RECUERDO - La lettre                #21

Un "torchon" édité par une association de "distributeurs de tracts"...

Adjectif balancé à l'égal d'une "punchline" sensée légitimer qualitativement parlant la feria montoise, comme on le ferait d'un bilan financier ou d'un patient en fin de psychanalyse ; Invocation quasi mystique utilisée jusqu'à la redondance, vidée de son propre sens, scandée, dès les premières lignes, par des gourous taurins de tout poils, trouvant dans la formule laconique, l'aubaine d'un résumé tout cuit de la future féria montoise réduite à sa plus courte expression ; Argument principal (unique ?) de l'édition 2017, gage, semble-t-il, à la fois de compétence et de sérieux, la prochaine Madeleine montoise sera « équilibrée » ou ne sera pas...

 

 

Photo - La femme à la balance, Johannes WERMEER - 1665 

National Gallery of Art, Washington DC (États-Unis)

 

Il va pas bientôt nous lâcher Magritte avec sa madeleine à cornes ?

...ça ne vous rassure pas vous ? Vous imaginez un peu si elle avait été déséquilibrée ! Comme Vic, Céret ou Bilbao, quelle horreur ! Non, là c'est bien, c'est « équilibré » ! A y regarder de plus prés - parce qu'on est chiants à chercher toujours la petite bête, c'est plus fort que nous - à y regarder de plus prés, disait-on, cet équilibre brandi comme un étendard de vertu ne cacherait-il pas son exact opposé ? Oh quand même...

Bon, bornons-nous, pour commencer, à rechercher l'équilibre de ces cartels. A nos yeux, si équilibre il y a, c'est dans la perception qu'en aura le grand public. Autrement dit, la mise en présence de toreros aux noms évocateurs (Mazanares, Dufau, Ponce, Castella, Roca Rey, Fandiño) et de toros dont les élevages peuvent être facilement identifiés (Nuñez del Cuvillo, Juan Pedro Domecq, La Quinta, Adolfo Martin) sur un même cartel, donne la sensation au profane qui fréquente les arènes pour le folklore et par habitude, d'un équilibre entre les toreros connus et les toros identifiables. C'est le système des marqueurs qui parlent au plus grand nombre. Quand vous voulez parler de trash métal, vous évoquer Metallica ou Sepultura avant Strapping Young Lad... ben là, c'est pareil !

 

Le compte n'y est pas...

Bon, ça paraît un peu léger comme équilibre mais pourquoi pas ! Maintenant plaçons-nous du point de vue de l'aficionado. Un point de vue qui sera forcément plus exigeant car par définition l'aficionado est fidèle à ses arènes, il s'y abonne, s'y déplace en connaissance de cause, et décrypte les courses en fonction de son savoir, de sa sensibilité et de sa culture. Que lui propose-t-on à ce bon aficionado ? Le mercredi, jeudi, samedi, des cartels clairement orientés vers une tauromachie moderne. Comprendre des toreros issus du répertoire le plus « bancable » et fermé du moment, devant des toros exclusivement issus de cette branche Domecq dont la sélection porte strictement sur la recherche d'une noblesse coopérative permettant au torero un triomphe assuré.

Le dimanche, « LA » course toriste (traditionnelle ?!) choisie pour son encaste bien connu à Mont de Marsan, celui de Santa Coloma-Alabaserrada dont on a pu apprécier les qualités chez Victorino ou Escolar. Enfin, une dernière course que l'on veut vendre comme toriste, communiquant lourdement sur le retour des toros de La Quinta, d'origine Santa Coloma-Buendia, qui auraient laissé un souvenir si impérissable lors de Madeleine antérieures qu'on ne pourrait décemment pas se priver du bonheur de fêter les 30 ans de la ganaderia au Plumaçon. On veut y croire ! La Quinta se reconstruit péniblement d'un parcours flirtant un peu trop avec les figuras, mais les novilladas sont encourageantes. Oui mais voilà, les hommes alignés pour ce cartel nous interloquent. Les corridas toristes ont leurs spécialistes. Si bien que lorsque ce ne sont pas les habitués qui prennent ces corridas on y voit deux explications : soit que la corrida en question n'est pas en substance toriste, soit que les toreros se mettent en compétition. Ce qui en soit représente un événement exceptionnel ! Dans la mesure où, à Mont de Marsan, on ne fait pas vraiment dans l'humble demie mesure question com', s'il y avait eu un événement de ce genre, on l'aurait su !


Ceci est mon équilibre...

