nous permet aujourd'hui d'investir dans notre croissance pour bâtir une marque mondiale leader dans le commerce rapide.

Comment voyez-vous Gopuff dans cinq ans ? Des rumeurs courent sur une probable entrée en bourse cette année...

Notre vision est centrée sur nos clients et notre ambition est de développer cette entreprise sur le long terme. Nous pensons que nous avons là une occasion unique de bâtir une marque générationnelle. Cela passera peut-être par une entrée en bourse ou par autre chose. Pour l'instant, nous restons concentrés sur notre développement à l'international.

Yakir Gola cofonde Gopuff avec Rafael Ilishayev, qu'il rencontre lorsqu'ils sont encore étudiants à l'université de Drexel en Pennsylvanie. Gopuff est une plateforme de commerce rapide permettant de se faire livrer tous types de produits, des fruits ou légumes, aux articles de beauté en passant par des produits pour bébé. L'entreprise a levée un milliard de dollars en juillet 2021  et réalise actuellement une nouvelle levée de fonds de 1,5 milliard de dollars pour une valorisation de 40 milliards, selon Techcrunch.