Getir, Gorillas et Frichti veulent se recentrer sur l’Ile-de-France

Les trois sociétés sœurs, placées en redressement judiciaire en France, envisagent de fermer tous leurs dark stores et de licencier l’intégralité de leurs salariés hors d’Ile-de-France.

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Getir, Gorillas et Frichti veulent se recentrer sur l’Ile-de-France
Getir, Gorillas et Frichti vont réduire de 70% la taille de leur parc d'entrepôts.

Le contexte

  • Le marché du quick commerce est en chute libre depuis fin 2022 et l'arrêt des promotions. Sa part de marché dans les achats enligne est passée de 3,5 % au T1 2022 à 2 % au T1 2023, selon NielsenIQ.
  • Les start-up du secteur se retrouvent avec bien trop de dark stores, de livreurs et de préparateurs de commandes par rapport à la demande.
  • La concentration en duopole, avec, d'un côté, le groupe Getir et, de l'autre, Flink, ne suffit pas à créer des opérateurs avec une taille critique qui leur permette d'être rentable.

Le 18 mai, la start-up de livraison rapide de courses Getir faisait état de son intention de licencier 900 personnes en France, soit la moitié des 1 800 salariés des trois sociétés sœurs : Getir donc, mais aussi Gorillas (racheté par Getir fin 2022) et Frichti (elle-même rachetée par Gorillas plus tôt en 2022). Getir n’a pas donné davantage de détails, mais LSA a depuis appris l’existence d’un plan de restructuration bien plus élaboré. Précisons qu’il s’agit d’un projet, qui peut encore être remanié. Contacté, Getir n’a pas souhaité commenter les informations contenues dans cet article.

Principale mesure : Getir, Gorillas et Frichti pourraient quitter toutes les villes de province dans lesquelles elles opèrent encore actuellement. Ce qui implique une fermeture de l'intégralité de leurs entrepôts de livraison et le licenciement de tous les salariés hors d'Île-de-France, à l'exception de quatre sites de Frichti dont l'activité est assez vigoureuse pour justifier leur maintien. En Île-de-France, il ne resterait plus que 19 entrepôts, dont 9 sites de Gorillas, 6 de Getir et 4 de Frichti, qui deviendraient dédiés à l'activité de livraison de repas historique de la société française. Au total, les trois quick commerçants passeraient d'un parc de 76 entrepôts en France à seulement 23, soit une réduction de 70 %. La baisse est particulièrement intense pour Getir, qui compte 38 dark stores sur le territoire. Ce qui explique aussi pourquoi ses salariés sont les plus nombreux (841 contre 480 chez Frichti et presque 500 chez Gorillas), mais aussi les plus touchés par le plan de restructuration, avec jusqu'à 524 postes supprimés. Toutefois, en proportion, chacune des trois entités voit son effectif fondre d'environ 50 %.

Les salariés de Getir ont cru à la stabilité du CDI. Personne ne leur avait dit qu’un CDI était en fait un CDD d’un an et demi.

Johann Tchissambou, délégué CFDT de Getir

Mutualisation des entrepôts

Si à terme, une fusion complète des trois structures est envisagée, l'esprit de clocher devrait perdurer au sein du groupe. Ainsi, les dark stores restants seront mutualisés entre Getir, Gorillas et Frichti, mais c'est le service via lequel un client commandera qui récupérera le chiffre d'affaires. Ensuite, ce sera le dark store le mieux positionné géographiquement qui honorera la commande. Un client de Gorillas pourrait ainsi se voir livrer par Getir. Des contrats de prestations de service et une refacturation interne seront mises en place.

C'est donc vers une baisse considérable de ses ambitions en France que s'oriente le groupe, en se privant d'une présence dans des grandes villes comme Marseille, Lille ou Lyon. Mais cette décision difficile lui permet de se concentrer sur la région la plus densément peuplée, et donc la plus facile à rentabiliser. Cardans la livraison alimentaire, plus il y a de clients sur un périmètre réduit, meilleures sont les marges, puisque chaque livreur peut effectuer davantage de livraisons dans un temps donné.

Il faut dire que le groupe n'a pas vraiment le choix. Il lui faut sacrifier son chiffre d'affaires futur pour améliorer sa rentabilité actuelle. Car l'année 2022 a été catastrophique en la matière : les trois sociétés du groupe ont réalisé un chiffre d'affaires cumulé de 124 millions d'euros, pour des pertes cumulées de 191 millions d'euros. Le cancre du groupe est Getir, qui a perdu à lui seul presque 100 millions d'euros en 2022. L'année dernière, Getir perdait en moyenne entre 57 et 58 € par commande comprise entre 19 et 21 €. Un peu mieux, mais pas tellement plus glorieux chez Gorillas, avec 44 à 45 € perdus par commande de 26 à 27 € en moyenne. De son côté, Frichti est beaucoup plus proche de la rentabilité, avec entre 8 et 9 € perdus pour des commandes comprises entre 18 et 19 €.

Le long chemin vers la rentabilité

Sacrée leçon d'humilité pour les mastodontes Getir et Gorillas, qui ont chacun levé plus de 1 milliard de dollars (plus de 930 millions d'euros au cours du 1er juin 2023). Tandis que Frichti, avec seulement quelques dizaines de millions d'euros, a réalisé 70 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022. Soit plus de la moitié des revenus du groupe. Ses pertes, à 33 millions d'euros, sont aussi plus faibles que celles de ses compères turc et allemand. Les services aux entreprises et la marque propre développés par Frichti feront partie de la voie à suivre pour le groupe s'il veut un jour atteindre la rentabilité. Signal d'espoir toutefois, les efforts d'économies entamés l'année dernière commencent à payer. Au premier trimestre 2023, le groupe a réduit ses pertes de près de 40 % (35 millions d'euros, contre 58 millions au premier trimestre 2022). Le chemin vers la rentabilité sera encore long. Et coûteux : les mandataires judiciaires ont estimé à 30 millions d'euros le besoin de refinancement de Getir, Gorillas et Frichti pour mener à bien cette restructuration. Une somme acceptée par les propriétaires turcs des trois sociétés, qui semblent bien décidés à rester en France, quitte à se contenter de l'Île-de-France.

Pour les salariés, les licenciements sont difficiles à encaisser, observe Johann Tchissambou, délégué CFDT de Getir, qui rappelle que la plupart d'entre eux sont des livreurs et préparateurs de commande non qualifiés. « Ils ont cru à la stabilité du CDI, certains ont contracté des emprunts. Personne ne leur avait dit qu'un CDI était en fait un CDD d'un an et demi. » Il demande à la direction huit mois supplémentaires de salaires pour les employés, en plus du package légal auquel ils ont le droit dans le cadre d'un plan social, « pour les aider à retrouver une stabilité dans leur vie ».

Les espoirs des dirigeants

  • En se concentrant sur l’Île-de-France, Getir revoit ses ambitions à la baisse, mais facilite son chemin vers la rentabilité.
  • Ce territoire très densément peuplé est le plus propice à la génération de bénéfices, après une rationalisation de la logistique passant par une réduction du nombre d’entrepôts.

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