Tribune. Epiphénomène ou bouleversement profond de notre société, nous observons l’émergence d’un nouveau modèle de métropoles appelées « villes du quart d’heure », selon le concept proposé par l’universitaire Carlos Moreno. Dans ce modèle urbain idéal, les citoyens peuvent se procurer tout ce qui est essentiel à leur existence à quinze minutes à pied ou cinq minutes à vélo de chez eux, sur le modèle de Copenhague, Melbourne (Australie) ou encore Ottawa.
Cette aspiration à l’hyperproximité se conjugue, paradoxalement, avec la poursuite de la croissance exubérante du commerce en ligne et des plates-formes de transactions entre particuliers, qui génèrent par définition le transport des produits – voire de produits alimentaires –, sur des distances de plus en plus longues. En d’autres termes, face à l’intention du consommateur de ne plus se déplacer, la relocalisation à proximité des services et activités se combine à la nécessité de faire converger vers lui les biens de consommation qu’on ne peut produire et commercialiser sur place. Avec, pour corollaire, un risque d’accentuation de la pollution urbaine et périurbaine.
La réussite de la « ville du quart d’heure », et de son ambition écologique, passe donc par la capacité de l’e-commerce à devenir plus vertueux et moins émissif de carbone sur toute la chaîne de logistique et de transport.
Milliers de poids lourds
Si le casse-tête de la livraison à domicile en centre-ville, également appelée « dernier kilomètre », n’est pas encore tout à fait résolu, la logistique urbaine ne cesse de trouver des solutions pour concilier les exigences des consommateurs avec les impératifs d’une ville durable. Solutions de livraison en mode doux grâce à la généralisation des flottes de véhicules à propulsion décarbonée, utilisation intelligente du foncier en hypercentre, digitalisation… les opérateurs de livraison ont prouvé leur engagement à relever les défis, pourtant complexes, que soulève la logistique urbaine. Les progrès évidents accomplis par les constructeurs de véhicules électriques, notamment, permettent de s’affranchir des contraintes techniques, par exemple l’autonomie et la capacité d’emport, sur lesquelles on butait encore il y a cinq ans à peine.
Cependant, les efforts – indispensables – sur la livraison du dernier kilomètre ne suffiront pas à satisfaire l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 prévu dans la stratégie nationale bas carbone et dans l’accord de Paris. Il faut aussi agir en amont de la chaîne logistique et de transport pour que la livraison verte en milieu urbain ne soit pas l’arbre qui cache une forêt d’émissions de carbone. A l’heure actuelle, avant ce dernier kilomètre, ce sont des milliers de poids lourds, à énergie thermique pour la plupart, qui sillonnent la France depuis des dépôts situés en grande périphérie jusqu’aux portes des centres-villes.
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