DECOUPER L'UNIVERS

présentation du livre, et prévente.

Alors, la mise en vente de ce recueil représente pour moi un événement important, parce que c'est le dernier livre dont je vais assurer, en collaboration avec l'éditeur, la vente.

Je ne cesserai bien évidemment pas de faire la promotion de mes ouvrages, mais mes prochains bouquins seront vendus exclusivement par les éditeurs qui m'en ont acheté les droits.

Pourquoi ? Eh bien, tout bêtement, j'en ai marre. Je fais ça depuis 2007, j'ai pris beaucoup de plaisir à le faire, je n'en prends plus, j'arrête. Bon, mes livre seront toujours disponibles à l'occasion de mes lectures, mais ça n'est pas la même chose tout à fait.

Cette parenthèse personnelle est terminée, parlons maintenant de Découper l'univers. Je ne peux pas tellement préciser ses caractéristiques physiques, le livre n'étant pas encore imprimé. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il compte environ 45 textes écrits dans le registre des trois que vous trouverez en exemple à la fin de cette Newsletter, et quinze illustrations, réalisées par Lilas et Super Détergent, dans le style des quatre qui en rythment la mise en page.


Sa parution est prévue en septembre aux éditions Gros Textes (chez qui j'avais déjà publié, en 2013, Poésie Portable) et coûtera 10 euros, plus 2 euros de frais de port.

Tous ceux qui veulent se porter acquéreur avant sa sortie, c'est à dire dès maintenant, d'un exemplaire de Découper l'univers, se verront offrir, pour récompenser leur fidélité et en plus de la traditionnelle dédicace illisible et c'est tant mieux qu'elle le soit vu les conneries que souvent je raconte, se verront offrir, disais-je, au choix, ou bien un badge konsstrukt (ils présentent, magistralement maquettés par Aurore *U*, déjà responsable des maffreunifiques masques que je porte sur scène, des phrases-chocs tirés de mes divers bouquins), ou bien un CD live (lecture de Poésie Portable à Besançon en compagnie du Caveauphone ou du Cavophone, je ne sais jamais comment ça s'écrit, mais le savent-ils eux-mêmes ?), ou bien un poème inédit et recopié à la main sur du beau papier.

Voilà, vous savez tout. Pour effectuer votre commande, vous pouvez ou bien suivre ce lien Paypal : https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=6MJ7DBFL6TUQW, ou bien envoyer un chèque à Christophe Siébert, 5 rue Sainte-Rose, 63000 Clermont-Ferrand, en prenant bien soin de LAISSER L'ORDRE EN BLANC, c'est important, sans cela je ne pourrai pas l'encaisser.

EXTRAITS :

 

Enseigner la morale à ses enfants dans un monde que domine le nihilisme et la volonté de puissance. Leur apprendre la loyauté et la valeur de l'effort, affermir leur caractère et sculpter leur désir, espérer qu'à la fin ils aient des ambitions qui n'appartiennent qu'à eux et pas juste l'envie de faire du pognon, leur donner la culture, le goût, la curiosité, les outils pour être chercheurs d'or, les lancer dans la fosse sceptique et regarder ailleurs, se demander si c'est pas une connerie, si la méthode est bien la bonne. Leur vanter l'école et l'école est foutue. Les forcer à manger des légumes qui les tuent aussi bien que le dernier repas de Raspoutine. Les préparer à affronter leur avenir et faire semblant qu'il y en aura un, que notre civilisation n'est pas un iceberg qui dérive en plein cagnard. Leur apprendre que la violence ne résout rien. Que l'égoïsme et l'avidité sont des défauts. Prendre peur, se convaincre sans y croire qu'ils ne seront pas des agneaux dans un monde de loups ni des hommes inutiles et debout dans une porcherie, se convaincre d'être en train de fabriquer autre chose que des victimes. Se planquer derrière sa suffisance et sa misanthropie. Masquer son incompétence, ignorer que le premier fan de tuning et de foot, de télé-réalité, que le premier connard venu en sait plus long que soi sur comment fabriquer un gosse à son image. Se dire qu'éduquer un enfant c'est peindre son autoportrait avec la mauvaise main et un bandeau sur les yeux et se rassurer comme on peut. Avoir un regard attendri, oublier ses craintes, oublier ses angoisses, oublier que le futur existe, remplir une tasse de lait, sortir du placard les gâteaux, oublier le cancer, la crise agroalimentaire, la guerre civile, la dictature, s'enfouir la tête dans le sable, écouter son enfant poser des questions à la con sur la fabrication du savon et le fonctionnement des trains, résister à l'envie de lui dire la vérité.