Donc si on fait le point sur la physionomie de la Madeleine 2017. On trouve 3 courses modernes (curseur toreriste poussé à l'extrême), 1 course toreriste (La Quinta, toreros et toros se partagent l'affiche) et 1 course toriste (Adolfo et les spécialistes du genre). Et là, force est de constater que pour une feria « équilibrée », elle est quand même vachement déséquilibrée... Mais elle est peut-être là, la clef ! Madeleine 2017 est « équilibrée » dans le déséquilibre, et nous pauvres aficionados cartésiens que nous sommes, on essaie figurativement d'analyser des cartels qui se revendiquent  d'un "surréalisme taurin" né en 2016 par la réprésentation d'une madeleine à cornes se revendiquant à la fois d'une évocation métaphorique mi proustienne mi magrittienne ! Bref, on est trop cons pour comprendre... La Madeleine 2017 est équilibrée, il suffit de s'en convaincre !

Monter des cartels est une chose. Mettre tout en oeuvre pour qu'ils soient attractifs sur le papier, pour que le public les comprenne et y adhère, pour que les abonnements se reconduisent, bref pour que les arènes se remplissent. Une fois pleines, ces arènes, il faut bien que les courses se déroulent. Les toros doivent sortir (bien de préférence), les toreros doivent triompher, en un mot le train-train taurin doit filer dans le respect du règlement taurin qui garantit à tous (acteurs et spectataeurs) un spectacle éthique...

Photo - La Présidence Technique - 21 juillet 2016 - Romain TASTET

Au revoir Président !

...et le garant de cette intégrité n'est autre que la Présidence Technique.

Or, si important soit-elle,  la Présidence Technique reste mystérieuse aussi bien dans sa compostion que dans son rôle ou son champ d'action. Le Réglement Taurin de l'UVTF himself, ne donne que peu d'information sur le sujet : "Le déroulement de la course est placé sous la direction d’un Président, chargé de veiller au strict respect des dispositions du présent règlement et des usagesen vigueur."

 

Alors, à l'heure où la question se débat au sein de la Commission Taurine Extra Municipale montoise (CTEM), nous avons voulu apporter notre contribution.

 

Tout d'abord, il faut savoir qu'il existe le "Corps des Présidents et Alguazils de Corrida" qui est une entité qui a pour vocation de regrouper, former et accompagner les présidents, assesseurs et alguazils dans leurs tâches. Sur le site de la FSTF (Fédération des Sociétés Taurines de France), un dossier complet composer d'une quinzaines de fiches techniques permet d'éclaircir le rôle et les tâches de chacun (lien ici). On y trouve les modalités réglementaires mais aussi des recommendations complémentaires notamment sur les "changement de toro" : "Il semble préférable que le palco n’entre point dans des considérationsd’assurance qui doivent lui rester étrangères." ou encore sur l' "indulto" : "Attention ! Par définition l’exceptionnel est rarissime !!!"ou encore sur l' "arrastre" : "[...] il convient de souligner que l'arrastre correspond au moment où le public manifeste son jugement sur les qualités et la prestation du toro : applaudissements, sifflets, ou 

encore silence indifférent doivent pouvoirs'exprimer et ne pas être couverts par une musique intervenant trophâtivement. Lors de la concertation préalable, la présidence devra exiger de lamusique qu'elle ne joue qu'une fois la dépouille du toro évacuée."

 

La cohérence et la cohésion ainsi que le sérieux sont au centre de la démarche et nous ça nous va bien ! Il nous apparait important d'avoir ces mots en tête quand, le rideau se lèvera sur Madeleine 2017. On parachève notre propos par des mots empruntés à Laurent Larrieu qui dans un texte paru sur Campos y ruedos, intitulé "Palcotille" écrivait :  " [...] ce système, soutenu dans les places de première (on rit toujours en écrivant première catégorie pour certaines places françaises –voir la grêle d’oreilles tombée à Mont de Marsan) par des considérations politicardes, n’amène rien de bon pour la tenue des courses organisées. Triomphalisme, peur de déplaire aux amis (pas aux aficionados, non, aux copains qui organisent oui), arrangement avec le règlement (les deux piques du règlement taurin par exemple) et autres. Je fais chez les potes ce que j’aimerais qu’ils fassent chez moi. Ce n’est peut-être pas mieux en Espagne, ni dans le Sud-est, c’est vrai, mais c’est affligeant tout de même et totalement regrettable pour l’indépendance des palcos et le sérieux d’une arène dont certaines, ici dans le Sud-ouest, fondent leur réputation sur la recherche de ce sérieux." 

 

Mesdames, messieurs, organisateurs, Présidents, assesseurs, alguazils à bon entendeur...

