Lors du premier choc pétrolier en 1973, alors que le monde découvrait que ses réserves naturelles en hydrocarbures étaient limitées, Herbert Simon, chercheur et futur prix Nobel d'économie, formulait le concept d'économie de l'attention: "Dans un monde riche en informations, l'abondance d'informations entraîne la pénurie d'une autre ressource: l'attention de ses receveurs".
Depuis, l’économie de l’attention est devenue une nouvelle branche des sciences économiques. Dans ce contexte, le niveau d'attention dont bénéficie un objet est une source de valorisation: les produits de la surabondance de l'offre (contenus numériques, radiophoniques, télévisuels, etc.) sont ceux qui consomment l'attention désormais limitée par cette même surabondance. C’est le moteur de cette nouvelle économie digitalisée portée par les GAFA (Google Apple Facebook Amazon) qui offrent des applications pratiques souvent gratuites, qui absorbent notre attention, afin de pouvoir vendre des biens et des services, sensés répondre à nos désirs les plus profonds d’un simple clic.
Pour illustrer cette situation, Bruno Patino directeur d’Arte, explique dans son livre « la civilisation du poisson rouge » que le Web, les réseaux sociaux et les applications numériques transforment l’humanité en poisson rouge, incapable de fixer son attention au-delà de 8 secondes. Tout cela en vertu d’un modèle économique qui ne cherche qu'à attirer, voler, capturer notre attention, nous visser le plus longtemps possible devant un écran ou tout défile et change constamment. Il rejoint les travaux du chercheur Yves Citton qui invite à dépasser l'économie de l'attention pour aller vers une écologie de l'attention. Selon lui, il est urgent de reprendre la main face à une exploitation de l'attention par une économie capitaliste pour «nous rendre mieux attentifs les uns aux autres ainsi qu'aux défis climatiques et sociaux du monde d’aujourd’hui».
Dans un autre ouvrage collectif « les marchandises émotionnelles », Eva Illouz sociologue à l'EHESS, montre comment la consommation et les émotions s'intriquent désormais au point de se définir mutuellement. La modernité fait de l'individu un être à la fois fondamentalement rationnel et soumis à une intensification sans précédent de ses émotions. Ce paradoxe est rendu possible par le fait que les émotions et les marchandises sont désormais coproduites, jusqu'à générer un type de produits tout à fait inédit et jusqu'à présent jamais étudié : les marchandises émotionnelles.
Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, dans son livre « La nuit, j’écrirai des soleils », raconte comment de nombreux écrivains célèbres avec une enfance difficile (deuil précoce, abandon) ont réussi à sublimer leur souffrance intérieure par la littérature. Il rappelle qu’il n’existe pas de réalité objective de son histoire, mais une interprétation subjective et personnelle des faits vécus. Pour lui, le but de tout travail psychothérapeutique est de réinterroger les représentations que nous avons pu faire de certains événements difficiles ou traumatiques, afin d’essayer de se réconcilier et de se libérer de ces événements douloureux de son histoire.
Comme précisé par les experts cités plus hauts, nous pouvons constater qu’effectivement de plus en plus de personnes, dont les enfants, ont des problèmes d’attention et de concentration et sont soumis à une véritable tyrannie émotionnelle, qui vont des troubles anxieux à des psychosomatologies plus invalidantes. Il est donc important de promouvoir toutes les approches qui vont participer à cette éducation de l’attention et des émotions, afin de sortir des diktats et des comportements compulsifs, générés par cette nouvelle économie digitale.
Un médecin suisse, Roger Vittoz, avait tout compris au début du XXeme siècle, en mettant au cœur de sa thérapie, le développement de l’attention et de la concentration dans l’instant présent, basé sur une incarnation assumée et l’accueil des émotions. Ce précurseur, contemporain de Freud, propose une approche qui s’inscrit autant dans le champ de l’éducation attentionnelle et émotionnelle, que dans le champ de la psychothérapie. Il répétait souvent à ses patients « Veuillez ce qui vous arrive », afin d’apprendre à faire corps et cœur avec la réalité et ses contraintes, pour rester acteur responsable et libre dans le tumulte de la vie. L’originalité de sa méthode est de promouvoir une rééducation du contrôle cérébral, afin de pouvoir équilibrer les fonctions cognitives, avec les fonctions corporelles et émotionnelles. En terme plus simple, d’apprendre à lâcher le tout-mental pour descendre aussi son attention dans son corps et dans ses pieds, afin de se sentir vivant et relié à la terre. Ce travail redéveloppe une vraie conscience corporelle, qui permet de s’ancrer dans le présent de son quotidien, et est une véritable ressource pour apprendre à contenir et vivre pleinement ses émotions, sans jugement et avec bienveillance, pour soi et avec les autres.
Alors dans ce monde en pleine mutation, où le vivre ensemble est souvent questionné face à une économie capitalistique qui considère les humains et la planète pour des ressources à exploiter, il appartient aux pouvoirs publics et aux professionnels de l’accompagnement de pouvoir proposer des outils concrets et efficaces pour développer une éducation de l’attention et des émotions. Afin de remettre au cœur de la vie de la cité les enjeux sociaux et climatiques, en plus d’une simple recherche d’un bien-être personnel.
C’est ce que font certains services publics, comme récemment l’INSERM de Lyon (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) par l’intermédiaire de Jean-Philippe Lachaux, qui a proposé un MOOC gratuit pendant 6 semaines pour expliquer et faire comprendre les mécanismes de l’attention et de la concentration pour les adultes, afin d'’aider et de soutenir les nouvelles générations à renforcer leur capacité d’attention. C’est aussi ce que font les établissements scolaires ou toute organisation qui introduisent la Méthode Vittoz, le yoga, la méditation ou toute approche psychocorporelle dans leurs structures, pour les utilisateurs autant que pour leurs personnels.
La Méthode Vittoz est donc un chemin possible pour promouvoir cette éducation de l’attention et des émotions.
Symboliquement, Notre-Dame vient d’être décapitée par l’incendie de sa toiture et de sa flèche, mais elle reste debout solidement ancrée dans ses fondations et ses murs porteurs, et elle est prête à renaître de ses cendres. Sa tête a été touchée mais son cœur et son corps ont tenu.
Belle exemple de résilience !
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Patrick BOBICHON - Thérapeute psychocorporel Vittoz - Instructeur FOVEA
Pour Particuliers, Groupes et Organisations
En cabinet, sur site et par skype.
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