 

***

 

Vous vous baladez sur le bord d'une route, l'esprit occupé à des pensées idiotes, qu'est-ce que je vais bouffer ce soir, idiotes mais cruciales en cet instant précis. Vous vous baladez sur le bord d'une route pas tellement fréquentée, le supermarché en ligne de mire, le cagnard au-dessus, la chaleur, la lumière, le bruit de vos godasses qui écrasent les gravillons, et d'un coup c'est aussi fort qu'une expérience mystique et d'ailleurs c'en est une. Au lieu que ce soit Dieu qui vous apparaisse, c'est le Présent. Le Présent vous tombe dessus, surgit au détour du chemin et ça vous fait tout drôle. Vous vous jugez en un éclair, et vous êtes satisfait. Satisfait de vous-même, satisfait de votre vie, satisfait de ce monde où vous avez fini par trouver votre place et où toutes les couleurs se foutent bien ensemble, l'herbe, le ciel, quelques fleurs vives qui contrastent, tout ça qui ressemble soudain à un décor mis là uniquement pour vous. Vous êtes aveugle à tout ce qui ne va pas, égoïste, vous êtes dominé par l'indifférence, vous êtes un animal repu, il y a juste le soleil et votre ventre et les muscles de vos jambes qui donnent à tout ça le rythme adéquat mais ça ne dure pas et le Présent vous quitte sans la moindre révélation, vous rend à votre vie, c'est à dire au temps, c'est à dire faire les courses, manger, chier, échapper à l'ennui, combler les frustrations, regarder le soleil en buvant de la bière.

 

***

 

Arriver à quarante ans et se dire que ça y est, les portes sont fermées. Se dire que ça y est, c'est sûr et certain, je ne serai jamais prof, astronaute ni flic, je ne serai jamais champion d'échec ou de foot, chirurgien esthétique, je ne serai jamais tout ça. Arriver à quarante ans et se dire une fois pour toute je serai ce que je suis et plus jamais rien d'autre, le sentir dans ses nerfs, que toutes les bifurcations sont largement derrière, que les seuls choix possibles, maintenant, c'est ou bien continuer ou bien faire clochard, ou fou, ou braqueur, ou mort.
Arriver à quarante ans, se juger pour de bon et se dire à soi-même qu'on est sur la bonne voie, ou bien arriver à quarante ans, se juger pour de bon et se dire à soi-même que sa vie est merdique, merdique et bien partie pour l'être jusqu'au bout.
Je parle de cette fille qui à trente ans passés n'a jamais quitté la maison de ses parents, n'a jamais rien appris, n'a jamais rien trouvé d'intéressant à faire, n'a jamais eu la joie d'accomplir quelque chose. Je parle de cette fille qui ne connaît que l'échec et qui a l'impression que ce sera pour toujours, que sa vie est en boucle, que sa vie est finie. Pour toujours dans le garage de ses parents qui n'en peuvent plus de sa gueule, dans le garage transformé en studio moche et sans fenêtre, pour toujours dans un corps trop gros qui lui fait horreur, pour toujours les pétards qui débranchent la machine à pensées dégueulasses, pour toujours la télé et l'Internet débile comme seule vie sociale. Je parle de cette fille qui à trente ans passés n'a plus envie de vivre et je suis partagé entre lui expliquer que tout est possible et lui confirmer que tout est foutu ; je n'en sais rien et tout ce que je sais c'est que les choix faits à vingt ans on les paie à quarante et faut avoir du pot pour échapper aux sueurs froides quand vers trois heures du matin c'est entre soi et le silence que ça se joue.

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