Le Corps des Présidents et Alguazils de Corrida : torofstf.com/content/document-d’assistance-aux-présidences

L'affiche 2017 est l'oeuvre d'un "people". Par le fait ça ne peut souffrir d'aucune critique, d'aucun doute, d'aucune réaction en demi teinte, d'aucune moue sceptique, d'aucune remise en cause du choix artistique, ou du style pictural. Christian Lacroix signe donc l'affiche, merci à lui de s'être penché sur le sort de notre Madeleine...enfin penché, certes, mais à distance tout de même n'exagérons rien. En effet, lors de la présentation de son travail il n'était pas là car "il n'aime pas communiquer sur son travail". Soit ! On se sent, tout comme l'assistance présente, flatté qu'un couturier de la renommée de Christian Lacroix, non seulement connaisse notre ville, mais en plus se fende d'un travail à la gloire de notre fête. Avouez que c'est quand même autre chose qu'une vulgaire infographie de madeleine à cornes invoquant Magritte et Proust qui, soit dit en passant, se foutaient pas mal de la tauromachie en général et de notre Madeleine en particulier...

Lacroix et les bannières

...sauf que notre enthousiasme (tout relatif on vous l'avoue) retomba comme un drapé de robe en soie lorsque, quelques jours plus tard, nous découvrions l'affiche du "seul contre 6" de Bautista à Nimes, créée par qui, on vous le donne en mille, le même Christian Lacroix. Du coup l'affiche de notre Madeleine 2017, perd un peu de son originalité, de sa portée symbolique et de son prestige. Les optimistes diront que Lacroix ne se fout pas de la tauromachie en général, juste de la particularité de notre Madeleine, ce qui, comparait aux artistes dont se réclamait l'affiche 2016, marque une belle évolution. Pour ce qui est de notre engouement à vendre la représentation de notre fête au premier "people" venu, on se garde un droit de réserve. Une chose est sure, dans ce monde taurin, tout est plus que jamais histoire de com'...

Dans nos différents et non moins très (trop) larges errements taurins informatisés nous sommes tombés sur plusieurs textes de Jean Jacques DHOMPS qui nous ont réconfortés dans notre aficion, dans notre sensibilité d'aficionado et dans le regard que nous portons à la tauromachie d'aujourd'hui. Nous avons choisi de vous proposer l'un de ces textes car nous sommes convaincus que c'est en tenant ces propos et/ou en les relayant que nous arriverons à faire bouger les lignes...

Incroyable mais vrai !

Certains professionnels organisateurs du spectacle taurin augurent de la raréfaction générale du public des arènes qu’il faut faire évoluer ce spectacle pour satisfaire la demande d’une plus grande dimension artistique et esthétique que n’y trouve pas actuellement ce public.
Pour cela, il faut que des maestros de plus en plus artistes soient servis par des animaux de plus en plus artistes et de moins en moins dangereux. Des “bédigues”[1] comme dit, avec son bel accent provençal, mon ami Hubert qui, à défaut d'être un esthète éthéré, a toujours préféré Céret à Palavas et Vic à Nîmes.

 

Mais alors pourquoi pas de véritable bédigues ?
Même un taureau sélectionné pour mourir aimablement en artiste peut conserver un fond de méchante caste qui empêchera son partenaire[2] de s'abandonner à sa seule inspiration artistique. Pour satisfaire un public amateur d’art taurin, il faut donc aller résolument plus loin.
Nous connaissons l’aptitude de certains béliers, et même de certaines brebis et même de certains béliers châtrés (ou moutons) à charger et à répéter leurs charges. Que n’obtiendrait-on s’ils étaient élevés et sélectionnés pour ça !
Et puis que d’autres avantages ! Avec des brebis ou des moutons, les frauduleuses manoeuvres de l’afeitado n’ayant plus lieu d’être, l’aspect éthique deviendrait indiscutable. Il n’y aurait plus besoin de chevaux et de picadors qui renchérissent si lourdement le spectacle, les banderilles velcro se pègueraient tout naturellement sur des toisons laineuses. Bien entendu, moins cruels que le loup de La Fontaine, nous ne tuerions ni ne mangerions ces bêlantes bêtes. Elles pourraient alors resservir plusieurs fois et si elles prenaient un peu trop de vice à ce jeu répété, elles seraient dévolues aux
toreros de seconde catégorie, les moutons neufs étant réservés aux grandes figures du G je ne sais plus combien.
Vous pensez que je galèje, cliquez ci-dessous et imaginez ce qu’un José María Dolls Samper “Manzanares” vêtu de lumière pourrait produire avec un tel complice.
Cette vidéo est due, selon Marc Roumengou qui me l’a procurée, au Secrétaire général de la Union de Bibliofilos Taurinos et de la "Tertulia Amigos del Conde de Colombi". Il l’avait intitulée “Toro artista” mais j’aime mieux finalement le titre “Ovinomachie” trouvé par Marc.

 

Jean-Jacques Dhomps

[1]Bédigue : s. f., du provençal bedigo. Brebis ayant agnelé au moins une fois.
[2]“partenaire” parce qu'il a des termes comme “matador” qui ne pourront plus être utilisés.

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